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Eglise Protestante Unie de Narbonne

predications

Dimanche 19 mars 2023 Jean 1, 9 - 41 "anthropos ? j'en suis !"

18 Mars 2023, 19:22pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 NARBONNE 19 MARS 2023

 

Jean 9, 1 - 41

 

 «anthropos ? j’en suis… »

Introduction : Un homme est là, assis sur le bord du chemin, un homme, aveugle, mendiant les quelques leptes qui pourront lui permettre de se nourrir plus que parcimonieusement ce jour là. Jésus passe et le guérit aux yeux de tous. Précisons que c’est un jour de sabbat. Le texte ouvre à bien des possibilités de commentaires. Ce qui a attiré mon attention, c’est le mot grec qui désigne  l’aveugle : « anthropos », un humain ; et j’ai vu en lui tant d’autres humains, hommes et femmes, atteints d’un mal qui les contraint a une vie sans saveur, compliquée dans bien des domaines, une vie douloureuse qui sépare, éloigne de la norme sociale en vigueur dans leur monde. Et aussi des maux qui touchent au cœur, à l’esprit, au spirituel, tout aussi invalidants. Notre péricope est comme un révélateur d’intérieur, un développateur (si, si, il est dans le dictionnaire) de cœur.

Nous parlerons dans un premier temps, de cette vie imposée aux handicapés, aux malades, aux « pas comme tout le monde » à l’époque de Jésus.

Puis Jésus vient, lumière du monde, annoncée au chapitre précédent,[1] posant son regard compatissant sur ce personnage qui vit dans l’obscurité, une ténèbre pas seulement physiologique, mais celle d’une vie effacée, comme gommée pour son entourage, tout à coup projetée en avant, devenue visible et sujette à bien des commentaires étonnants. Et si, illuminées par la lumière du monde, ces ténèbres devenaient lumière ?

Enfin, il me semble de l’ordre du possible que nous puissions reconnaitre en nous quelques uns de ces personnages. Une question en suspens…

Il n’empêche que cette péricope est un récit d’espérance et ce sera l’objet de ma conclusion.

 

1 ) handicapé au temps de Jésus : Commençons par cet homme, aveugle de naissance (au fait, comment les disciples ont-ils appris ce détail ?) et la vie, misérable, peut-être douloureuse qui est la sienne. Il est là, probablement assis sur le bord du chemin, couvert de toute la poussière soulevée par les passants, condamné à inspirer toutes ces particules nauséabondes, toussant peut-être, victime consentante de cette position si inconfortable qui lui permet de survivre.

La réaction des disciples de Jésus est le reflet des croyances répandues dans le monde juif : « Rabbi, qui a péché ? lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ». Il y a forcément une faute à la clé. Nous avons tous lu le livre de Job et ce que ses amis pensent et disent de lui. J’imagine tous les ragots qu’un tel point de vue pouvait susciter, et combien la médisance ajoutait un poids supplémentaire au handicap déjà bien lourd d’une cécité qui mettait l’aveugle à la merci de la bonne volonté de sa famille, de ses proches et des éventuels donateurs. Dans ce monde-là, la maladie ou un handicap physiologique sont ressentis comme un abandon de Dieu[2]. L’aveugle n’est heureusement pas atteint d’une maladie contagieuse car alors, même cette place sur le bord du chemin ne lui serait pas permise.

Mais il y a pire dans ce monde où la religion s’infiltre dans tous les domaines de la vie : certains handicaps, certaines maladies fermaient la porte de la synagogue et aussi, bien sur, du temple aux personnes dans cette situation. Le livre du Lévitique va plus loin, interdisant l’accès du service au temple à un lévite « aveugle, ou boiteux, qui a un nez aplati ou des membres difformes, une fracture à la jambe ou au bras, s’il est bossu ou gringalet, affligé d’une tache à l’œil, un galeux ou un dartreux (…) aucun descendant d’Aaron, s’il est infirme, ne doit s’avancer pour présenter les mets du Seigneur[3] ». Et alors, s’il y a eu péché, comment exprimer sa repentance sans accéder aux sacrifices rituels imposés par la Torah ? Situation cornélienne… si j’ose le dire ainsi.

Jésus remet les pendules à l’heure : « ce n’est pas lui ou ses parents qui ont péché ; c’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui ». Inutile de regarder dans le passé, c’est à aujourd'hui qu’il faut s’intéresser. Le pasteur Pernot écrit : « Il y a du mal qui a été fait, et peu importe de trouver le coupable. L’important c’est de trouver une issue, une solution et c’est là que l’œuvre de Dieu peut se manifester [4]».

 

3 ) pierre de touche:  L’issue,  la solution, pour cet homme là, Jésus va la mettre en œuvre : avec de la terre et sa salive, il façonne un cataplasme de boue qu’il applique sur les yeux de l’aveugle. Puis il invite l’homme, chez qui la passivité a du devenir une seconde nature, à se prendre en main : « va te laver au bassin de Siloé ». Siloé signifie « envoyé ». C’est un bassin parmi d’autres réservoirs, qui se situe au sud du temple. Son histoire vaudrait bien une prédication. C’est une des options que n’aie pas retenue. Mais vous, peut-être, dans la semaine, si vous avez un peu de temps… L’aveugle obéit (on ne sait pas comment il s’y rend) et il fut guéri.

Et là, les embrouilles commencent pour lui. Pour Jésus, dans le chapitre 8, il en a eu son compte qui va encore s’agrandir. Donc, un aveugle retrouve la vue, quel sujet de joie, de reconnaissance, de louange pour tous ceux qui le connaissent et même pour ceux qui ne le connaissent pas. Un merveilleux miracle qui va le remettre sur les rails de la vie ordinaire d’un juif du gros de la troupe. Joie pour cette guérison !...

Et ben, non ! Il voit ? c’est quoi ce binz ? ça bouillonne dans les cœurs : ça ne peut pas être lui ! Ce n’est pas mon voisin, né aveugle… impossible… ils nous l’ont interchangé…  Dany Lary doit être dans le coin… enfin, lui ou un de ses semblables de l’époque…

Et lui, pauret, disait : « c’est moi ».

Quant aux pharisiens, scandalisés par une guérison opérée un jour de sabbat, ce n’est plus un simple « binz », c’est la bérésina ! Un groupe s’offusque : « cette guérison ne vient pas de Dieu puisqu’elle transgresse la loi du sabbat » et d’autres disaient : « oui, mais, quel pécheur pourrait faire un tel miracle ? »

Du coup, ils vont questionner les parents qui se gardent bien de les contrarier et les renvoient vers leur fils.

Nous en sommes au point où nous constatons que devant une même personne qui a vécu un seul évènement, qui sort de l’ordinaire, je vous le concède, les opinions divergent jusqu’à se poser aux antipodes les unes des autres.

Qu’en est-il pour le miraculé confronté à tant de regards contraires ?

Il affirme : « c’est moi ». C’est ce qu’il dit : « ego eimi », parole christique par excellence dans l’évangile selon Jean. Plutôt audacieux ! C’est toujours le même homme, mais il se perçoit différemment. Avant, pour tous, il était un objet que l’on déplace au fil des heures du jour. Maintenant, il est devenu un homme nouveau, par le don reçu qui fait de lui un « moi je suis », libéré des regards qui faisaient de lui un « rien du tout », libérés des pourquoi et des comment qui écrasaient en lui toute velléité de vie. Il me rappelle la femme samaritaine que Jésus croisât au bord d’un puit. Désormais réceptacle du don de Dieu qui donne la lumière et la vie, c’est un homme debout, voyant et témoignant, car sa guérison n’est pas seulement un soulagement, un repos, mais bien un nouveau départ, comme un starting-block sur lequel il va s’appuyer pour s’élancer dans une vie de disciple. Aux pharisiens il témoigne : « si celui-ci n’était pas issu de Dieu il ne pourrait rien faire » et à Jésus il confesse en se prosternant : « Je crois, Seigneur ».

 

2 ) anthropos, moi aussi  : cet aveugle, cet « anthropos »est devenu la pierre de touche sur laquelle autour de lui certains trébuchent, aveugles aux yeux pourtant voyants. La cécité est devenue aveuglement.

Certains se glissent dans la coquille protectrice d’une négation catégorique face à un miracle pourtant éclatant : «les uns disaient : c’est lui. D’autres disaient : non, mais il lui ressemble. »

Les religieux, eux, attachés, je pourrais même dire, collés, à la virgule du texte de la Torah, s’indignent de la transgression insupportable d’une tradition sabbatique qui remontait aux calendes mosaïques : « il n’est pas avec Dieu cet homme, car il ne veille pas sur le sabbat ».

D’autres sautent sur l’occasion pour mettre en défaut leurs collègues en insinuant un doute qui ferait d’eux les « c’est moi qui aies raison », chacun aveuglé par sa propre conception immuable de son moi supérieur.

Les voilà à leur tour devenus aveugles ou plutôt aveuglés

- soit par un évènement impensable, qu’ils ne peuvent envisager en possible, - soit par la crainte d’un retour de bâton de plus fort qu’eux,

- ou par l’orgueil d’une position théologique sacro-sainte dont on ne saurait changer le moindre iota.

Comme nous leur ressemblons à ces « anthropos »… un jour ou l’autre dans notre vie !

