DIMANCHE 1ER JANVIER 2023 / gALATES 4? 4 - 7 "supercalifragilisticexpialidocious"
NARBONNE 1er JANVIER 2023
« supercalifragilisticexpialidocious »
Introduction : Il y a très longtemps, une petite fille me disait, le visage tout triste, que son papa n’était pas son vrai papa et que c’était pas juste… je lui ai dit : tu en as de la chance ! tes petits amis à l’école et bien, leur papa n’a pas eu le choix. Il a choisi leur maman mais le bébé qui est venu après, il a été obligé de le prendre tel qu’il était. Toi, ton papa, non seulement il a choisi ta maman, mais il t’a aussi choisie, toi, puisque tu étais déjà née. Tu te rends compte ? Il t’a voulue toi, et pas un autre enfant. Il t’a choisie et il t’aime n’est-ce pas ? La petite fille me regardait, les yeux ronds en boule de billard puis elle m’a embrassée très fort. Être adopté c’est assouvir un désir indicible d’amour à donner. Et la « démarche d’adoption est totalement gratuite et unilatérale [1]». Quelle joie d’avoir ainsi été choisie ! c’est ce dont nous parlerons ce matin, car, nous aussi, nous sommes des « choisis ».
1 ) le temps : dimanche dernier nous avons commémoré un évènement du passé qui a ouvert sur notre monde une porte inédite : celle d’une maison qui désormais peut être la nôtre où une exceptionnelle famille, universelle (et nous parlons ici non seulement d’espace, mais aussi de temps) nous reçoit en son sein. En effet, « Dieu a envoyé son Fils : né d’une femme, il a vécu sous la loi juive, afin de délivrer les personnes qui étaient soumises à la Loi, et de nous permettre ainsi de devenir fils et filles adoptifs de Dieu. »
Nous avons l’habitude de célébrer Noël, mais je me demande si nous prenons vraiment la mesure de l’impact que cet évènement peut avoir dans nos vies. La petite fille qui me faisait confidence de son chagrin vivait, avec sa maman, un temps difficile. Et fort heureusement, en France ! et pas en Israël, où elle n’aurait été qu’une enfant née hors mariage avec toutes les conséquences que cela implique. On les appelle des « mamzers »[2] et les tribunaux rabbiniques, encore de nos jours, leur interdisent, à eux mais aussi à leurs enfants, tout mariage avec un juif.
Et voilà qu’un homme tombe amoureux et adopte et aime, en même temps que sa compagne, l’enfant qui n’est pas de lui. Je ne dirais pas une main tendue, mais un cœur tendu et offert à l’amour de la maman et de la petite fille.
Il est bizarre le Seigneur quand même … parce que la loi sur les mamzers, c’est lui qui l’a dictée. Je dis bizarre, de mon petit point de vue humain, car si je me fixe une règle dans mes relations avec les autres, je la suis, à la lettre, sinon, j’aurais l’air de quoi si je change d’avis ? Eh bien, le Seigneur, lui, décide souverainement du devenir de ses commandements, car ce « j’ai l’air de quoi » n’a pas de sens pour Lui. il est, il était, il sera… et la loi accomplie dans la vie de l’enfant que nous fêtons à Noël est devenu Loi d’amour, loi d’accueil, loi d’adoption. Et c’est là que nous intervenons comme réceptacles de ce don supercalifragilisticexpialidocious ! je sais, ce n’est pas un mot biblique et c’est bien dommage car il exprime tout l’extraordinaire de l’amour qui nous est offert.
2 ) enfant / fils-fille : Dieu a envoyé son Fils, son fils unique pour nous permettre de devenir enfants de Dieu. Ma traduction utilise le mot « enfant » mais dans le grec, c’est le mot « fils « qui est utilisé (huios en grec), le même que celui qui qualifie le Fils de Dieu. Ce qui a fait dire à un pasteur, je cite : « être chrétien, ce n’est pas être enfant de Dieu, mais fils ou fille de Dieu. La première différence entre l’enfant et le fils ou la fille, c’est que le fils, la fille s’inscrivent dans une filiation. C’est la raison pour laquelle il y a tant de généalogies dans la Bible. (…) ils découvrent qu’ils ne sont pas auto-fondés, mais qu’ils dépendent d’autres personnes et que leur identité elle même dépend d’un autre qu’eux-mêmes, que la Bible nomme Dieu et que l’esprit d’adoption nous permet d’appeler « Abba ! Père ». Les fils et les filles de Dieu ont fait la découverte que la vie se reçoit. (…) L’enfant est un être sans gravité (…) mais il convient de devenir adulte, de devenir fils ou fille, d’apprendre à donner à chaque chose sa juste place, à devenir responsable. (…) Contre la pensée enfantine que Dieu dirigerait le moindre aspect de l'histoire, les rédacteurs bibliques indiquent, dès le récit de la Genèse, que l’être humain est institué comme être responsable. Cela signifie que le cours de l'histoire dépend de l’être humain, que celui-ci est en situation de pleine responsabilité et qu’il ne peut se décharger sur qui que ce soit pour rendre le monde plus vivable »[3]. Fin de citation.
