prédication dimanche 15 janvier 2023 Esaïe 49, 1 a, 3 - 6
Narbonne 15 janvier 2023
Esaïe 49, 1 a, 3 – 6
Pasteur Philippe Perrenoud
Le passage d'Esaïe proposé aujourd'hui redonne espoir au peuple d'Israël. Découragé par leur captivité en Babylone, apparemment supplanté par d'autres divinités qui semblent ''mieux marcher'', le peuple de Dieu reçoit un message par le prophète Esaïe. Celui-ci est envoyé par notre Seigneur. C'est ainsi qu'il permet à ceux qui le veulent de sortir du découragement.
Ce passage s'adresse toujours à nous aujourd'hui. Mais finalement, comment pouvons-nous, chacun/e d'entre nous, participer à l'action de Dieu lui-même ? Et pourquoi moi, Français, Européen, ou autre, je peux participer au « peuple de Dieu » ? Celui-ci est ici Israël ! Ce ne serait donc pas moi, pas vous, pas nous... Voilà 2 questions qui nous dépassent complètement... que l'on ne peut résoudre... Ces rôles ne sont pas pour nous... Ou alors : comment ?
Certes, nous le pouvons par Jésus-Christ... Mais alors pourquoi évoquer ces textes du Premier Testament ? Pour nous parler des racines culturelles de Jésus ? Certes, mais bien plus : des racines de foi, des racines qui grandissent toujours... qui fonctionnent toujours... Comment ? Recevoir ce rôle, car il contient déjà une ouverture pour nous, pour tout homme et femme : il dit bien dès le v. 1 Ecoutez-moi, vous les îles, soyez attentives populations du lointain ; et notre passage se clôt au v. 6 par Je t'ai destiné à être la lumière des nations, pour que mon salut soit présent jusqu'à l'extrémité de la terre.
Les messages bibliques ont une portée universaliste. L'oublier serait non seulement mettre de côté une dimension importante de notre foi. Et ceci dès le Premier Testament, contrairement à ce qui nous semble parfois. Bien plus alors : l'oublier serait nous couper de ce Peuple de Dieu ! Si nous oublions que notre foi est, à sa base même, pour toutes les nations, nous la limitons alors à une ethnie ; et nous nous en exclurions donc de fait nous-mêmes...
Mais affirmer une dimension universelle ne suffit pas. Comment se réalise-t-elle ? Car d'autres mouvement ou nations, y compris totalitaires, avaient/ont aussi une vision universaliste... et veulent l'imposer... Face à cela, Esaïe devient porte-parole d'une lumière (et non d'une supériorité...) pour les nations, d'un Peuple de Dieu pour les autres... Et cela change tout. Ce n'est pas un modèle qui s'impose, mais qui se propose, en éclairant chacun/e, selon l'Alliance qui a été donnée (à d'autres, justement !) ; plus précisément encore : une Alliance de liberté.
Nous serions sinon dans la confrontation entre des modèles universalistes : d'autres sont aussi universalistes, comme l'Islam, particulièrement marquant dans notre histoire et actualité. Deux universalismes pour une même planète, et même terre, cela risque fort d'amener aux conflits... Sauf si nous nous souvenons de quelle Alliance, de quelle foi, il s'agit... une lumière reçue, à vivre déjà soi-même, et à proposer alors, avec l'humilité que cela suppose ; et même l'attention à l'autre...
Les chrétiens sont trop tombés dans le piège d'une supériorité, ou d'une confusion entre foi et cultures particulières... Surtout peut-être depuis que le christianisme a été récupéré comme religion officielle, puis avec les croisades, la colonisation, etc...
Ainsi, par exemple, une petite histoire qui peut nous rappeler que notre foi ne peut se limiter à telle ou telle culture particulière, mais doit aller à la rencontre de l'autre ; tel qu'il est. Ainsi donc : un missionnaire est allé, au 19ème siècle, « évangéliser » une tribu outre mer. Il y est resté 10 ans à proclamer l'Évangile. Devinez combien (ou quel pourcentage) de conversion il eut ? Zéro ! Il a alors fini par se poser des questions et a fini par comprendre qu'il fallait changer d'attitude : il s'est mis à apprendre la langue du lieu, à manifester, par son attitude aussi, une présence à ce peuple... … qui s'est alors peu à peu, mais largement, converti au christianisme ! Au début sans résultat, comme le disait déjà Esaïe au début du passage d'aujourd'hui. Mais qui finit par recevoir l'appel d'une Présence de Grâce, au service des autres, et du plan de notre Seigneur...
Comme Esaïe dans le milieu de ce passage, il y a pourtant des moments où nous avons le sentiment d'être seuls, ou même abandonnés de tous ; que cette foi ne ''marche pas'', ou (plus souvent... ) « marche moins bien que d'autres »... N'avez-vous jamais entendu, ou pensé cela ?... Et c'est normal... peut-être y a-t-il l'occasion de se demander alors où et comment est l'essentiel ?... Et que par la prière, la rencontre de l'Autre et des autres, viennent des perspectives de l’essentiel ; qui, le rappelait quelqu'un récemment, est souvent invisible pour les yeux...
Comme dans toutes relations, le découragement risque toujours de venir, d'être là ; surtout lorsque les choses, et la foi en particulier, sont polluées par des dimensions de dû, d’intérêts, etc. ; et non comme un/des cadeau/x. Ce qui n’exclut bien sûr pas d'y travailler !... Au contraire, un cadeau, ça se prépare, ça se reçoit, avec les adaptations que cela suppose parfois ; surtout quand celui-ci est important.... Mais cela reste gratuit !
Israël, pendant son exil, s'est découragé. Il a eu l’impression d'avoir travaillé pour du vent ! Il se rend compte de son erreur. Un jour nouveau arrive. Le découragement peut s'en aller pour laisser la place à l'espoir : vous n'avez pas prié en vain, partagé pour rien, mené une vie honnête pour rien ; car c'est déjà pour soi-même, et dans la relation à notre Seigneur... Les idoles des plus forts ne sont pas durablement les plus fortes... Elles ne sont qu'en apparences les plus fortes ; comme nous le rappelle l'histoire, et en particulier celle de l'exil... Malgré le découragement, l'infidélité, les tentations ou les conflits, notre Seigneur rappelle son projet : y compris confier la réalisation de son plan de Salut à celui qui est son serviteur devant les nations... Non par ses mérites, mais par Grâce.
Le Peuple de Dieu ne doit nullement désespérer. Bien que déprimé, il pourra être renouvelé, en devenant lumière pour les nations.
Il y a toujours, certes, de quoi être découragé quand on est, comme Israël, d'abord exilé, réduit, avec le sentiment d'avoir été abandonné (ou même punit) par Dieu... Un tel sentiment d'amertume nous habite parfois quand nous pensons que Dieu/notre Église est injuste...
Comme le Peuple de Dieu, celui d'Esaïe et de toujours, l'Église n'a pas à désespérer ! Même si elle travaille loin des projecteurs, elle est, par le message qu'elle peut recevoir et partager, une lumière pour tous les peuples. Cette lumière ne lui vient pas d'elle-même, bien sûr... justement !...
Elle nous éclaire, nous remet en route !...
Amen