Ils sont tous et toutes, nous sommes tous et toutes pris au piège de la faiblesse de notrer humanité, une humanité que nous partageons, et dans ce cas précis, pas très jolie, jolie. Mais une espérance est offerte, espérance d’une guérison ardemment souhaitée et accordée. C’est ce que constate Dietrich Bonhoeffer.

 

Conclusion : Voici ce qu’il écrit, ce sera notre conclusion, je cite : « Voici que la grâce de l’Évangile, si difficile à comprendre aux gens pieux, nous met en face de la vérité et nous dit : tu es pécheur, un très grand pécheur, incurablement, mais tu peux aller, tel que tu es, à Dieu qui t’aime. Il te veut tel que tu es, sans que tu fasses rien, sans que tu donnes rien, il te veut toi-même, toi seul… Réjouis-toi ! En te disant la vérité, ce message te libère. Dieu veut te voir tel que tu es pour te faire grâce. Tu n’as plus besoin de te mentir à toi-même et de mentir aux autres en te faisant passer pour sans péché. Ici, il t’est permis d’être pécheur, remercie Dieu. » Merci, Seigneur !

 

 

 

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Dimanche 12 mars 2023 : Jean 4, 5 - 42

14 Mars 2023, 10:03am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Narbonne 12 mars 2023

Jean 4, 5-42

Pasteur Philippe Perrenoud

Cantiques 419, 609,542.

Voilà un beau passage, pour notre foi, et pour le monde en général… tout le monde…

Ce passage n’est pas toujours facile. Cette histoire est un peu mystérieuse, voire difficile… comme le sont les relations humaines, et notre monde, parfois… toujours…

Ainsi ces deux personnes, Jésus et cette Samaritaine : avec leurs parcours, leur histoire, qui se rencontrent. Mais qui semblent parler à des niveaux différents, comme deux étrangers. Il y a des malentendus partout ; dans ce passage en particulier : au point de se dire qu'ils sont voulus, pour pousser plus loin. Peut-être un peu comme en psychologie : ne pas répondre à la demande immédiate pour aller chercher plus loin, plus profondément ?... toujours est-il qu'il y a ici deux langages et des sujets de conversations qui changent très vite : on parle de l'eau. Oui mais de quelle eau ? On parle de maris. Oui mais de quels maris ?

Jésus parle d’eau, mais qui représente aussi autre chose : l’eau symbole de vie, de condition nécessaire de vie ; et de création.

Elle ne semble pas comprendre. Et nous ? Il va alors plus loin : parle de ces maris successifs. Il y a eu beaucoup de recherches, ou plutôt de suppositions, sur ce que pouvaient représenter ces maris, quels symboles il pouvait y avoir là. Beaucoup de suppositions, alors que la réalité est peut-être comme nos vies et comme nos relations : à la fois plus simples et plus mystérieuses…

Comme pour nous dire que Jésus perçoit, en elle et au-delà d’elle : il la voit, profondément… non pour la juger, la condamner : ce regard profond va être un exemple de Grâce, et faire d’elle un relais de Grâce… Elle va découvrir non seulement un prophète, mais le Messie, et finalement le Sauveur...

Comment ? Ils sont avec leurs parcours, leurs origines, leurs buts différents ; mais à ce même puits : comme une Église, qui signifie appelés hors de  nous sommes différents, mais appelés ensemble : comme lieu de rencontre. Et ce puits là : symbole/lieu de racines (puits de Jacob) Des racines qui donnent à vivre : non pas à enfermer, chacun dans sa logique, mais qui peuvent donner vie ; si on l'accepte et si on y puise... un ressourcement qui permet le dialogue, envoie et rassemble…

Les deux langages si différents de tout à l’heure auraient pu en rester là... Il est tellement plus simple de se limiter à ce que l’on connaît/croit connaître, dans nos limites… nos a-priori… c’est si simple et rassurant… Et après tout, pourquoi y aurait-il rencontre entre ces deux personnes, ces deux univers, ces deux perspectives ? Est-ce bien nécessaire ? A quoi bon ? Et tant d'autres questions que vous entendez peut-être... à propos d'univers différents, de cheminements…

D'autant plus qu'on pourrait s'étendre sur les barrières entre Jésus, le Juif, et la Samaritaine. Les Samaritains étaient mal vus des Judéens. Et il y avait de quoi... Ils représentaient un peuple qui se serait accommodé des envahisseurs Assyriens. Ils ne se rendaient plus à Jérusalem, car il avaient d'autres lieux, comme le Mont Garizim ; en fait par volonté de fidélité à la Loi seule. Chacun était donc sûr de son bon droit, d'être le plus fidèle, le meilleur...

Ils étaient comme étrangers l'un à l'autre. Étranger dans le sens profond du terme : l'autre non seulement différent, mais avec un passif dans les relations, des à priori,/tant d'à priori dans les regards ! Et pourtant Jésus a traversé la Samarie. Le texte nous dit même il fallait ; or dans la pratique, il ne fallait pas nécessairement !... Mais Jésus ne peut se satisfaire de cela, se débarrasser de cette question, se satisfaire à bon compte de cette situation... de nos barrières, limites. Alors il fallait effectivement ! Non pas comme une obligation qui nous tombe dessus, mais comme un choix…

Car si on ne traverse pas la culture de l'autre, le dialogue ne sera pas plus possible, et la vie réduite à de l'eau stagnante...

Malgré les barrières et les malentendus qui les séparent, les deux commencent à se parler et à s'écouter ! Les deux étrangers, voyageurs arrivent à se comprendre. Chacun va découvrir l'autre. Et à travers cela, ils découvriront la vraie personne qu'est l'Autre. Comme évoqué jeudi soir : les autres et l'Autre, avec un A majuscule, y compris de Dieu lui-même ! Notre foi n'est-elle pas ainsi/d'ailleurs, médiatrice dans tant/toutes dimensions de vies...

Les deux langages s'approchent finalement, et se reconnaissent autour de la même affirmation que Dieu est Esprit et ceux qui l'adorent doivent adorer en esprit et en vérité. La polémique entre les deux lieux (Jérusalem et Garizim ; ou d'autres...) est dépassée par une spiritualité vivante et partagée.

En fait, les deux étrangers se retrouvent auprès de Dieu, parce que reconnu lui-même comme différent... Différent au-delà de nos particularismes, source de Vie !

N'est-ce pas vrai que d'« accueillir le différent » peut être source de vie ?

La femme va sortir de son enfermement, et va vivre pour,/avec les autres... Comment ne pas partager et vivre cette bonne Nouvelle ?... source de vie ; elle reste elle-même, mais elle accepte autre chose...

Nous savons combien il est parfois difficile de parler des mêmes choses, de se mettre sur la même longueur d'onde, plutôt que de rester à deux niveaux différents : chacun le sien...

Nous savons combien il est parfois plus difficile de chercher à dépasser les malentendus que refuser le dialogue...

Plus encore : pas seulement de faire malgré nos différences, mais de faire avec nos différences...

Mais nous savons aussi combien il est parfois plus difficile de comprendre l'autre que de vivre chacun retranché chez soi ;

plus difficile de parler, tendre la main, recevoir un regard de Grâce que de rester dans des à priori ;

plus difficile de réfléchir que de rejeter.

Nous savons combien une paix véritable est parfois si difficile...

Mais sinon, ne serions-nous pas

en train de laisser nos forces de vies, nos eaux vives au fond d'un puits profond ?

en train de laisser stagner cet échange de Vie.

Le chemin de rencontres, auquel nous sommes appelés, n'est pas facile ; mais possible. Le Christ nous précède sur ce chemin. C'est lui, l'autre différent, qui nous a ouvert ce chemin : par sa mort et sa résurrection : de l'eau stagnante (au fond d’un trou !) à l’eau vive !

Amen.

 

 

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Dimanche 26 février 2023 : Matthieu 4, 1 - 11

26 Février 2023, 22:15pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Matthieu  4, 1-11

Pasteur Philippe Perrenoud

 

Quand nous devons présenter quelqu'un (pas seulement son nom, mais aussi sa personne ; et surtout cette personne a de l'importance pour nous), nous ressentons combien cela peut être difficile, combien notre regard et nos mots sont limités face à la complexité d'une personnalité. Cela est aussi le cas dans les Évangiles…

Le passage d'aujourd'hui se situe au tout début de la présence terrestre de Jésus, juste avant son ministère public. L’Évangile essaye donc de nous le présenter. Cela est d'autant plus difficile que :

  • Jésus n'est pas quelqu'un comme les autres... Ou plus difficile encore : il est aussi quelqu'un comme les autres... Il vient d'être reconnu comme Fils de Dieu (lors de l'épisode du baptême, qui précède juste l'extrait d'aujourd'hui). Mais les Évangiles nous rappellent alors, par l'extrait de ce matin, qu'il est aussi un homme. Donc ressentant les choses comme chaque humain ; d'où des récits de tentations ! Que la présence de Dieu puisse se vivre ainsi, parmi nous, est toujours et encore si difficile à réaliser...
  • A l'époque où l’Évangile est écrit, cela est d'autant plus nécessaire à rappeler que des groupes se font une image trompeuse du Christ, dont ils tronquent la personnalité en oubliant soit la divinité, soit l'humanité ; alors que tout est là : dans ce divin qui se réalise de façon si simple, si humble, si humaine ; et dans cette humanité, qui accepte et vit le divin jusqu'au bout.

