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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Dimanche 20 février : Luc 12, 49 - 53

19 Février 2022, 18:45pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

NARBONNE

20 février 2022

LUC 12, 49- 53

« Et des brocolis, ça te dit ?"

 

prédicatricatrice : Joëlle Alméras

Introduction : Vous avez certainement déjà vu, sur internet, ces réjouissantes et hilarantes vidéos d’enfants grimaçants à qui l’on propose des brocolis ou le jus d’un citron, nourriture vitaminée dont ils ne savent pas encore le bien qu’elle peut leur faire. Un « j’en veux pas » grimaçant  suivi généralement d’une grosse crise larmoyante pour apitoyer ce parent indigne fait la chute de la vidéo. Et nous en sourions… Et bien, je me suis quelque peu sentie comme ces enfants, devant ce passage amer et caustiquement citronné qui m’a sauté aux papilles spirituelles avec, de prime abord, tout de suite, ce gout affreusement acide, si j’ose le dire ainsi, de ces quelques phrases quasiment guerrières, aux antipodes de l’image du Jésus pacifique et conciliant que je croyais connaitre.

Qui d’entre nous n’a pas eu envie, au moins une fois, de faire disparaitre, de sa liste de lecture journalière, des pages entières de notre bonne vieille Bible d’étude ou tout simplement d’en faire l’impasse pour passer à la suite ? Malgré les réticences et les minauderies grimacières qu’ils suscitent, essayons de faire de ces quelques versets notre repas spirituel de succinct de ce que la Bible dit du feu et du contexte de notre lecture. Puis avec cet acquis, nous tenterons de comprendre comment Jésus en vient aux affirmations qu’il y développe. Et enfin, comment ce feu annoncé pourrait-il impacter notre propre vie ?

1) le feu dans la Bible :

Le feu. Qu’en dit la Bible ? Le feu dès le début symbolise la présence divine mais avec une ambivalence questionnante : manifestation extraordinaire dans certaines circonstances, mais aussi appel à des rituels qui liaient les hommes à leur Seigneur dans des actes répétitifs d’adoration et de soumission. Feu bien réel dans ces circonstances là :

Nous connaissons le feu qui s’abat et détruit les villes de Sodome et Gomorrhe, feu du jugement de Dieu, condamnation collective d’une population dépravée et belliqueuse.

Mais il y a aussi le feu du buisson ardent qui perdure sans combustible et donne à Moïse le privilège inattendu et intense de la présence de Dieu.

Dans le temple, à Jérusalem, il y avait un feu perpétuel qui ne devait jamais s’éteindre[1]. Et celui des sacrifices était tout à la fois une prière qui montait à Dieu et une purification pour celui qui offrait le sacrifice.

Le jour de la Pentecôte, ces langues comme de feu viennent concrétiser le don de l’Esprit saint qui fait lever dans les cœurs « une force incandescente dépassant tous les sacrifices antiques[2] ».

Paul, lui, affirme que « l’épreuve du feu montrera ce que vaut l’œuvre de chacun », feu purificateur, un révélateur de ce que nous sommes[3].

Le feu peut donc, dans les Écritures, être un feu bien réel ou intérieur, ravageur, destructeur et mortifère mais aussi, aux antipodes de cette image, il peut être signe de la présence de Dieu et de la grâce.

Qu’en est-il dans notre lecture ?

 

2 ) le feu allumé par le Christ :

Le feu, ici, est un feu qui émerge dans les cœurs. Non pas un marqueur négatif comme, par exemple, le feu de la jalousie qui incendia le cœur de Caïn et détruisit la vie de son frère. Jésus souhaite ardemment qu’il soit allumé, ce n’est donc pas un feu exterminateur. Il en parle en parallèle avec un baptême dont il voudrait qu’il soit déjà accompli même si nous savons que ce fut un baptême de douleur et de mort. Mais un baptême dont l’issue sublime, et à la limite de l’indicible, ouvrira les portes de la mort pour libérer Jésus et nous aussi.

Alors quand dans le verset suivant il annonce qu’il n’est pas venu apporter la paix mais la division, il me semble qu’il faut recevoir cette annonce étrange dans sa bouche à la lumière de notre interprétation des deux premiers versets.

Étrange, certes, pour nous qui vivons en 2021, bien installés dans nos institutions religieuses occidentales. Mais si nous nous mettons à la place des disciples du premier siècle, au moment où ils reçoivent l’Évangile de Luc, c'est-à-dire dans les années 80-85, il est évident qu’ils entendaient ces paroles dans un contexte singulier aux antipodes du nôtre, après la séparation douloureuse, leur éjection du la synagogue et les persécutions romaines. La revue Lire et dire explique, je cite : « Manifestement, l’adhésion au christianisme ne se fait pas sans conflits avec les structures d’origine des nouveaux croyants. Il faut garder ce contexte historique de difficultés et de conflits en tête pour comprendre l’annonce de ces violences et des grandes souffrances qui en découlent. Et pour percevoir aussi comment la nouvelle communauté chrétienne se donne comme une alternative à un monde hostile[4] » qui conduit à ce qui pourrait être « un renversement des critères humains au profit d’un nouvel ordre instauré par le Christ et dont le critère décisif est la fidélité dans la suivance. » (fin de citation). Restons donc encore un instant dans ce monde ancien pour analyser les frictions qui aboutissent à de franches ruptures familiales. A cette époque, les relations père-fils incarnaient la transmission du métier et du statut social ; les relations mère-fille, la transmission des savoirs de la vie et de la survie, de la sagesse et des secrets de femmes ; les relations belle-mère-belle-fille, la transmission de la tradition familiale et de la sauvegarde de l’identité de la famille du mari, de l’homme à travers les générations [5] ». Dans l’Antiquité, l’individu n’est pas isolé et autonome, il n’existe que par les différents groupes auxquels il appartient. Pour nous, la situation est différente. Alors, que faire de ces paroles, ici, aujourd'hui, de ce message pas vraiment audible pour des vivants du XXIème siècle, de ces brocolis indésirables et de cette acidité citronnée malplaisante, limite rebutante ?

