lUC 12, 49 - 52 "Division ? T'as un dico ?"
NARBONNE 14 AOUT 2022
JEREMIE 38, 4 – 10
HEBREUX 12, 1 – 4
Introduction : ah ! Voilà des paroles qui pourraient nous rendre dur de la feuille, ou nous trouver en train de galoper à fond la caisse le plus loin possible de celui qui les prononce. C’est ce que nous pourrions faire si nous ne nous arrêtions pas un instant pour essayer de comprendre ce qu’elles veulent nous dire. Dans la bouche de Jésus, forcément, elles sont un enseignement qui se veut édifiant, une nourriture qui doit être indispensable et régénératrice pour notre être intérieur.
Chaque fois que je lis dans les Écritures quelques versets qui me semblent détonner avec le message de la Bonne Nouvelle, voire scandaleusement irrecevables, à mon gout cela va sans dire, je m’oblige à dire au Seigneur : « parle, Seigneur, ta servante écoute ». Je m’arrête, je m’installe, j’ouvre toutes grandes mes oreilles car je sais que ce que le Seigneur donne est bon pour moi, même si le gout est aussi amer qu’une tisane de camomille sauvage. La vie en Dieu n’est pas une vie de bisounours ni un long fleuve tranquille, chacune, chacun de nous en a fait l’expérience. L’exemple de Jérémie et de la grande foule de témoins dont Paul parle en sont des preuves vivantes. Et nous aussi…
Alors commençons par examiner de plus près ce que peut être ce feu qui enflamme la terre. Puis passons au baptême redouté pour arriver à plus asticotant, avec cette annonce de divisions dans la famille, ce sera le point que je vais développer. Enfin, peut-être entendrons nous comment ces paroles potentiellement écarquilleuses d’yeux, boucheuses d’oreilles et starking block de course à reculons sont en fait une ouverture et un don précieux, primordial, essentiel, incontournable dans notre marche sur le chemin à la suite de Jésus.
1 ) « le feu» : « je suis venu mettre un feu sur la terre »… le feu… nous, ici, dans le Narbonnais, nous savons ce que c’est, parfois un feu destructeur qui dévore la Clape, sa faune, sa flore, sans discernement ni pitié, si je puis l’exprimer ainsi. Parfois une source de plaisir quand nous l’allumons dans la cour du temple pour partager la grillade par exemple… il est même aussi dans les cœurs quand on est amoureux, mais là c’est une situation inhérente à notre humanité qui court sur la terre entière.
Dans le Premier Testament 41 termes hébreux peuvent être traduits par « feu », le plus célèbre étant certainement celui du buisson ardent, un feu qui ne se consume pas, un feu qui dit la présence divine. Il y aussi, bien sûr, tous ces feux qui détruisent des villes, des autels et leurs prêtres païens, des régions entières…
Parler du feu dans la Bible, c’est, me semble t-il, aborder un sujet vastissime dont nous ne saurions faire le tour en quelques minutes.
Alors, pour ne pas déroger à ma marotte qui me pousse à ne regarder que la moitié pleine de la bouteille, j’ai choisi d’entendre dans les paroles de Jésus, l’extraordinaire providentiel et salvateur du feu.
Le feu de l’amour de Dieu, manifesté à la croix, pour toutes et tous, de tous temps et en tous lieux. Et aussi celui que les premiers disciples ont reçu le jour de la Pentecôte sous la forme de quelque chose qui ressemblait à des flammes, don de l’Esprit qui va embraser la petite communauté réunie à Jérusalem et lui donner l’inattendue capacité de diffuser le témoignage du salut et de la grâce dans de nombreuses langues, dons bénis dont elle n’avait pas conscience quelques secondes avant le lâcher de flammes, si je puis le décrire ainsi.
Ce feu là, Jésus l’attend avec impatience. Un feu d’amour et d’Esprit qui va donc se répandre par toute la terre et survolter les cœurs qu’il touche pour en faire des cœurs vivants, enflammer les disciples qui vont témoigner de la Bonne Nouvelle, dans des langues acquises instantanément, un message à la fois brûlant et rafraichissant qui transforme les vies, les régénère et les conduit sur le chemin nouveau où sont invités les enfants de Dieu. Enfant, reçois ce feu et brûle !!!
2 ) Le baptême : Puis Jésus annonce un baptême qui lui est réservé, un baptême qui fait naitre en lui une angoisse qu’il ne veut pas cacher à ses disciples. Il s’ouvre à eux comme il le fait rarement. Cette parole prononcée comme une confidence est d’une infinie tristesse pour nous car nous savons que le baptême dont il parle c’est celui de sa mort jusqu’à ce qu’il soit accompli.
J’ai parfois médité sur ces quelques mots : « jusqu’à ce qu’il soit accompli ». Jésus envisageait-il une alternative possible à un évènement qui pourrait ne pas être ou une attente de ce qui va advenir ? Je n’ai pas la réponse à ma question. Mais plus de 2000 ans après ces paroles, je sais qu’il est mort, qu’il est ressuscité, qu’il est vivant et que c’est de cette vie que nous vivons.