 

En ce début de « Carême », ce texte nous ouvre un chemin : après un temps de préparation, le spirituel, et même le divin vient au cœur de l'humain ; pour lui permettre de vivre de vrais choix...

Une chose qui distingue peut-être le Christ, à la fois dans sa nature humaine et dans sa filiation divine, ce sont ses choix : le fait qu'il ait à faire des choix (ce qui n'est humainement pas évident, et pas évident non plus dans la perception religieuse d'aujourd'hui (et je pense ici à une discussion récente ; sur un sujet un peu récurrent) : la religion n'est-elle pas trop souvent vue comme quelque chose qui nous imposerait ceci ou cela, ou comme une loi supplémentaire...

Nous sommes ainsi, dans ce passage, devant une présentation de Jésus face à des choix « de haute lutte ». Tout comme nous pouvons le vivre. Et tout comme nous pouvons parfois le vivre, le mal est présenté comme un bien, ou une forme de bien. Et/ou l'attrait du bénéfice immédiat prime sur ce qui peut être nuisible à plus long terme.

 

Jésus se retire dans le désert, lieu de solitude, voire d'épreuve. Mais surtout, dans la Bible, lieu de rencontre avec Dieu. C'est ce qui va se passer, mais d'une des façons les plus profondes qui soit : en passant par dessus la séduction, l'aspect trompeur de la réalité immédiate. Les 3 tentations de Jésus reposent sur 3 éléments fondamentaux de l'espérance messianique d'alors ; ces 3 éléments sont aussi ici 3 moyens d'influences, et même de pouvoir, toujours actuels :

l'économique, le spectaculaire, et le religieux.

La 1ère tentation, celle du pain, rappelle la manne lors de l'Exode ; et la réponse donnée par Jésus est justement tirée du Deutéronome. Jésus repousse cette 1ère tentation parce qu'il ne veut pas utiliser ce qu'il a reçu pour son profit personnel. Il est évident qu'il avait besoin de pain, comme nous, comme tous. La tentation n'était pas de prendre quelque chose de foncièrement mauvais, mais de croire que le pain (ou autres moyens économiques) est tout. Le Royaume de Dieu n'est pas non plus une boulangerie ! L'homme ne vivra pas de pain seulement. Jésus multipliera des pains, plus tard ; mais ce sera pour nourrir des foules et leur donner en signe de vie.

 

Quand à la 2ème tentation, si Jésus y avait cédé, il se serait forgé d'un seul coup une immense popularité ! Non seulement à cause d'un exploit acrobatique, mais surtout comme signe d'un Messie surnaturel. Mais c'en aurait été fini de sa présence semblable à nous en toutes choses. Les hommes l'auraient vu comme un magicien ou un acrobate ; une religion extra­ordinaire peut-être, mais sans foi personnelle et sans dimension humaine... ça aurait sans doute été plus facile pour lui ; mais la double dimension de sa présence aurait été faussée... sa mission perdue...

Si on cherche le Royaume de Dieu, on ne va en effet pas au cirque, au sens propre ou au sens figuré : religion-spectacle, politique-spectacle, etc. Or nous sommes dans une société où la forme et le spectacle comptent beaucoup plus que le fond. Cela ne veut bien-sûr pas dire que ces choses soient mauvaises en elles-mêmes : mais il faut se méfier du mélange des genres quand ils amènent à la confusion. En plus du risque majeur qu'est la manipulation, ceux qui sont impressionnés par ces merveilles n'avancent pas forcément sur les grandes questions… L'acrobate et le spectacle peuvent nous amuser, nous distraire, mais ne nous sauve pas. Nous venons dans la foi, par son appel et notre réponse, simples et sincères.

 

Dans la 3ème tentation, il est suggéré à Jésus de devenir un souverain temporel, puissant, au dessus des autres. Beaucoup (à l'époque comme encore aujourd'hui) attendaient un Messie-libérateur-puissant qui chasserait par la force ce qu’on n’aime pas. Mais pour Jésus, la pire oppression de son peuple ne provenait pas de la présence des Romains, mais du poids de toute injustice humaine. C'est donc vers le Dieu de la libération qu'il faut se tourner, et vers lequel nous invite à nous tourner la citation faite par Jésus. C'est ainsi qu'il instaura vraiment le Royaume, et non une vassalité de plus…

 

Ces tentations auraient vraiment consisté à passer un « pacte avec le diable », c'est-à-dire à être prêt à tout pour arriver à un but, à notre but. Être prêt à tout, avec ce que cela a de trompeur. Car (quoiqu'on en dise ou entende parfois) en pervertissant les moyens, c'est la finalité même que l’on pervertit... Par exemple faire comme tout le monde pour réussir : c'est souvent là que nous pouvons nous perdre à force de vouloir gagner un peu plus...

 

Par 3 citations de la Bible, Jésus repousse ces tentations, avec tout ce qu'elles impliquent. Il ne sera pas un messie-boulanger ; il ne sera pas un messie-magicien-acrobate au Temple ; il ne sera pas non plus un Messie-Empereur ; il prendra plutôt le long chemin, le dur chemin des hommes. En se faisant élever sur la croix, il nous élèvera tous, et pour toujours.

 

Ce qui fait son identité, c'est peut-être cela : une présence non pour lui-même avant tout... mais une humanité qui vit pleinement la présence de Dieu, avec et pour les autres.

 

Amen

 

 

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Dimanche 19 février 2023 : Matthieu 5, 38 - 48

21 Février 2023, 10:38am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Narbonne 19.2.23

cantiques : 222, 174, 427

Matthieu 5, 38-48

Pasteur Philippe Perrenoud

Il y a beaucoup de choses, dans ce « texte du jour » qui nous est proposé... Nous ne pourrons (comme pour toutes prédication, d'ailleurs !...) pas tout reprendre... Là n'est pas le but non plus...

Alors ? Un point commun à tout cela est sans doute : l'importance, pour les premiers chrétiens en particulier, et pour nous aussi alors... d'une vie personnelle si possible exemplaire... d'un témoignage par la vie... et d'aller donc au-delà de règles religieuses habituelles. Il s'agit toujours de recevoir une vie de foi, par la foi, et non seulement par des règles religieuses toutes faites... Les premiers chrétiens, jusqu'à aujourd'hui, sont donc appelés à recevoir des interpellations de foi, qui se concrétisent dans nos vies : et c'est là que cela devient plus difficile... moins strict et plus difficile !

Jésus pousse ainsi, dans le passage de ce jour, quelques exemples encore plus loin que l'apparence religieuse : notre foi ne s'adapte-elle d'ailleurs pas sans cesse ? Ce que la Réforme a repris et nous rappelle dans un de ses grands principes : Église réformée toujours à réformer ...

Il ne s'agit pas de vivre des règles en tant que tels, mais le sens qu'elles nous disent... difficile : parce que notre mission, notre rôle ne l'est pas toujours... Mais nous ne sommes pas seuls : aidés par notre Seigneur, et les uns par les autres...

Il y a une responsabilité par rapport aux autres, dans tout ce qui est évoqué dans ce passage ; et une aide pour vivre cela ensemble ; le vivre ensemble nous aide, est indispensable

Nous parlons d'ailleurs souvent de « communauté chrétienne », etc. Ceci de façon importante et positive... nous parlons même parfois d'une famille : avec la fraternité, etc.

Mais qu'en est-il ? Il y a des endroits où les gens vivent effectivement ensemble (les monastères, mais pas seulement) : pourquoi pas ; mais est-ce nécessaire ? Le seul modèle ? Est-ce le but ?

Le texte du jour nous parle de différentes questions relationnelles importantes. Car toutes religions cherchent une référence idéale et des critères de vérité, une réponse existentielle au sens de la vie. Mais notre foi nous apporte plus spécifiquement une dimension relationnelle ; notre foi est fondamentalement d'ordre relationnel... L’Église est bien plus qu'un fournisseur de rites (aussi nécessaires soient-ils également...) et de règles (idem : aussi nécessaires soient-elles). Elle est faite d'hommes et de femmes, en relations avec notre Seigneur et les uns avec les autres ; ceci de façon bien plus profonde qu'un groupement humain X ou Y, une association, une philo, etc...

Des indications, comme celles de ce texte du jour, sont fondamentales : elles sont bien plus qu'un code ou des règles religieuses ou bien plus encore qu'un code ou des règles juridiques !... Ces passages sont à la fois concrets et infinis... comme notre foi :

  • infinie, car telle est la foi … sinon serait-elle foi, et non religiosité, superstitions, etc... Ces injonctions de Jésus paraissent inatteignables : elles le sont forcement !
  • Et concrète : car telle est notre foi !

Sinon, comment comprendre et recevoir des passages comme ceux d'aujourd'hui : comment recevoir ces avertissements ?

Inatteignable, importantes, et pourtant : c'est ce qui nous est demandé !... Oui ? Oui, mais comme quelque chose que l'on reçoit d'abord... nous savons ne pas pouvoir les réaliser entièrement par nous-mêmes ; et pourtant invités à les vivre, à en vivre... Sachant que nous ne sommes pas tout, pas grand chose en nous-mêmes... C'est certainement aussi ce que nous rappellent ces appels impossibles...

