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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Culte du 15 mars 2020 annulé ainsi que tous les suivants jusqu'à nouvel ordre suite à la pandémie de covid-19

15 Mars 2020, 01:42am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Prédiction  - Joëlle Alméras 

Textes bibliques 

Exode 17, 3 – 7

Jean 4, 4 – 15, 25-25, 28-30

 

Fil rouge : «Ouvre le robinet ! »

 

Introduction : Je n’en suis pas sûre mais il est peu probable que l’un ou l’une d’entre nous ait souffert de la soif au point d’être près à dire ou faire n’importe quoi pour l’étancher. Des guerres, encore de nos jours, perdurent dans des combats sans merci pour un point d’eau potable. Et que dire de tous nos contemporains prêts à affronter des maladies mortelles pour rassasier leur soif dans des points d’eau saumâtres. L’eau ! « De l’apparition de la vie sur la terre aux branchies que porte l’embryon humain jusqu’à sept semaines, tout ce qui existe est lié à l’eau. (…) Et si nous pouvons rester 30 jours sans manger, rester 3 jours sans boire [peut] nous est fatal »[1] ». Nos lectures sont imprégnées de cette évidente dépendance vitale, inséparable de la présence de l’eau porteuse de la vie. Nous parlerons avec l’épisode de Massa et Mériba de l’eau, vie pour le corps, puis avec la rencontre de Jésus et la samaritaine, d’une eau plus salutaire encore. Quant à nous, nous serons dans la conclusion.

 

1) Massa et Mériba : Commençons par les hébreux. Ils n’hésitent pas, par leurs critiques acerbes, à risquer de se mettre à dos le Dieu qui peut faire d’invraisemblables miracles inédits et inventifs, ce qui pourrait tourner à leur désavantage ou pire, et qui pourrait leur octroyer le même funeste sort qu’aux Égyptiens. Mais c’est plus fort qu’eux, quand l’eau vient à manquer… Mettons nous, un peu, pour commencer, à leur place.  Ils sont en errance dans un désert hostile, inhospitalier, où le soleil frappe le sol tout au long du jour de ses rayons d’une insoutenable et suffocante chaleur. 60.000 km2 d’enfer… là, d’étape en étape, de point d’eau en point d’eau, pas question d’organiser un potager, d’abreuver les troupeaux à satiété, et de boire à volonté. Finis « les poissons, les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et les aulx (pluriel de aïl), (…) maintenant leur âme est desséchée »[2]. Alors la colère monte, les récriminations se font entendre de plus en plus fort, l’agressivité envers ce Moïse qui leur a fait perdre le peu qu’ils avaient, leur prend la tête et Moïse se voit même déjà lapidé !

Ici, nous pourrions, comme à une croisée de chemin, emprunter celui qui nous conduirait vers une réflexion sur le « ah ! le bon vieux temps, c’était mieux avant, aujourd'hui rien ne va plus, c’est bien pire »… je croirais m’entendre certains jours de spleen. Je vous laisse cette piste pour une éventuelle prochaine méditation.

Mais j’ai choisi de m’en tenir à l’eau, ce qu’elle est, ce qu’elle peut-être, ce qu’elle pourrait aussi provoquer.

Pour le moment, nous sommes là, dans ce lieu où la soif du corps ne peut être étanchée. Pas de point d’eau à l’horizon. Moïse plus qu’inquiet pour sa vie s’adresse au Seigneur qui lui répond : «Je me tiendrai devant toi, frappe le rocher et il en sortira de l’eau et le peuple boira ». Une réponse de sagesse à la provocation : « L’Éternel est-il au milieu de nous, ou n’y est-il pas ? » C’est le sempiternel « si tu m’aimes, prouves le moi » dont l’humain use et abuse avec ses semblables. Sauf que là, par l’intermédiaire de Moïse, c’est sur Dieu qu’il veut mettre la main, ce Dieu déroutant qui ne l’aime pas comme il le souhaite, comme il pourrait s’y attendre, en lui donnant tout ce qu’il demande. Après tout c’est lui qui l’a fait sortir d’Egypte non ? Un marché avec le Seigneur ! Une espèce de mise en demeure ! Donne-moi de l’eau ou alors tu n’es plus mon Dieu… Et le Seigneur donne de l’eau… Il donne l’eau, il donne la vie, la vie du corps sans remettre en place ces humains qu’Il vient de libérer d’une esclavage infernal et inhumain et qui pourtant, avec la courte mémoire habituelle de ses enfants de la terre, voudraient y revenir. Sans blague ! J’étais en enfer, j’en suis sorti mais laisse moi y retourner ! Et si j’ose le dire ainsi, ce que je veux c’est le beurre et l’argent du beurre ! François de Salle disait : « Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie ![3] »

C’est peut-être pourquoi, ce qui ressemble fort à un miracle, l’eau qui jaillit d’un rocher en assez grande quantité pour combler tous les besoins d’un peuple en marche dans un désert de rocailles inhospitalières, gardera, dans les Écritures, un arrière-gout d’amertume et d’échec. Le nom du lieu, dont on se souviendra jusqu’à nos jours, c’est Massa : «épreuve ou tentation » et Mériba : « contestation ou querelle ». Pas de quoi pavaner ! Un pasteur écrit, je cite : « De cette étrange toponymie, je reçois un avertissement : même quand la soif a été étanchée, même quand l’homme providentiel a ouvert les vannes, même quand Dieu a fait jaillir l’eau du rocher, ce qui reste, ce qui stagne, c’est bien souvent la querelle, la provocation, la dispute et la mise à l’épreuve (…). Alors, sommes-nous condamnés à nous identifier à ce peuple, à nous installer une fois pour toutes à Massa et Mériba, et à rester dans la chaleur et l’aridité du jour ? » [4] (fin de citation).

