Invitation à suivre Jésus. Mt 4, 12-22 - Prédication du dimanche 22/01/2017.
Textes bibliques : Esaïe 8 : 23-9 :1-3; Matthieu 4 : 12-22
Jean-Baptiste a annoncé l’entrée en scène de Jésus puis il l’a baptisé dans le Jourdain : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Nous sommes ici à un moment charnière de l’Evangile de Matthieu.
Jean est arrêté, lui qui appelait à la repentance et à la conversion et qui annonçait le ministère de Jésus. Et voici qu’après l’arrestation de Jean-Baptiste, Jésus se retire en Galilée, où il se sent plus en sécurité.
Vous savez, Jésus n’est pas un téméraire fanatique. Il sait qu’il ne faut pas aller au devant de la persécution, qu’il ne faut pas céder à la violence mais l’éviter. La mission de Jésus est rythmée par ces retraites stratégiques (dans le désert au début ce chapitre) à Capharnaüm dans notre péricope) et, à Gesthsémané plus tard) ; ces moments paradoxaux, où, devant la menace, il semble renoncer. Jésus n’est jamais là où on l’attend ! Il surprend. Peut-être qu’il ne veut pas tout simplement aller au devant du danger car sa mission ne fait que commencer.
Jésus est l’unique, il l’est vraiment et, par cela, il nous donne de mieux nous connaître comme humain, de mieux cerner notre propre cheminement de vie, de mieux repérer ce qui peut nous aider à devenir humain. La manière dont Jésus avance dans sa vie, telle qu’attestée dans l’Evangile, peut guider notre propre manière.
La figure de Jean-Baptiste disparaissant, Jésus se trouve comme à devoir occuper sa place et, par cela, il développe son propre style, sa propre manière. Il nous dit aussi que mettre les pas dans celui de notre prédécesseur est aussi un moyen de marcher sur notre propre chemin…Jésus se retire donc, loin des siens, près de Capharnaüm, à côté de la mer de Galilée (aujourd’hui le lac de Tibériade), sur les territoires de Zabulon et de Nephtali dont parle le prophète Esaïe dans notre premier texte.
Le prophète nous annonce la gloire et la lumière du Seigneur sur les terres galiléennes de la route de la mer et du carrefour des païens (Esaïe 8, 23).
En plus de sa stratégie de ne pas délibérément affronter le danger, Jésus se retire dans cette contrée, à la périphérie du centre religieux du peuple d’Israël pour accomplir les prophéties et pour se hâter d’appeler à lui ceux qui devaient être ses élèves et collaborateurs, car c’était dans celle ville qu’ils exerçaient leur métier de pêcheurs. C’est dans cet endroit excentré, humble, que le ministère de Jésus va commencer loin de Jérusalem, loin des institutions religieuses ou sociales.
A partir de ce moment, Jésus se met à proclamer : « Convertissez-vous, car le Règne des cieux s’est approché. »
Voilà ce qui naît en lui comme parole, dans ce nouveau contexte.
C’est une parole tournée vers les autres : « convertissez-vous » dans une urgence qui s’impose à tous, aussi bien aux autres qu’à lui : la venue du Règne des Cieux…Jésus marche sur ce chemin avec la conviction que ce chemin est en lien avec ceux des autres, et celui de l’humanité entière. Il ne se situe pas dans une aventure individualiste, centrée sur son seul devenir, mais dans la perspective que son chemin propre est en lien profond avec ceux de tous les autres.
« Convertissez-vous, car le Règne des cieux s‘est approché. ». On peut aussi traduire par : « Il faut que vous réorientiez votre vie, car le monde de Dieu a commencé à vous rejoindre. »
Jésus ne dit dans ses prédications que ce que Jean avait déjà proclamer. Il ne parle pas encore de lui-même. Il se contente de prêcher la conversion que Jean venait de faire. Stratégiquement, c’était une assez bonne chose de faire admettre la conversion, alors que le peuple n’a pas encore conçu de Jésus-Christ une assez haute opinion. Jésus hésite même à parler avec force. Il ne menace point son auditoire, comme Jean, de « cette hache tranchante, qui devait couper l’arbre par la racine. ». Il ne dit point: « Qu’il va purger son aire, et jeter la paille dans les flammes éternelles. ». Il n’annonce d’abord que des biens; et il commence par faire découvrir à ceux qui l’écoutent le règne qu’il leur prépare. C’est bien de lumière dans les ténèbres dont il s’agit dans l’évangile de ce jour « Le peuple qui se trouvait dans les ténèbres a vu une grande lumière ».
La lumière va resplendir au bord de ce lac sur Simon et André, sur Jacques et Jean et puis sur tant d’autres.
Jésus commence à constituer son groupe de douze disciples, douze comme les tribus d’Israël, car Dieu s’incarne dans une histoire, dans l’histoire d’un peuple. Douze pour manifester l’universalité de la mission de Jésus, représenter ce peuple nouveau rassemblé par Dieu à la fin des temps.
Dans ce récit, comme dans bien d’autres rencontres de Jésus rapportées par les Evangiles, le déroulement est le même. Jésus marche, il voit, il appelle, il est suivi : « il voit deux frères… il leur dit … ils le suivent ». «Il voit deux autres frères….., il les appelle…., ils le suivent ». Jésus s’adresse à des pêcheurs en pleine activité pour en faire des pêcheurs d’hommes.
En lisant ce récit de Matthieu, nous sommes surpris par la brièveté de la scène. Sur une simple parole de Jésus, Simon, André, Jacques et Jean vont lâcher leurs filets, abandonner leur barque et leur père et suivre Jésus, sans le moindre état d’âme, sans poser aucune question, sans s’inquiéter de la suite.