 

Le théologien allemand Dietrich Bonhoeffer a abordé cette question de « la vie communautaire ». Il nous met en garde contre la volonté d'avoir à créer la communauté chrétienne de façon ultime. C'est intéressant dans la mesure où chacun a tendance à juger, et à se juger soi-même (comme meilleur, ou au contraire incapable ; et parfois/souvent les 2 à la fois...) Et plus encore : juger l'assemblée à la mesure de nos idéaux sur la vie fraternelle. Ainsi, tout ce qui ne va pas dans notre sens, ''on'' le considère comme un manquement, voire un échec. D'où le rappel, toujours nécessaire, que seul Dieu a posé le seul fondement nécessaire !...

Pour autant, évidemment, pour le vivre, et parce que notre foi est un appel, et qu'elle est ainsi concrète, cela passe aussi par de petites choses... Là s'incarne, se réalise la vie.

 

Nous ne pouvons alors plus voir les autres comme des options... Ils/elles sont là.

Il ne s'agit plus de « faire avec »... parce qu'il le faut bien... ou d'en tirer éventuellement quelque chose pour soi... pour notre intérêt ; et sinon tant pis... Non, le sens de la communauté chrétienne est que l'autre m'apprend la vie. Cela nous rappelle alors/toujours que nous ne sommes pas dans la ''Toute-Puissance''. Et parce que la vie vient de l'Autre, passe par les autres, se construit avec eux, avec l'apprentissage, les expériences, même et surtout quand c'est difficile...

On entend parfois : je peux être chrétien chez moi : oui, particulièrement pour les protestants ; mais c'est tronqué. Et même plus : comme le Christ nous appelle, il le fait aussi/parfois par l'interpellation que nous recevons des autres, dans leurs différences.

C'est ainsi que nous apprenons ; et bien plus, et bien mieux que par des obligations... qui tomberaient d'en haut, pour nous soumettre...

Bien mieux que de nous demander toujours ce que l'autre peut m'apporter, comme nous le dit Dietrich Bonhoeffer, il nous apporte alors une espérance qui dépasse tellement/infiniment ce que nous pouvons vivre et voir par nous-mêmes, et dans le monde...

La communauté, ce n'est donc pas quelque chose avec laquelle nous devons faire, faute de mieux : c'est une chance dans la construction personnelle et commune ; à partir de ce que nous avons reçu...

Nous sommes alors d'autant plus les/avec les copains : co-pains : ceux qui ont le pain en commun …

Un signe si simple, de base, si vrai, qui nous amène à nourrir une vraie fraternité...

 

Amen !

 

 

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Dimanche 12 février 2023 : 1 Corinthiens 2, 1 - 10

13 Février 2023, 17:49pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

André Bonnery

Prédication à Narbonne le 12 février 2023

sur 1 Co 2, 1-10

Pour bien comprendre le sens de cette lettre de Paul aux Corinthiens, il faut se situer dans l’ambiance culturelle du temps où il écrit. L’apôtre s’adresse à des Grecs, c'est-à-dire, en principe, à des gens cultivés qui, s’ils ne l’étaient pas tous (et c’était sans doute le cas à Corinthe, un port qui drainait toute une population hétéroclite), on avait en admiration les « maîtres de sagesse ». Car il y avait partout, dans ce pays, des cercles d’érudits, des écoles de philosophiques,  dans lesquelles on s’efforçait de comprendre, et d’expliquer le monde terrestre, sa place dans le cosmos ; on y spéculait sur la relation entre le monde des idées et celui de la matière en s’appuyant sur la pensée de Platon ou d’Aristote ; on s’efforçait de pénétrer les méandres de la pensée humaine ; on échafaudait des théories en s’appuyant sur  les sciences les plus pointues du temps. Bref, dans ces cercles on parlait bien, on maniait les concepts avec aisance, on s’efforçait, avec l’art de la rhétorique qui était l’une des bases fondamentales de l’enseignement des élites, de convaincre les auditeurs les plus exigeants. « L’amour de la Sagesse », la « philosophia », les Grecs connaissaient bien ça, c’était leur spécialité !

Or, lorsque Paul est arrivé à Corinthe,  écrit-il, « j’étais devant vous, faible, craintif et tout tremblant » ( v.3) .On a de la peine à le croire : Paul, qui depuis des années avait parcouru les provinces orientales de l’Empire en répandant avec succès la Bonne-Nouvelle, fondant des Eglises nombreuses auxquelles il adressait ensuite des Lettres pour continuer son enseignement, Paul suivi de disciples qu’il envoyait poursuivre sa mission, Paul le type même du missionnaire qui enchaîne les succès apostoliques ! Comment se fait-il qu’il arrive à Corinthe, « faible, craintif et tout tremblant » ? Il l’explique lui-même :  parce que «  ce n’est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. »

Tant qu’il était en Asie Mineure, Paul s’était adressé essentiellement à des juifs ou à des Grecs proches du judaïsme, imbibés naturellement de culture grecque, mais il connaissait parfaitement ce milieu : n’était-il pas lui-même un juif hellénisé ? L’essentiel était pour lui de révéler que le Messie attendu, le Sauveur d’Israël et de l’humanité (car chez Paul il y avait une dimension universaliste), c’est Jésus de Nazareth. Dans  le milieu juif, même celui de la diaspora, il connaissait les codes d’accès à sa pensée ; certes il avait rencontré des obstacles dans l’évangélisation mais il savait comment les affronter. Chez les Grecs, au pays de la philosophie, c’était autre chose !

Avant d’arriver à Corinthe, il était passé par Athènes. Rassemblant ce qu’il connaissait de la pensée grecque, il avait préparé un beau discours. Sûr de lui, il n’avait pas hésité à se présenter devant l’Aréopage, ému sans doute, mais « gonflé à bloc », devant cette illustre assemblée. Quelques philosophes épicuriens et stoïciens qui l’avaient entendu parler dans l’Agora (les Grecs adoraient les discours et les débats en public) avaient flairé la bonne aubaine : Je cite les Actes des Apôtres ;  « Ce perroquet, que peut-il bien vouloir dire ? On dirait un prêcheur de divinités étrangères. » (Actes 17, 18)… et Ils  l’ils l’avaient invité aussitôt à prendre la parole devant leurs pairs.

Paul, debout devant l’Aréopage donne le meilleur de lui-même. Il y va de son discours : « Citoyens d’Athènes, je constate que vous êtes, en toutes choses, des hommes particulièrement religieux. En effet, en parcourant la ville et en observant vos monuments sacrés …. » Vous pouvez lire ce discours dans Actes au chapitre 17. Malgré ses effets rhétoriques, et peut-être à cause d’eux, ce discours tombe à plat. Je cite la finale du récit des Actes : « Quand ils entendirent parler de la résurrection des morts, les uns riaient et les autres déclarèrent : « Sur cette question, nous t’écouterons une autre fois ». ( Ac 17.32). Paul dut quitter Athènes sur ce cuisant échec. C’est de là qu’il se rendit à Corinthe.

Corinthe n’est pas très éloignée d’Athènes et, même si on n’y trouvait pas la même aristocratie intellectuelle que dans la capitale, les citoyens des deux villes étaient des Grecs possédant la même culture. On comprend mieux, maintenant, après son échec athénien les réticences de Paul qui arrive « craintif et tout tremblant » dans cette ville de Corinthe, moins guindée qu’Athènes, où il passera un an et demi. Surtout, il a tiré les conclusions de sa déconvenue. Ce n’est pas avec la raison et l’argumentation de la rhétorique qu’il va annoncer Jésus-Christ. « Quand je suis venu chez vous, frère, déclare-t-il, ce n’est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu annoncer le mystère de Dieu » (2,1). « Ma prédication n’avait rien des discours persuasifs de la sagesse.» (2,3).

 Désormais, il a décidé de changer de méthode : « J’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, ce Messie crucifié. » (v.2) Parler de Jésus et de sa Bonne-Nouvelle ne relève pas du raisonnement et de la sagesse humaine, mais de l’adhésion à une personne. Il le rappelle : « ma parole et ma prédication n’avait rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l’Esprit. » (v.4).

On ne peut parvenir à la foi par la seule raison, même s’il n’est pas déraisonnable de croire, mais on y parvient si Dieu nous y guide « par la puissance de son Esprit » (v.4), précise Paul. La foi est un don de Dieu. Il insiste auprès des Corinthiens : « Que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » (v.5)

Finalement, Paul ne fait que retraduire sa propre expérience. Quelques années auparavant alors qu’il se rendait à Damas pour  ramener à Jérusalem des chrétiens captifs pour y être jugés, il était sûr de sa foi juive basée sur l’observance de la Loi. Pour lui, tout était clair : les chrétiens étaient des gens dangereux, comme leur maître, ce rabbi subversif qu’on avait arrêté et crucifié à juste titre. Il fallait en finir au plus vite à cette peste idéologique qui mettait en péril la foi traditionnelle héritée d’Abraham. Voilà ce que pensait Saul le persécuteur. Et puis c’est le grand bouleversement. Il est terrassé par une lumière et il entre en contact direct avec celui dont il poursuit les fidèles. Il est terrassé au sens propre par « la puissance de Dieu » (v.5) dont il parle aux Corinthiens. Il sait par expérience ce qu’il en est, il en a fait l’expérience personnelle. Saul n’est pas arrivé à la foi en Christ par les raisonnements de la sagesse, mais par un don de Dieu.

