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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Dimanche 19 mars 2023 Jean 1, 9 - 41 "anthropos ? j'en suis !"

18 Mars 2023, 19:22pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 NARBONNE 19 MARS 2023

 

Jean 9, 1 - 41

 

 «anthropos ? j’en suis… »

Introduction : Un homme est là, assis sur le bord du chemin, un homme, aveugle, mendiant les quelques leptes qui pourront lui permettre de se nourrir plus que parcimonieusement ce jour là. Jésus passe et le guérit aux yeux de tous. Précisons que c’est un jour de sabbat. Le texte ouvre à bien des possibilités de commentaires. Ce qui a attiré mon attention, c’est le mot grec qui désigne  l’aveugle : « anthropos », un humain ; et j’ai vu en lui tant d’autres humains, hommes et femmes, atteints d’un mal qui les contraint a une vie sans saveur, compliquée dans bien des domaines, une vie douloureuse qui sépare, éloigne de la norme sociale en vigueur dans leur monde. Et aussi des maux qui touchent au cœur, à l’esprit, au spirituel, tout aussi invalidants. Notre péricope est comme un révélateur d’intérieur, un développateur (si, si, il est dans le dictionnaire) de cœur.

Nous parlerons dans un premier temps, de cette vie imposée aux handicapés, aux malades, aux « pas comme tout le monde » à l’époque de Jésus.

Puis Jésus vient, lumière du monde, annoncée au chapitre précédent,[1] posant son regard compatissant sur ce personnage qui vit dans l’obscurité, une ténèbre pas seulement physiologique, mais celle d’une vie effacée, comme gommée pour son entourage, tout à coup projetée en avant, devenue visible et sujette à bien des commentaires étonnants. Et si, illuminées par la lumière du monde, ces ténèbres devenaient lumière ?

Enfin, il me semble de l’ordre du possible que nous puissions reconnaitre en nous quelques uns de ces personnages. Une question en suspens…

Il n’empêche que cette péricope est un récit d’espérance et ce sera l’objet de ma conclusion.

 

1 ) handicapé au temps de Jésus : Commençons par cet homme, aveugle de naissance (au fait, comment les disciples ont-ils appris ce détail ?) et la vie, misérable, peut-être douloureuse qui est la sienne. Il est là, probablement assis sur le bord du chemin, couvert de toute la poussière soulevée par les passants, condamné à inspirer toutes ces particules nauséabondes, toussant peut-être, victime consentante de cette position si inconfortable qui lui permet de survivre.

La réaction des disciples de Jésus est le reflet des croyances répandues dans le monde juif : « Rabbi, qui a péché ? lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ». Il y a forcément une faute à la clé. Nous avons tous lu le livre de Job et ce que ses amis pensent et disent de lui. J’imagine tous les ragots qu’un tel point de vue pouvait susciter, et combien la médisance ajoutait un poids supplémentaire au handicap déjà bien lourd d’une cécité qui mettait l’aveugle à la merci de la bonne volonté de sa famille, de ses proches et des éventuels donateurs. Dans ce monde-là, la maladie ou un handicap physiologique sont ressentis comme un abandon de Dieu[2]. L’aveugle n’est heureusement pas atteint d’une maladie contagieuse car alors, même cette place sur le bord du chemin ne lui serait pas permise.

Mais il y a pire dans ce monde où la religion s’infiltre dans tous les domaines de la vie : certains handicaps, certaines maladies fermaient la porte de la synagogue et aussi, bien sur, du temple aux personnes dans cette situation. Le livre du Lévitique va plus loin, interdisant l’accès du service au temple à un lévite « aveugle, ou boiteux, qui a un nez aplati ou des membres difformes, une fracture à la jambe ou au bras, s’il est bossu ou gringalet, affligé d’une tache à l’œil, un galeux ou un dartreux (…) aucun descendant d’Aaron, s’il est infirme, ne doit s’avancer pour présenter les mets du Seigneur[3] ». Et alors, s’il y a eu péché, comment exprimer sa repentance sans accéder aux sacrifices rituels imposés par la Torah ? Situation cornélienne… si j’ose le dire ainsi.

Jésus remet les pendules à l’heure : « ce n’est pas lui ou ses parents qui ont péché ; c’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui ». Inutile de regarder dans le passé, c’est à aujourd'hui qu’il faut s’intéresser. Le pasteur Pernot écrit : « Il y a du mal qui a été fait, et peu importe de trouver le coupable. L’important c’est de trouver une issue, une solution et c’est là que l’œuvre de Dieu peut se manifester [4]».

 

3 ) pierre de touche:  L’issue,  la solution, pour cet homme là, Jésus va la mettre en œuvre : avec de la terre et sa salive, il façonne un cataplasme de boue qu’il applique sur les yeux de l’aveugle. Puis il invite l’homme, chez qui la passivité a du devenir une seconde nature, à se prendre en main : « va te laver au bassin de Siloé ». Siloé signifie « envoyé ». C’est un bassin parmi d’autres réservoirs, qui se situe au sud du temple. Son histoire vaudrait bien une prédication. C’est une des options que n’aie pas retenue. Mais vous, peut-être, dans la semaine, si vous avez un peu de temps… L’aveugle obéit (on ne sait pas comment il s’y rend) et il fut guéri.