« Suivez-moi…»
Chers frères et sœurs, ici nous est manifestée la radicalité du changement de vie auquel nous sommes appelés. Il ne s’agit pas d’abandonner femmes et enfants et de se retirer loin du monde mais de répondre immédiatement à cet appel, sans nous poser de question, sans regarder en arrière ni penser à l’avenir, sans nous interroger sur nos capacités.
Dire tout simplement « oui ».
« Oui » pour que Jésus transforme nos vies, « oui » pour que Jésus nous conduise vers les autres, « oui » pour que, à notre tour, après avoir été pêchés, nous devenions pêcheurs d’hommes. L’obéissance à Jésus ne souffre pas de délais, de tergiversations. Jésus nous appelle, suivons-le !
Mais si l’appel est radical, c’est que le don qui en découle est sans mesure. Le royaume est proche, il est même là, en sa personne. Comment peut-on encore suivre Jésus et devenir pêcheur d’hommes ? Matthieu nous le rappelle :
En observant Jésus et en l’écoutant : il marche, il voit, il appelle. Cela semble si simple …
Comme Jésus, et avec son aide, nous pouvons nous mettre en marche à notre tour, essayer de ne pas prendre racine, apprendre à lâcher nos filets si lourdement chargés de pierres inutiles, nos habitudes et attitudes solidement ancrées, pour nous laisser prendre dans les filets de la grâce, joyeusement, librement, avec confiance.
En réalité, la foi en Dieu et notre engagement à son service se renouvellent chaque jour. Nous devons toujours quitter, nous déplacer, être toujours en mouvement. Notre vocation, car c’est de cela dont il s’agit, ne dépend ainsi pas de nous, de notre recherche, de notre intelligence, de nos mérites, de nos capacités ou même de notre piété. C’est avant tout un appel qui nous est adressé par Celui qui nous a vus avant même que nous pensions à lui. Il vient nous surprendre dans notre quotidien, tout comme la lumière qui s’est levée sur ceux qui étaient assis dans les ténèbres à Nephtali.
Tous les chrétiens ne sont pas appelés à abandonner leur gagne-pain ou à renoncer à jouir des liens de famille. Mais tous ont entendu, un jour ou l'autre, dans leur cœur la voix connue qui leur disait: «Suis-moi». Y as-tu répondu?
Frères et sœurs, nous qui aimons nous organiser, planifier nos rencontres, réfléchir avant de répondre, connaître à l’avance les conséquences de nos choix et qui pensons nous rassurer parce que tout est prévu et que nos agendas sont remplis, essayons de nous laisser surprendre par la rencontre imprévue !
Si nous marchons – il ne s’agit pas de courir ! – nous prendrons le temps de voir ceux qui sont placés sur notre chemin, à la sortie du culte, dans la rue, dans notre immeuble, à la maison, dans nos familles, dans tous nos lieux de vie. Nous pourrons être attentifs, prêts à les écouter, à partager leurs joies et leurs peines, leurs difficultés.
Ne nous préoccupons surtout pas du résultat ou de nous-mêmes. C’est l’affaire de Jésus ! C’est dans l’humilité et la simplicité d’une rencontre au bord d’un lac que l’Evangile se joue, pas dans le spectaculaire, pas dans un discours interminable, argumenté ou offensif. C’est par sa seule présence, ou avec des paroles ou des gestes tout simples, que Jésus guérit. Il s’invite dans le quotidien de notre vie. Et c’est avec les autres que nous sommes appelés à répondre à son invitation.
En effet, nous ne sommes pas seuls sur ce chemin mais en Eglise. Vous l’avez remarqué dans le récit, Jésus a appelé ses disciples deux par deux : « Suivez-moi » leur a-t-il dit. Dès le début, Simon, qui deviendra Pierre, est associé à un autre disciple.
Pour accomplir sa mission, Dieu a besoin des talents de tous et de toutes, aussi modestes soient-ils, et de talents conjugués. Dans la communauté que nous formons, et dans laquelle nous ne pouvons rien seuls, chacun, chacune d’entre nous peut recevoir avec confiance cet appel et marcher avec les autres à la suite de Jésus. Chacun, chacune a sa place.
Frères et sœurs, Jésus nous invite à marcher à sa suite, à devenir ses disciples ou à renouveler cet engagement.
Pour se mettre ou se remettre en chemin à la suite du Christ, nous entendons un appel, et nous percevons une lumière c’est-à-dire tout le positif de cet appel, toutes les promesses bénéfiques qui nous attendent. Nous répondons à l’appel du Christ non pas seulement et non pas d’abord pour lui rendre service, ou pour manifester notre générosité. Mais nous répondons à l’appel du Christ, d’abord parce que cela est bon pour nous. Pour exprimer ce positif, le prophète Esaïe prend l’image de la lumière. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi ».
Pour se mettre à la suite du Christ, il faut le percevoir comme cette lumière qui éclaire notre histoire, le chemin qui nous conduit au Père, la promesse de la vie en plénitude. Quand le Christ appelle, quand il confie une mission, certes, il y a un service à rendre, mais celui qui répond à cet appel et accepte la mission, est le premier bénéficiaire de la grâce accordée par cet appel. Marcher à la suite du Christ, qui est notre lumière et notre libérateur est une grâce et cette grâce apporte la joie et la libération ce qui est une autre manière de parler du salut.
Maintenant alors, frères et sœurs, lâchons nos filets et partons à la pêche avec Jésus! Amen!
Charles KLAGBA
________________
*