Pour nous qui n’avons pas le destin de Paul et qui n’avons pas été choisi par le Christ pour faire grandir dans le monde son Eglise naissante, le cheminement vers la foi n’est pas aussi brutal, mais il n’est pas le fruit de la seule raison, il l’est d’abord d’une rencontre avec Jésus dans sa parole et par l’action de l’Esprit dans nos cœurs. Ce n’est que lorsqu’on croit que l’on s’aperçoit qu’il est raisonnable de croire. Souvenez-vous de l’Epître aux Hébreux : « La foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas » (Héb. 11,1).

Martin Luther emboite le pas de Paul lorsqu’il écrit, dans son explication du troisième article du symbole des Apôtres : « Je crois que je ne puis, par ma raison et mes propres forces croire en Jésus-Christ mon Seigneur, ni venir à lui, mais que le Saint-Esprit m’a appelé par l’Evangile et m’a éclairé de ses dons. »

Entre  la situation de Paul, lorsqu’il vivait en Grèce  et la nôtre, il y a pas mal de similitudes. On nous bombarde, nous aussi, avec toute la technique des medias et des réseaux sociaux (qui sont la rhétorique moderne) de messages qui se prétendent pleins de sagesse et d’intelligence, fondés nous dit-on sur des connaissances indiscutables parce que scientifiques, pour nous persuader qu’il est indispensable pour notre confort, et pour le bien de la planète, de posséder tel ou tel produit, « durable » autant que possible. Et nous nous sentons bien petits, pas très à la mode, avec notre  histoire de Jésus. Sans compter que nous sommes mal à l’aise, que nous ne possédons pas les astuces voulues pour convaincre. On voudrait tellement pouvoir faire comprendre que l’Evangile est une Bonne-Nouvelle, jusqu’à persuader les gens de nous rejoindre dans cette Eglise le dimanche. Et bien non, ça ne se passe pas ainsi et c’est tant mieux car il y aurait de quoi culpabiliser ! La foi ne se transmet pas par des arguments sophistiqués : c’est Dieu qui la donne, par grâce à ceux qui le cherchent. Notre seul devoir c’est de dire l’Evangile, sans nous lasser, sans nous décourager, de le vivre aussi, bien sûr c’est capital, et de laisser la graine germer par sa propre puissance germinative, c'est-à-dire, en l’occurrence, par la puissance de l’Esprit.

Paul est arrivé à Corinthe avec son histoire incroyable d’un Dieu qui s’est fait homme, qui a été crucifié, qui est mort sur une croix, qui a été enterré et qui est ressuscité. C’est bien la même chose aujourd’hui, qui a envie d’entendre une telle histoire en dehors de nos cercles chrétiens habitués à ce langage. Mais la masse n’est plus dans les églises, elle est dehors, elle nous dit, comme les Athéniens à Paul : « Nous t’entendrons une autre fois ».

Et pourtant, ce qui a échoué à Athènes, a réussi à Corinthe. Paul a renoncé à convaincre avec des arguments sophistiqués : « J’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ ce Messie crucifié ». Il n’y est pas allé par quatre chemins : droit au but. Qui peut croire avec les arguments de la sagesse humaine que Dieu se fait homme, meurt d’une mort atroce et ressuscité pour nous entrainer derrière lui vers la Vie ?  Absurde !

Et pourtant, Paul y a cru parce qu’il a rencontré une personne sur le chemin de Damas. Les Corinthiens y ont cru et ont formé une Eglise locale, parce qu’ils ont entendu le message du Christ et qu’ils ont  rencontré Jésus dans ce message, ils ont eu foi en lui. Renonçant à expliquer le mystère de Dieu qui est inexplicable,  c’est pourtant bien une sagesse que Paul a enseignée » (v.6) « la Sagesse de Dieu, mystérieuse et demeurée cachée …. (Cette Sagesse) c’est à nous, par l’Esprit, que Dieu l’a révélée.» (v.7-10). Amen.

 

 

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dimanche 5 février 2023 MAtthieu 5, 13 - 16

6 Février 2023, 09:30am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Narbonne 5.2.2023

Matthieu 5, 13-16

Pasteur Philippe Perrenoud

 

Cet extrait du « texte du jour » suit juste les « Béatitudes », avec la question de notre rôle dans le monde. Ces 2 illustrations sont brèves ; mais souvent dans l'Évangiles, denses, et riches de sens.

Déjà par leur histoire : elles viennent du Premier Testament ; des images pour parler du Peuple de Dieu, du Peuple appelé, pour le monde (la lumière), pour la terre (le sel) ; pour la terre : non pas une partie, notre petit coin ; mais pour toute la terre...

Mais comment ? Parmi les choses abordées en partages bibliques :

  •  vous êtes le sel : symbole de ce qui donne du goût ; de quelque chose de nécessaire à la vie ; mais aussi dans la Bible, image de ce qui conserve (comme une salaison...) ; et donc aussi de l'Alliance, qui est durable... quelque chose qui permet de garder vie. Et qui pourtant, quand il s'allie, devient invisible... Autre paradoxe : il conserve en transformant...
  • autre paradoxe encore…  Jésus y joint un 2ème symbole : la lumière. Image apparemment contradictoire, ou complémentaire, puisqu'on au contraire du sel : elle est visible et rend visible...

Elle ne sert pas à garder, à conserver, mais à mettre en mouvement : elle permet de voir, d'aller, de voir venir l'imprévu.

 

De plus, Jésus parle au pluriel ; il parle bien sûr à des disciples ; mais avec ces images différentes, cela ne signifie-t-il pas qu'il parle à des disciples différents les uns des autres ?... Il y a certainement aussi les différences que nous avons à l'intérieur de nous : en nous-mêmes, nous avons plusieurs facettes, et plusieurs façons d'être, différents moments de vies, dimensions de vies. Mais bien plus : nous pouvons avoir des rôles différents les uns des autres...

Il peut y avoir, en reprenant les images de ces passages, des personnes plus secrètes, dont le rôle va être plus invisible ; mais ô combien nécessaires pour autant... Des personnes qui vont permettre de garder des choses, des valeurs, des repères (comme dans une Alliance). Et d'autres qui vont être plus visibles ; peut-être plus fragile aussi, comme peut l'être une lumière... Une lumière qui ne doit pas éblouir pour autant : elle sert à attirer, à éclairer les autres, à les amener à venir ; à leur donner envie, à leur donner des possibilités ; et à chacun ensuite de cheminer par lui-même...

 

Bref, nous voyons que dans ces 2 images, il y a des dimensions nécessaires et complémentaires. Puisque Jésus parle au pluriel : c'est non seulement qu'il y a, mais qu'il veut ces 2 dimensions, ensemble ! Aucune n'est le critère de vérité de l'autre... Ce ne sont pas 2 dimensions ou 2 sortes de personnes étanches... Les mêmes peuvent être sel et lumière, selon les circonstances et ce que l'on a en face de soi.

Ce qui implique de toujours s'adapter aux situations et personnes. L'écoute est fondamentale... Elle est d'ailleurs le premier mot de la confession de foi juive (et donc aussi la nôtre, que nous avons chanté tout à l'heure) : Écoute, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un.

 

Ces 2 éléments n'ont d'ailleurs guère de valeur en eux-mêmes :

à quoi sert du sel, s'il n'est pas mélangé ?

à quoi/à qui sert de la lumière : à d'autres...

Bien plus : que ce soit pour le sel ou la lumière, il n'y a pas de frontières... Ils vont bien au-delà d'eux-mêmes... (il y a d'ailleurs un très bel extrait d'un film de Bunuel où 2 voyageurs, après un échange sur ce passage, se font conduire dans leur chambre par l'aubergiste ; et celui-ci, pour les prévenir d'un danger, d'une absurdité, met la lampe dans le placard de la chambre ; ce qui amène le voyageur à réagir vivement...)

Sel et lumière doivent pouvoir aller partout. Comme notre foi : non pas limitée à une identité figée : elle a des racines ; comme le sel, elle permet de se souvenir d'une Alliance qui nous est donnée, et qui nous permet de garder : confiance (foi), etc…

Comme la lumière : elle permet d'avancer, dans cette même confiance... de partager, de proposer aussi cette confiance : qu'elle rayonne... qu'elle serve... dans l'Église et dans le monde ; et dans l'Église pour le monde...

Il y a pourtant nos situations...

Notre Église, et sa mission qui est difficile, qui peut sembler se perdre.

Mais se perd-elle ? Peut-elle se perdre ?...

Sans doute pas à la manière dont nous le pensons.

Il y a de l'inquiétude. C'est normal ; c'est tant mieux, dans un sens : c'est la preuve qu'il n'y a pas d'indifférence...

Mais il y a au moins 3 raisons d'être en confiance

  • parce que c'est le Christ qui nous appelle
  • il nous appelle parce qu'il est venu nous chercher (ce n'est pas nous qui l'inventons ; pas plus que nous pourrions inventer le sel ou la lumière... cela vient d'avant nous, d'au-delà de nous... nous dépasse...)