 

3) et nous, comment s’enrichir de cet enseignement ?

En fait, le message de l’Évangile n’est pas toujours un message facile à entendre. Il est aussi parfaitement impossible à amender au gré de nos propres désirs. « Le feu de Dieu à la différence du feu physique n’est pas domesticable par l’homme, et il n’est pas manipulable non plus à des fins égoïstes ou pour un enjeu de pouvoir».

Mais je vous l’ai dit, ce feu ardemment désiré par Jésus et qui s’enflamme dans nos vies, ne vient pas les ravager pour en laisser des ruines fumantes, et le vide vertigineux d’affections familiales entretenues tout au long de notre vie et qui seraient perdues. Non, il vient annoncer la construction de notre existence d’une façon nouvelle, bâtie sur le roc de la grâce, solidement amarrée à l’ancre du salut. Nous sommes invités à lâcher prise dans la certitude confiante d’une présence inespérée et aimante.

Certes, le choix n’est pas facile. D’une part, un cocon minutieusement tissé aux fils des ans dans le confort douillettement sécurisant d’affections familiales, sociales et religieuses, où l’on se pose dans un immobilisme affectif  rassurant. D’autre part, la dynamique de la vie en Christ où la construction est toujours à parfaire. Hésiter est tout humain.

La vie en Christ n’est pas une voie médiane où l’on pourrait concéder quelques arrangements de compromission pour éteindre le feu de la division. Nos frères et sœurs dans de nombreux pays vivent cette division familiale souvent dans de grandes difficultés et parfois même au risque de leur vie. Mais toutes et tous témoignent de leur volonté de tenir ferme dans la joie de l’Esprit. Je ne crois pas qu’ils aillent, comme Jésus, jusqu’à ardemment souhaiter qu’il en soit ainsi, mais comme les disciples au premier siècle, comme les disciples au fil des temps, ils n’éludent pas la question centrale : la vie en Christ est leur espérance, leur horizon, leur pas à pas jour après jour, dans la reconnaissance du don de la grâce reçue sur un chemin parfois rocailleux et accidenté.

« Pour pouvoir recevoir les dons de Dieu, Jésus demande à l’humain de lâcher prise par rapport à ses propres capacités, d’abandonner les béquilles de l’argent, de la position sociale, de la reconnaissance familiale, ces béquilles que nous tricotons, si j’ose le dire ainsi, au fil des jours. C’est une expérience de dessaisissement qui nous propulse dans un large espace que nous ménageons en nous mêmes, une place que nous laissons à Dieu où il vient déposer sa grâce. »

 

Conclusion : En conclusion, comment ne pas nous remémorer quelques mots rédigés par Dietrich Bonhoeffer dans le livre « le prix de la grâce ». Je cite : « La grâce à bon marché, c’est la grâce que n’accompagne pas l’obéissance, la grâce sans la croix. (…) La grâce qui coûte c’est le trésor caché dans le champ : à cause de lui, l’homme va et vend joyeusement tout ce qu’il a (…) la grâce qui coûte c’est l’Évangile qu’il faut toujours chercher à nouveau, c’est le don pour lequel il faut prier, c’est la porte à laquelle il faut frapper. (…) elle est grâce parce qu’elle appelle à l’obéissance à Jésus Christ ; elle coûte parce qu’elle est pour l’homme cadeau de la vie. (…) La grâce coûte cher parce qu’elle a coûté cher à Dieu, (…) ce qui coûte cher à Dieu ne peut être bon marché pour nous[6] ». (fin de citation).

A voir vos visages, enfin, vos demi-visages, il me semble que vous avez bien digéré les brocolis au citron. Et si alliez un peu plus loin dans la semaine ? Nous pourrions rajouter quelques textes pour savourer un complément   vitaminé avec une délicieuse petite cuillère d’huile de foie de morue. Ça vous dit ? Amen !

 

 

 

 

 

[1] Lévitique 6, 5 - 6

[2] https://fr.aleteia.org/2021/09/28/la-bible-et-ses-symboles-le-feu-la-force-incandescente/

[3] 1 Corinthiens 3, 13

[4] Revue Lire et Dire Matthieu 10, 34 - 39

[5] Jean  jacques Veillet Orpierre https://www.protestants-gap.org/luc-12-49-53

[6] http://www.dallenogare.biz/cours/wp-content/uploads/2019/11/bonhoeffer-grace-qui-coute.pdf

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