Le baptême qu’il redoutait et qu’il a finalement vécu sur la croix dans des affres terribles a scellé une garantie pour nos vies ; comment ne pas penser à cette autre parole : « Père, pardonne leur car ils ne savent ce qu’ils font ». « Leur », c’est moi, c’est toi. Quelle joie d’être les réceptacles des suites du feu de ce baptême qui en nous est vie, espérance, et grâce !
3 ) La division : « pensez vous que je suis venu apporter la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais la division »… Division ! un mot qui me fait friser la peau du dos !
Arrêtons-nous d’abord sur ce mot. Un pasteur écrit, je cite : « le mot division que Jésus utilise ici, n’est pas la « daibolè » qui divise et désunit à cause de la brouille, de l’aversion ou de la calomnie. Non, le mot que Jésus utilise ici ne se trouve qu’une fois dans le Nouveau Testament : « dia-merismos ». Et il se trouve que c’est un mot à double sens, comme très souvent en grec : il signifie en effet à la fois partage, distribution, séparation… ET division, dissension, héritage. Double sens que je vous laisse apprécier dans tout ce que cela peut évoquer à celles et ceux parmi nous qui ont vécu des partages familiaux difficiles.
Pourtant la division dont Jésus parle ici est bien puissance de création, division qui sépare certes, mais qui opère un partage comme au commencement du livre de la Genèse, afin que la vie puisse surgir et se développer dans toute son individualité, ses particularités et dans l’entier de son potentiel de complémentarité »[1] (fin de citation).
Celles et ceux qui ne regardent que la moitié vide la bouteille vont, par contre, s’en donner à cœur joie ! Dis, t’as entendu parler de Caïn, tu sais, celui qui a tué son frère ? Et Jacob qui a emberlificoté Ésaü jusqu’à lui siroter son droit d’aînesse, ce qui n’était pas rien à leur époque ? Et si on parlait des frères de Joseph ? J’en passe et des meilleures, comme dit Philibert…
Mais nous, nous savons maintenant que « division » ne signifie pas obligatoirement bagarre, embrouille et plus si pas d’affinités !
L’explication me semble se trouver dans le constat que la famille humaine ne cadre pas forcément avec la famille spirituelle. D’ailleurs Jésus lui-même le dit : « ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique »[2]. Combien de nos frères et sœurs ont vécu cette division familiale lorsqu’ils ont choisi de vivre en Christ ?
Alors, comment vivre cette inévitable « division », comment réagir face à l’opposition ? Comment continuer de vivre aux côtés de proches à la fois êtres aimés et adversaires ?
Voici la réponse du pasteur déjà cité : « Frère Roger, apôtre infatigable de l’unité et fondateur de la communauté de Taizé est mort assassiné. « Choisir d’aimer » est le titre du livre qu’il était en train de préparer. Il y a écrit : « une paix sur la terre se prépare dans la mesure où chacun ose s’interroger : suis-je disposé à chercher une paix intérieure ? Puis-je être ferment de confiance là où je vis ? »
Sur sa table de travail, le soir de son entrée dans l’éternelle vie, il y avait aussi une lettre inachevée (dans laquelle on peut lire) : « Chercher réconciliation et paix suppose une lutte au-dedans de soi-même. Ce n’est pas un chemin de facilité. Rien de durable ne se construit dans la facilité. L’Esprit de communion n’est pas naïf. Il est élargissement du cœur, profonde bienveillance. Pour être porteurs de communion, avancerons-nous dans chacune de nos vies sur le chemin de la confiance et d’une bonté de cœur toujours renouvelée ? Sur ce chemin, il y aura parfois des échecs… Alors rappelons-nous que la source de la paix et de la communion est en Dieu »[3]. (…)
Conclusion : En concusion, voici, pour ébaucher un début de réflexion sur ce que nous sommes appelés à vivre dans l’éventualité d’une « dia-merismos », la division qui crée, qui aménage, qui développe, bref, la division que nous trouvons dans la moitié pleine de la bouteille, une petite histoire d’Antoine Nouis. Je cite :
« Desmond Tutu, est un évêque anglican qui a présidé la commission « Vérité et réconciliation » en Afrique du Sud, pour solder le passé de l’apartheid. Il raconte que la plongée dans les horreurs de l’oppression l’a conduit à entendre des confessions particulièrement éprouvantes.
Face à cette réalité, il a utilisé une image ménagère pour illustrer sa pratique de la prière. Il a pointé la différence entre un aspirateur et un lave-vaisselle. Ces deux appareils sont préposés au nettoyage, mais alors que l’aspirateur garde en lui les saletés qu’il a ramassées, le lave-vaisselle les évacue dans l’eau sale.
Tutu disait qu’il fallait, autant que possible, être plus un lave-vaisselle qu’un aspirateur. [4]» (fin de citation). Une vocation à suivre ? Amen.