Et, en même temps, nous pouvons le comprendre ; il est d'ailleurs venu l'incarner et le partager sur nos chemins...

  • et donc, cette inquiétude n'est pas nouvelle...

 

Nous voyons pourtant d'autres choses fleurir. Il y a de belles fleurs ; il y a aussi de belles fleurs, séduisantes (religieuses ou pas... comme les tentations qui précèdent notre passage...) Il y a donc de belles fleurs dans l'apparence... et éphémères... Bien des choses bordent les chemins de ce monde... qui ne se voient pas toujours, pas tout de suite ; mais avec un regard du cœur, et/ou éclairé par une lumière...

 

Et pourtant, ns sommes toujours là... malgré les difficultés, intérieures et extérieures, nous sommes toujours là...

Peut-être parce que nous savons que ce qui nous constitue n'est pas avant tout de nous-mêmes... Nous pouvons donc faire confiance !

Mais, en même temps, il y a à s'en servir !

Il y a une fidélité à avoir, à garder, en écho à celle qui nous est offerte... On ne remplace pas le sel, ou la lumière, par je ne sais quoi...

Nous pouvons certes avoir l'impression d'être de moins en moins nombreux.

C'est parfois vrai, et ce n'est guère réjouissant. Mais :

  • ce n'est pas nouveau...
  • Est-ce fondamental ?
  • Le message de l'Évangile est un cri incessant contre la mort et sa fatalité. Acceptons donc ce que nous sommes, pour ne pas nous laisser ronger de l'intérieur ; mais recevoir une espérance (comme une lumière sur nos pas), recevoir et donner du goût !
  • Ne pas rester, bien sûr, passifs... Au contraire : tout cela est l'occasion d'aller vers d'autres choses, découvrir, partager, inviter sur des chemins ; et donner du goût...
  • changer notre regard : alors, nous pourrons découvrir le monde actuel ; y compris avec ses difficultés, qui peuvent devenir de nouvelles chances ou de nouveaux champs, ou de nouveau chants...

Amen.

 

 

 

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Dimanche 22 janvier 2023 : Jean 1, 35 - 42

23 Janvier 2023, 09:59am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Lecture  : Jean 1, 35 à 42

 

Jean-Pierre Pairou

 

 Court texte de l'Évangile de Jean, qui se poursuit dans son particularisme. Rappelons que cet Évangile est le plus tardif et différent des synoptiques, avec un grand nombre de thèmes et d'épisodes qui lui sont propres. Cet épisode pourrait être rapproché pour le comparer de celui de Mt. 4, 18 à 22.

Il se situe après le "prologue théologique" et insiste sur l'importance du témoignage de Jean-Baptiste. On peut scinder ce moment en quatre aspects :

1) Le prophétisme de Jean-Baptiste

2) Son message qui conditionne la démarche des premiers apôtres.

3) L'étonnante question : " Où habites-tu " ?

4) La nécessité de la transmission

 

1) La référence à Jean-Baptiste renvoie à une histoire qui est celle du peuple juif et du prophétisme. Le peuple et les chefs juifs sont dans l'attente d'où surgit la question " Qui es-tu ? " à savoir es-tu dans la lignée des prophètes (Esaïe, Jérémie, Daniel ...) ou es-tu celui dont ils ont parlé ? La réponse " l'agneau de Dieu" place immédiatement Jésus dans la perspective de la croix et non dans celle d'un évènement glorieux.

Mais cette mise en perspective dans une histoire nous concerne aussi éminemment. Nous sommes, nous aussi, situés dans une culture sociétale, familiale qui nous fait, sinon opter pour une foi véritable, du moins nous inscrire dans un système de croyance (ou de non croyance) dont nous héritons. Et que chacun a pu, dans son histoire personnelle accepter ou rejeter.

 Chacun peut se poser la question de savoir s'il est dans la continuité d'une tradition ou en rupture avec elle et se demander ce qui le rapproche le plus de Jésus-Christ.

En parlant avec une amie de ses positions sociales, compassionnelles, mais refusant toute " croyance", je me suis permis de lui dire qu'elle était " chrétienne sans le savoir" car suivant les pas du Christ. Sans doute était-elle dans une tradition qui avait forgé sa personnalité au-delà des "croyances".

 2) Le message reçu par les deux premiers " apôtres" conditionne leur réponse. Jean-Baptiste leur désigne Jésus comme " l'agneau de Dieu". Il s'agit là d'une référence à la tradition sacrificielle. Le sacrifice au temple est une porte ouverte vers Dieu, une soumission à sa volonté et une communion avec Lui. Ce qui, pour nous, renvoie à la croix et à la Cène.

En quoi cela nous- parle-t-il ? Qui est Jésus pour chacun d'entre nous ? Les définitions habituelles (agneau de Dieu, fils de Dieu, Christ ou messie) employées comme des noms de famille nous éclairent-elles vraiment ?

Chacun d'entre nous ne devait-il pas plutôt se demander : qui est Jésus dans ma vie ? Est-il son sens (c’est-à-dire sa signification et sa direction) ou une simple " assurance vie" qui m'aide face aux difficultés du monde ? Le suivons nous, nous mettons nous à son service ou l'invoquons nous seulement face à nos difficultés à vivre ?

Qu'est-ce qu'être " fils de Dieu" si ce n'est être la seule image que nous pouvons nous faire d'un Dieu inimaginable ? En quoi cette image de Dieu en Jésus nous permet elle de vivre ?

3) "Où habites-tu ? "

Étonnante question qui renvoie évidement à cette volonté trop humaine de vouloir situer Dieu, l'encadrer. Cette volonté, d'une certaine manière, a donné lieu à une architecture (églises et cathédrales) qui manifeste cette volonté de se dire « il est là». Mais aussi la volonté d'appartenance à une institution dont on suppose qu'elle détient la vérité. Vouloir suivre Jésus sans se tromper de maison peut conduire à changer d'institution ecclésiale. Mais y a-t-il une institution qui détienne la vérité de Dieu en Jésus- Christ ? Je suis sensible au fait que notre EPUDF ait affirmé dans ses statuts qu'elle ne prétendait pas être à elle seule l'Église de Jésus- christ. Pour nous humains, Le Dieu de Jésus- christ n'habite qu'une maison : celle de l'Écriture qui doit devenir parole ! Pour cela, il convient de savoir s'approcher de nos frères et sœurs humains comme Jésus l'a fait ! Nous pensons toujours être dans la " bonne maison", mais celle-là n'est définie que par l'amour que nous savons témoigner.

" Que cherchez-vous ? " dit Jésus. Nous le cherchons Lui, mais souvent en ignorant où il nous attend vraiment.

" Il ne s'agit pas d'aimer Dieu dans l'abstrait, d'aimer un Dieu qu'on s'imagine, que l'on façonne à son image. Il s'agit d'aimer l'Homme, l'homme avec ses limites, l'homme avec son animalité, l'homme avec tout ce qui en lui nous rebute et nous répugne. Car c'est justement en dépassant tout cela qu'on atteindra au vrai Dieu. Le Nouveau testament, le testament éternel, c'est d'aimer l'homme pour ne pas manquer Dieu. " dit Maurice Zundel

Ainsi sauvés par l'Amour de Dieu manifesté en Jésus devons nous être les " porte-paroles" actifs de cet amour. L'institution ecclésiale, quelle qu'elle soit, n'est pas la «maison de Dieu". Elle est le Lieu où nous devons apprendre à le rencontrer. C'est ainsi que, dans notre texte, André ne reste chez Jésus qu'un moment. Nos institutions ecclésiales sont des lieux de départ et non d'arrivée.

4) André quitte la maison de Jésus et s'en va annoncer ce qu'il a appris. C'est sans doute ce que l'on appellera la mission. Celle-ci n'est pas l'affaire de spécialistes mais de témoins c'est-à-dire de chacun d’entre nous. Sommes-nous tous missionnaires ? Le choix de suivre Jésus, c'est celui de quitter nos illusions de le croire plus présent dans une église, une cathédrale ou un temple. D'ou le thème qui nous est cher d'être une " Église de témoins"

 Pour les disciples, suivre Jésus, c'est être envoyés, comme nous, dans un monde de plus en plus difficile. Notre société semble " déchristianisée", mais a-t-elle été vraiment chrétienne ? " Le christianisme n'a pas échoué, on ne l'a pas encore essayé " disait Théodore Monod.

 Ainsi, être chrétien doit-il être pour chacun d'être un «autre christ" et tenter d'agir comme Lui pour porter un message annonçant le règne de l'Amour divin.

 

Ce texte met à l'envers le choix des premiers disciples. Ce n'est pas Jésus qui appelle comme dans Matthieu, mais ce sont eux, qui, à la faveur d'une parole choisissent de le suivre. Mais ce texte ne doit pas nous amener à l'idée répandue qui veut que ce soit nous qui choisissons. Dans ce texte, c'est bien Dieu qui s'adresse aux hommes à travers la prophétie de Jean-Baptiste. Les disciples sont choisis comme auditeurs et comme nous le sommes.

Porteurs d'un message lourd à témoigner, mais léger à porter, celui de l'Amour inconditionnel de l'agneau de Dieu et de Dieu pour l'humanité.