 

2 ) la samaritaine : Nous voici quelques siècles plus tard. La soif va susciter une improbable rencontre, limite choquante, au bord d’un puit. Ici, l’eau, dans une longue parabole devient allégorie et questionnement aussi. Voyons quelques détails de plus près.

- D’abord, le passage de Jésus en Samarie. Ses habitants sont honnis par les juifs. Les Samaritains ? Un ramassis de sang mêlé qui, pire encore, refusent la Torah dans son intégralité, quant à la Loi orale, même pas dans vos rêves ! Ils se sont auto-attribués des simili prêtres qui adorent ailleurs qu’à Jérusalem, bref des « pas fréquentables », des « différents », des « impurs ». Traverser la Samarie, voilà un trajet surprenant pour Jésus, si l’on tient compte des informations dont nous venons de parler.

- Le puits de Sychar : éthymologiquement, « boire à satiété jusqu’à s’enivrer ». De ce puits, que la tradition fait remonter à Jacob, une eau vive et profonde, rassasie la soif des habitants du cru.

- C’est la sixième heure, c'est-à-dire plein midi, le soleil est à son zénith et frappe la région de son insoutenable chaleur. D’ailleurs, tout le monde a choisi de rester à l’ombre et au frais, et les femmes, elles, s’affairent dans les maisons, autour de la préparation et du service du repas.

- Et voilà deux personnages, dont Jean choisit de croiser les destinées, dans ce lieu et à cette heure-là : Jésus et une femme samaritaine. Parlons d’eux.

Jésus semble passer un moment difficile ; seul, fatigué, assoiffé, et en fuite, avec ses disciples, à cause de la vindicte des pharisiens. Les disciples sont partis au village pour chercher de quoi restaurer le groupe et Jésus est seul.

La femme, dont nous ne saurons pas le nom puisque nous ne sommes pas orthodoxes, doit avoir de sérieuses raisons pour s’aventurer seule, sous le soleil de midi, jusqu’à ce puits où elle vient se ravitailler en eau. L’eau, à son époque, comme à celle de Moïse, c’était une nécessité absolue de survie et la voilà, elle, une femme samaritaine, face à face avec ce juif, peut-être un de ceux de la bande qu’elle a croisés en venant du village.

« Donne-moi à boire ». Et voilà initiée une conversation à deux voix, deux voies parallèles, où, pour commencer, chacun pose sur l’eau son propre  regard. Pour la femme, comme pour les Israélites, l’eau vive de ce puits profond va étancher sa soif et son interlocuteur, lui, a déjà à la pensée, l’eau qui peut devenir en elle « une source d’eau vive qui jaillira pour la vie éternelle ». Cette eau-là n’est ni dans le rocher de Massa et Mériba, ni dans le puits où Jacob faisait boire ses troupeaux. Celui qui boira l’eau que veut donner Jésus n’aura plus jamais soif ! La femme aspire à une eau qui lui éviterait une pénible corvée journalière. « Seigneur, donne-moi de cette eau-là ». Jésus avait-il pressenti la soif inextinguible qui brûlait dans le cœur de la femme ? Il arrive à déplacer sa soif physiologique vers celle dont elle n’avait pas conscience et qui se fait jour au fil de la conversation. Sa soif de la fin d’une attente commune aux deux peuples : celle de l’espérance qu’il voulait partager avec elle, la fin d’une longue, longue attente qui verra surgir le Messie promis : « la femme lui dit : je sais que le Messie vient – celui qu’on appelle Christ. (…) Jésus lui dit : c’est moi qui te parle ». Et cette femme, samaritaine, apparemment une effrontée mangeuse d’hommes[5], en oublie sa soif, l’eau du puits, la chaleur, sa vie de brinque-branle, et va devenir porteuse non plus de seaux d’eau, mais de la bonne nouvelle du royaume.

 

Conclusion : Et nous voilà embarqués, nous aussi, dans cette histoire d’eau qui devient histoire de vie, la nôtre. Requinqués, comme les israélites, par l’eau qui jaillit du rocher pour continuer la route, requinqués comme Jésus au bord du puits, toute fatigue évanouie, pour donner à son interlocutrice une eau de vie éternelle, requinqués comme la samaritaine qui n’hésite plus à faire, sous le soleil de midi, avec la légèreté d’une espérance nouvelle qui la booste et la porte, un parcours qui ne semble plus être un rude trajet mais un chemin de témoignage pour ses concitoyens. Penchés sur nos lectures, nous pouvons nous y regarder, nous lire dans les personnages comme dans un miroir. Toujours assoiffés dans nos déserts quotidiens, toujours en demande pour étancher notre soif, nous pouvons nous aussi, nous abreuver à la source « d’eau vive jaillissante qui conduit à la vie éternelle ». Repris dans nos perpétuelles récriminations comme les Israélites au désert, relevés de nos désespérances comme la femme samaritaine, nous pouvons contempler le rocher, la source, et recevoir l’assurance que, même rouspéteurs, même différents, même en situation illégitime, quel que soit notre genre, notre nationalité, notre faculté de compréhension, notre situation, l’eau vive jaillissante qui donne la vie éternelle est là, offerte à chacune et chacun de nous. Ouvre le robinet et laisse-le ouvert ! Abreuve-toi, à satiété, de l’eau qui en jaillit et qui te donne la vie éternelle. Et puis, sans retenue, en abondance, partage ! Amen !

 

Prédication

 

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