Et là, les embrouilles commencent pour lui. Pour Jésus, dans le chapitre 8, il en a eu son compte qui va encore s’agrandir. Donc, un aveugle retrouve la vue, quel sujet de joie, de reconnaissance, de louange pour tous ceux qui le connaissent et même pour ceux qui ne le connaissent pas. Un merveilleux miracle qui va le remettre sur les rails de la vie ordinaire d’un juif du gros de la troupe. Joie pour cette guérison !...

Et ben, non ! Il voit ? c’est quoi ce binz ? ça bouillonne dans les cœurs : ça ne peut pas être lui ! Ce n’est pas mon voisin, né aveugle… impossible… ils nous l’ont interchangé…  Dany Lary doit être dans le coin… enfin, lui ou un de ses semblables de l’époque…

Et lui, pauret, disait : « c’est moi ».

Quant aux pharisiens, scandalisés par une guérison opérée un jour de sabbat, ce n’est plus un simple « binz », c’est la bérésina ! Un groupe s’offusque : « cette guérison ne vient pas de Dieu puisqu’elle transgresse la loi du sabbat » et d’autres disaient : « oui, mais, quel pécheur pourrait faire un tel miracle ? »

Du coup, ils vont questionner les parents qui se gardent bien de les contrarier et les renvoient vers leur fils.

Nous en sommes au point où nous constatons que devant une même personne qui a vécu un seul évènement, qui sort de l’ordinaire, je vous le concède, les opinions divergent jusqu’à se poser aux antipodes les unes des autres.

Qu’en est-il pour le miraculé confronté à tant de regards contraires ?

Il affirme : « c’est moi ». C’est ce qu’il dit : « ego eimi », parole christique par excellence dans l’évangile selon Jean. Plutôt audacieux ! C’est toujours le même homme, mais il se perçoit différemment. Avant, pour tous, il était un objet que l’on déplace au fil des heures du jour. Maintenant, il est devenu un homme nouveau, par le don reçu qui fait de lui un « moi je suis », libéré des regards qui faisaient de lui un « rien du tout », libérés des pourquoi et des comment qui écrasaient en lui toute velléité de vie. Il me rappelle la femme samaritaine que Jésus croisât au bord d’un puit. Désormais réceptacle du don de Dieu qui donne la lumière et la vie, c’est un homme debout, voyant et témoignant, car sa guérison n’est pas seulement un soulagement, un repos, mais bien un nouveau départ, comme un starting-block sur lequel il va s’appuyer pour s’élancer dans une vie de disciple. Aux pharisiens il témoigne : « si celui-ci n’était pas issu de Dieu il ne pourrait rien faire » et à Jésus il confesse en se prosternant : « Je crois, Seigneur ».

 

2 ) anthropos, moi aussi  : cet aveugle, cet « anthropos »est devenu la pierre de touche sur laquelle autour de lui certains trébuchent, aveugles aux yeux pourtant voyants. La cécité est devenue aveuglement.

Certains se glissent dans la coquille protectrice d’une négation catégorique face à un miracle pourtant éclatant : «les uns disaient : c’est lui. D’autres disaient : non, mais il lui ressemble. »

Les religieux, eux, attachés, je pourrais même dire, collés, à la virgule du texte de la Torah, s’indignent de la transgression insupportable d’une tradition sabbatique qui remontait aux calendes mosaïques : « il n’est pas avec Dieu cet homme, car il ne veille pas sur le sabbat ».

D’autres sautent sur l’occasion pour mettre en défaut leurs collègues en insinuant un doute qui ferait d’eux les « c’est moi qui aies raison », chacun aveuglé par sa propre conception immuable de son moi supérieur.

Les voilà à leur tour devenus aveugles ou plutôt aveuglés

- soit par un évènement impensable, qu’ils ne peuvent envisager en possible, - soit par la crainte d’un retour de bâton de plus fort qu’eux,

- ou par l’orgueil d’une position théologique sacro-sainte dont on ne saurait changer le moindre iota.

Comme nous leur ressemblons à ces « anthropos »… un jour ou l’autre dans notre vie !

Ils sont tous et toutes, nous sommes tous et toutes pris au piège de la faiblesse de notrer humanité, une humanité que nous partageons, et dans ce cas précis, pas très jolie, jolie. Mais une espérance est offerte, espérance d’une guérison ardemment souhaitée et accordée. C’est ce que constate Dietrich Bonhoeffer.

 

Conclusion : Voici ce qu’il écrit, ce sera notre conclusion, je cite : « Voici que la grâce de l’Évangile, si difficile à comprendre aux gens pieux, nous met en face de la vérité et nous dit : tu es pécheur, un très grand pécheur, incurablement, mais tu peux aller, tel que tu es, à Dieu qui t’aime. Il te veut tel que tu es, sans que tu fasses rien, sans que tu donnes rien, il te veut toi-même, toi seul… Réjouis-toi ! En te disant la vérité, ce message te libère. Dieu veut te voir tel que tu es pour te faire grâce. Tu n’as plus besoin de te mentir à toi-même et de mentir aux autres en te faisant passer pour sans péché. Ici, il t’est permis d’être pécheur, remercie Dieu. » Merci, Seigneur !

 

 

 

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