 

 

                        

 

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prédication dimanche 15 janvier 2023 Esaïe 49, 1 a, 3 - 6

16 Janvier 2023, 09:39am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Narbonne 15 janvier 2023

 

Esaïe 49, 1 a, 3 – 6

 

Pasteur Philippe Perrenoud

 

Le passage d'Esaïe proposé aujourd'hui redonne espoir au peuple d'Israël. Découragé par leur captivité en Babylone, apparemment supplanté par d'autres divinités qui semblent ''mieux marcher'', le peuple de Dieu reçoit un message par le prophète Esaïe. Celui-ci est envoyé par notre Seigneur. C'est ainsi qu'il permet à ceux qui le veulent de sortir du découragement.

Ce passage s'adresse toujours à nous aujourd'hui. Mais finalement, comment pouvons-nous, chacun/e d'entre nous, participer à l'action de Dieu lui-même ? Et pourquoi moi, Français, Européen, ou autre, je peux participer au « peuple de Dieu » ? Celui-ci est ici Israël ! Ce ne serait donc pas moi, pas vous, pas nous... Voilà 2 questions qui nous dépassent complètement... que l'on ne peut résoudre... Ces rôles ne sont pas pour nous... Ou alors : comment ?

Certes, nous le pouvons par Jésus-Christ... Mais alors pourquoi évoquer ces textes du Premier Testament ? Pour nous parler des racines culturelles de Jésus ? Certes, mais bien plus : des racines de foi, des racines qui grandissent toujours... qui fonctionnent toujours... Comment ? Recevoir ce rôle, car il contient déjà une ouverture pour nous, pour tout homme et femme : il dit bien dès le v. 1 Ecoutez-moi, vous les îles, soyez attentives populations du lointain ; et notre passage se clôt au v. 6 par Je t'ai destiné à être la lumière des nations, pour que mon salut soit présent jusqu'à l'extrémité de la terre.

Les messages bibliques ont une portée universaliste. L'oublier serait non seulement mettre de côté une dimension importante de notre foi. Et ceci dès le Premier Testament, contrairement à ce qui nous semble parfois. Bien plus alors : l'oublier serait nous couper de ce Peuple de Dieu ! Si nous oublions que notre foi est, à sa base même, pour toutes les nations, nous la limitons alors à une ethnie ; et nous nous en exclurions donc de fait nous-mêmes...

Mais affirmer une dimension universelle ne suffit pas. Comment se réalise-t-elle ? Car d'autres mouvement ou nations, y compris totalitaires, avaient/ont aussi une vision universaliste... et veulent l'imposer... Face à cela, Esaïe devient porte-parole d'une lumière (et non d'une supériorité...) pour les nations, d'un Peuple de Dieu pour les autres... Et cela change tout. Ce n'est pas un modèle qui s'impose, mais qui se propose, en éclairant chacun/e, selon l'Alliance qui a été donnée (à d'autres, justement !) ; plus précisément encore : une Alliance de liberté.

Nous serions sinon dans la confrontation entre des modèles universalistes : d'autres sont aussi universalistes, comme l'Islam, particulièrement marquant dans notre histoire et actualité. Deux universalismes pour une même planète, et même terre, cela risque fort d'amener aux conflits... Sauf si nous nous souvenons de quelle Alliance, de quelle foi, il s'agit... une lumière reçue, à vivre déjà soi-même, et à proposer alors, avec l'humilité que cela suppose ; et même l'attention à l'autre...

Les chrétiens sont trop tombés dans le piège d'une supériorité, ou d'une confusion entre foi et cultures particulières... Surtout peut-être depuis que le christianisme a été récupéré comme religion officielle, puis avec les croisades, la colonisation, etc...

Ainsi, par exemple, une petite histoire qui peut nous rappeler que notre foi ne peut se limiter à telle ou telle culture particulière, mais doit aller à la rencontre de l'autre ; tel qu'il est. Ainsi donc : un missionnaire est allé, au 19ème siècle, « évangéliser » une tribu outre mer. Il y est resté 10 ans à proclamer l'Évangile. Devinez combien (ou quel pourcentage) de conversion il eut ? Zéro ! Il a alors fini par se poser des questions et a fini par comprendre qu'il fallait changer d'attitude : il s'est mis à apprendre la langue du lieu, à manifester, par son attitude aussi, une présence à ce peuple... … qui s'est alors peu à peu, mais largement, converti au christianisme ! Au début sans résultat, comme le disait déjà Esaïe au début du passage d'aujourd'hui. Mais qui finit par recevoir l'appel d'une Présence de Grâce, au service des autres, et du plan de notre Seigneur...

Comme Esaïe dans le milieu de ce passage, il y a pourtant des moments où nous avons le sentiment d'être seuls, ou même abandonnés de tous ; que cette foi ne ''marche pas'', ou (plus souvent... ) « marche moins bien que d'autres »... N'avez-vous jamais entendu, ou pensé cela ?... Et c'est normal... peut-être y a-t-il l'occasion de se demander alors où et comment est l'essentiel ?... Et que par la prière, la rencontre de l'Autre et des autres, viennent des perspectives de l’essentiel ; qui, le rappelait quelqu'un récemment, est souvent invisible pour les yeux...

Comme dans toutes relations, le découragement risque toujours de venir, d'être là ; surtout lorsque les choses, et la foi en particulier, sont polluées par des dimensions de dû, d’intérêts, etc. ; et non comme un/des cadeau/x. Ce qui n’exclut bien sûr pas d'y travailler !... Au contraire, un cadeau, ça se prépare, ça se reçoit, avec les adaptations que cela suppose parfois ; surtout quand celui-ci est important.... Mais cela reste gratuit !

 

Israël, pendant son exil, s'est découragé. Il a eu l’impression d'avoir travaillé pour du vent ! Il se rend compte de son erreur. Un jour nouveau arrive. Le découragement peut s'en aller pour laisser la place à l'espoir : vous n'avez pas prié en vain, partagé pour rien, mené une vie honnête pour rien ; car c'est déjà pour soi-même, et dans la relation à notre Seigneur... Les idoles des plus forts ne sont pas durablement les plus fortes... Elles ne sont qu'en apparences les plus fortes ; comme nous le rappelle l'histoire, et en particulier celle de l'exil... Malgré le découragement, l'infidélité, les tentations ou les conflits, notre Seigneur rappelle son projet : y compris confier la réalisation de son plan de Salut à celui qui est son serviteur devant les nations... Non par ses mérites, mais par Grâce.

Le Peuple de Dieu ne doit nullement désespérer. Bien que déprimé, il pourra être renouvelé, en devenant lumière pour les nations.

Il y a toujours, certes, de quoi être découragé quand on est, comme Israël, d'abord exilé, réduit, avec le sentiment d'avoir été abandonné (ou même punit) par Dieu... Un tel sentiment d'amertume nous habite parfois quand nous pensons que Dieu/notre Église est injuste...

Comme le Peuple de Dieu, celui d'Esaïe et de toujours, l'Église n'a pas à désespérer ! Même si elle travaille loin des projecteurs, elle est, par le message qu'elle peut recevoir et partager, une lumière pour tous les peuples. Cette lumière ne lui vient pas d'elle-même, bien sûr... justement !...

Elle nous éclaire, nous remet en route !...

 

Amen

 

 

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DIMANCHE 1ER JANVIER 2023 / gALATES 4? 4 - 7 "supercalifragilisticexpialidocious"

31 Décembre 2022, 09:57am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

NARBONNE 1er JANVIER 2023

 

Galates 4, 4 – 7

 

 

« supercalifragilisticexpialidocious »

 

Introduction : Il y a très longtemps, une petite fille me disait, le visage tout triste, que son papa n’était pas son vrai papa et que c’était pas juste… je lui ai dit : tu en as de la chance ! tes petits amis à l’école et bien, leur papa n’a pas eu le choix. Il a choisi leur maman mais le bébé qui est venu après, il a été obligé de le prendre tel qu’il était. Toi, ton papa, non seulement il a choisi ta maman, mais il t’a aussi choisie, toi, puisque tu étais déjà née. Tu te rends compte ? Il t’a voulue toi, et pas un autre enfant. Il t’a choisie et il t’aime n’est-ce pas ? La petite fille me regardait, les yeux ronds en boule de billard puis elle m’a embrassée très fort. Être adopté c’est assouvir un désir indicible d’amour à donner. Et la « démarche d’adoption est totalement gratuite et unilatérale [1]». Quelle joie d’avoir ainsi été choisie ! c’est ce dont nous parlerons ce matin, car, nous aussi, nous sommes des « choisis ».

 

1 ) le temps : dimanche dernier nous avons commémoré un évènement du passé qui a ouvert sur notre monde une porte inédite : celle d’une maison qui désormais peut être la nôtre où une exceptionnelle famille,  universelle (et nous parlons ici non seulement d’espace, mais aussi de temps) nous reçoit en son sein. En effet, « Dieu a envoyé son Fils : né d’une femme, il a vécu sous la loi juive, afin de délivrer les personnes qui étaient soumises à la Loi, et de nous permettre ainsi de devenir fils et filles adoptifs de Dieu. »

Nous avons l’habitude de célébrer Noël, mais je me demande si nous prenons vraiment la mesure de l’impact que cet évènement peut avoir dans nos vies. La petite fille qui me faisait confidence de son chagrin vivait, avec sa maman, un temps difficile. Et fort heureusement, en France ! et pas en Israël, où elle n’aurait été qu’une enfant née hors mariage avec toutes les conséquences que cela implique. On les appelle des « mamzers »[2] et les tribunaux rabbiniques, encore de nos jours, leur interdisent, à eux mais aussi à leurs enfants, tout mariage avec un juif.