« Abba ! Père ! » un cri qui s’enracine, et aussi qui s’épanouit à la fois dans la reconnaissance de cette adoption qui nous ouvre à une vie nouvelle, mais aussi dans l’affirmation que nous vivrons cette adoption en fils et fille « de la maison », prenant pleinement part à tout ce qu’il nous y est donné d’y vivre même la corvée de poubelle et celle de la vaisselle. Euh ! dans la maison de l’amour de Dieu, sont ce vraiment des corvées ?
4 ) actualisation : Une précision. En français nous parlons d’adoption de fils et de filles. Les termes « adoption » et « fils et filles » sont très différents dans notre langue. Mais en grec, je vous l’ai dit, « fils » c’est « huios » et « adoption » c’est « huiothesia ». Pas de doute, le pasteur cité a bien raison de traduire dans ce contexte, par fils et non enfant. Certes, les fils, les filles passent par une période infantile obligatoire, à moins de jouer, comme Brad Piit, les « Benjamin Button » qui nait vieux et finit nourrisson.
Nous voilà donc, fils et filles de Dieu, bénéficiaires d’une proposition d’amour que nous vivons à tout instant : « ouvre ton cœur et l’Esprit de son Fils viendra crier : « Abba ! Père ». C’est moi, c’est toi qui le vit, c’est moi, c’est toi qui le crie : « Abba ! Père ! ».
Noël a vu naitre un enfant, un tout petit enfant, un bébé. De nos jours, si nous commémorons cette naissance c’est avec, en fond tangible, ce que cet enfant est devenu pour Dieu, pour lui, pour les autres, pour le monde entier d’hier, d’aujourd'hui et de demain. Il est Fils de Dieu et nous sommes, par adoption filiale, grâce à lui, nous aussi fils et filles de Dieu.
Nous voilà dans la maison, toutes et tous ensemble, toujours enfants aux yeux des parents, fils et filles grandissants comme le dit si bien Marion Muller Colard, vivant chaque jour comme une perspective de s’élargir, de s’épanouir, jour ouvrant sur une maturité plus grande que celle de la veille. Le Fils naturel a pris la tête de la fratrie immense que le Père lui a confiée. Et s’il nous arrive encore de souhaiter un peu de lait, de redevenir un tout petit enfant, nous sommes désormais nourris avec la solide nourriture de la grâce qui fera de nous des hommes et des femmes à la ressemblance de notre frère. Lui, le Fils naturel, et nous, les fils et filles adoptées formons une fratrie indissoluble, kaléidoscope familial aux résonnances enchevêtrées d’hommes et de femmes, chacun, chacune, différents des autres. C’est dire que parfois, dans la maison, y a comme du raffut ! Et c’est bien ainsi.
Conclusion : En conclusion, vous allez dire que je radote, mais je voudrais vous donner un petit nom, un surnom : je voudrais vous appeler : « cadeau ». Si le masculin vous gêne, vous pouvez toujours rajouter un « e »…
L’année dont nous vivons le 1er jour ne devrait pas être facile. Nous n’allons pas fermer les yeux sur les embrouilles des fils d’emballage, et les déchirures du papier. L’année qui vient à déjà mal commencé pour nombre de nos contemporains et peut-être pour l’une ou l’un d’entre vous.
« Cadeau » : tu es réceptacle du cadeau. La boite dans laquelle le Père a déposé sa grâce, un cadeau d’une beauté transcendante. Le Père, le Fils et l'Esprit Saint ont instillé en toi leur amour communiel, qui jamais ne cesse, qui t’es destiné qui que tu sois, quoique tu fasses ou ne fasses pas.
« Cadeau » : tu es porteur et partageur du cadeau. Prends, et offre la boite d’où s’échappe le doux chant de la Bonne Nouvelle de l’Évangile, ce qui traduit signifie : offre-toi et que ta voix proclame toutes les belles choses que le Seigneur a déposé, dépose et déposera encore à l’intérieur.
« Cadeau » : Noël est passé, je veux dire, la fête de Noël. Noël, ce n’est pas seulement le cadeau du Père dans son incarnation parmi les humains que nous commémorons le 25 décembre. Noël, c’est le jour où tu es devenu fils, fille de Dieu. Noël, c’est cadeau, cadeau chaque jour, cadeau tous les jours, un cadeau filial que le Seigneur, Père, Fils et Saint Esprit s’est offert. Et qu’est-ce que tu lui plais ! C’est toi qu’Il voulait, c’est toi qu’Il aime infiniment. N’en doute pas.
Amen !
[1] Antoine Nouis LE Nouveau Testament commentaire intégral t.2 p. 1182