Et voilà qu’un homme tombe amoureux et adopte et aime, en même temps que sa compagne, l’enfant qui n’est pas de lui. Je ne dirais pas une main tendue, mais un cœur tendu et offert à l’amour de la maman et de la petite fille.

Il est bizarre le Seigneur quand même … parce que la loi sur les mamzers, c’est lui qui l’a dictée. Je dis bizarre, de mon petit point de vue humain, car si je me fixe une règle dans mes relations avec les autres, je la suis, à la lettre, sinon, j’aurais l’air de quoi si je change d’avis ? Eh bien, le Seigneur, lui, décide souverainement du devenir de ses commandements, car ce « j’ai l’air de quoi » n’a pas de sens pour Lui. il est, il était, il sera… et la loi accomplie dans la vie de l’enfant que nous fêtons à Noël est devenu Loi d’amour, loi d’accueil, loi d’adoption. Et c’est là que nous intervenons comme réceptacles de ce don supercalifragilisticexpialidocious ! je sais, ce n’est pas un mot biblique et c’est bien dommage car il exprime tout l’extraordinaire de l’amour qui nous est offert.

 

2 ) enfant / fils-fille    : Dieu a envoyé son Fils, son fils unique pour nous permettre de devenir enfants de Dieu. Ma traduction utilise le mot « enfant » mais dans le grec, c’est le mot « fils « qui est utilisé (huios en grec), le même que celui qui qualifie le Fils de Dieu. Ce qui a fait dire à un pasteur, je cite : « être chrétien, ce n’est pas être enfant de Dieu, mais fils ou fille de Dieu. La première différence entre l’enfant et le fils ou la fille, c’est que le fils, la fille s’inscrivent dans une filiation. C’est la raison pour laquelle il y a tant de généalogies dans la Bible. (…) ils découvrent qu’ils ne sont pas auto-fondés, mais qu’ils dépendent d’autres personnes et que leur identité elle même dépend d’un autre qu’eux-mêmes, que la Bible nomme Dieu et que l’esprit d’adoption nous permet d’appeler « Abba ! Père ». Les fils et les filles de Dieu ont fait la découverte que la vie se reçoit. (…) L’enfant est un être sans gravité (…) mais il convient de devenir adulte, de devenir fils ou fille, d’apprendre à donner à chaque chose sa juste place, à devenir responsable. (…) Contre la pensée enfantine que Dieu dirigerait le moindre aspect de l'histoire, les rédacteurs bibliques indiquent, dès le récit de la Genèse, que l’être humain est institué comme être responsable. Cela signifie que le cours de l'histoire dépend de l’être humain, que celui-ci est en situation de pleine responsabilité et qu’il ne peut se décharger sur qui que ce soit pour rendre le monde plus vivable »[3]. Fin de citation.

« Abba ! Père ! » un cri qui s’enracine, et aussi qui s’épanouit à la fois dans la reconnaissance de cette adoption qui nous ouvre à une vie nouvelle, mais aussi dans l’affirmation que nous vivrons cette adoption en fils et fille « de la maison », prenant pleinement part à tout ce qu’il nous y est donné d’y vivre même la corvée de poubelle et celle de la vaisselle. Euh ! dans la maison de l’amour de Dieu, sont ce vraiment des corvées ?

 

4 ) actualisation :  Une précision. En français nous parlons d’adoption de fils et de filles. Les termes « adoption » et « fils et filles » sont très différents dans notre langue. Mais en grec, je vous l’ai dit, « fils » c’est « huios » et « adoption » c’est « huiothesia ». Pas de doute, le pasteur cité a bien raison de traduire dans ce contexte, par fils et non enfant. Certes, les fils, les filles passent par une période infantile obligatoire, à moins de jouer, comme Brad Piit, les « Benjamin Button » qui nait vieux et finit nourrisson.

Nous voilà donc, fils et filles de Dieu, bénéficiaires d’une proposition d’amour que nous vivons à tout instant : « ouvre ton cœur et l’Esprit de son Fils viendra crier : « Abba ! Père ». C’est moi, c’est toi qui le vit, c’est moi, c’est toi qui le crie : « Abba ! Père ! ».

Noël a vu naitre un enfant, un tout petit enfant, un bébé. De nos jours, si nous commémorons cette naissance c’est avec, en fond tangible, ce que cet enfant est devenu pour Dieu, pour lui, pour les autres, pour le monde entier d’hier, d’aujourd'hui et de demain. Il est Fils de Dieu et nous sommes, par adoption filiale, grâce à lui, nous aussi fils et filles de Dieu.

Nous voilà dans la maison, toutes et tous ensemble, toujours enfants aux yeux des parents, fils et filles grandissants comme le dit si bien Marion Muller Colard, vivant chaque jour comme une perspective de s’élargir, de s’épanouir, jour ouvrant sur une maturité plus grande que celle de la veille. Le Fils naturel a pris la tête de la fratrie immense que le Père lui a confiée. Et s’il nous arrive encore de souhaiter un peu de lait, de redevenir un tout petit enfant, nous sommes désormais nourris avec la solide nourriture de la grâce qui fera de nous des hommes et des femmes à la ressemblance de notre frère. Lui, le Fils naturel, et nous, les fils et filles adoptées formons une fratrie indissoluble, kaléidoscope familial aux résonnances enchevêtrées d’hommes et de femmes, chacun, chacune, différents des autres. C’est dire que parfois, dans la maison, y a comme du raffut ! Et c’est bien ainsi.

 

Conclusion : En conclusion, vous allez dire que je radote, mais je voudrais vous donner un petit nom, un surnom : je voudrais vous appeler : « cadeau ». Si le masculin vous gêne, vous pouvez toujours rajouter un « e »…

L’année dont nous vivons le 1er jour ne devrait pas être facile. Nous n’allons pas fermer les yeux sur les embrouilles des fils d’emballage, et les déchirures du papier. L’année qui vient à déjà mal commencé pour nombre de nos contemporains et peut-être pour l’une ou l’un d’entre vous.

« Cadeau » : tu es réceptacle du cadeau. La boite dans laquelle le Père a déposé sa grâce, un cadeau d’une beauté transcendante. Le Père, le Fils et l'Esprit Saint ont instillé en toi leur amour communiel, qui jamais ne cesse, qui t’es destiné qui que tu sois, quoique tu fasses ou ne fasses pas.

« Cadeau » : tu es porteur et partageur du cadeau. Prends, et offre la boite d’où s’échappe le doux chant de la Bonne Nouvelle de l’Évangile, ce qui traduit signifie : offre-toi et que ta voix proclame toutes les belles choses que le Seigneur a déposé, dépose et déposera encore à l’intérieur.

« Cadeau » : Noël est passé, je veux dire, la fête de Noël. Noël, ce n’est pas seulement le cadeau du Père dans son incarnation parmi les humains que nous commémorons le 25 décembre. Noël, c’est le jour où tu es devenu fils, fille de Dieu. Noël, c’est cadeau, cadeau chaque jour, cadeau tous les jours, un cadeau filial que le Seigneur, Père, Fils et Saint Esprit s’est offert. Et qu’est-ce que tu lui plais ! C’est toi qu’Il voulait, c’est toi qu’Il aime infiniment. N’en doute pas.

Amen !

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Dimanche 18 décembre 2022 : Matthieu 1, 18 - 25

18 Décembre 2022, 21:42pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Narbonne 18.12.22

Mt 1, 18-25

Pasteur  Philippe Perrenoud

 

359 : ô peuple fidèle

351 : d'un arbre séculaire

365 : Aujourd'hui le roi des cieux

 

Pauvre Joseph... En effet, n'y a-t-il pas parfois de quoi le plaindre ?? Car on ne lui laisse pas toujours la bonne place :

  • au mieux, on le voit comme celui qui n'a pas compris comment sa fiancée s'était retrouvée enceinte...
  • au pire, l'idée vient logiquement après cela, qu'il est le "dindon de la farce", ou même "la 5e roue du char", comme on dit...

Alors, à quoi sert-il ? Pourquoi nous raconter cette histoire, s'il a si peu d'importance, ce Joseph ? Quels rôles a-t-il ?

L’Évangile de Luc ne parle que très peu de Joseph, si ce n'est pour nous dire qu'il était fiancé avec Marie, et qu'il était présent au moment de la naissance. Cet Évangile de Luc centre son regard surtout sur Marie, sur sa foi humble. Le récit de Matthieu, nous parle davantage de Joseph : il n'est pas comme Marie, docile, mais se pose davantage de questions (et on peut le comprendre...)

Comme on nous dit qu'il est un homme "juste" (c'est-à-dire observant la Loi), il se propose de la répudier comme il se doit dans un tel cas. Mais il veut aussi appliquer cette Loi selon son sens, c'est-à-dire humainement. Il décide alors de la répudier secrètement, pour ne pas lui causer plus de tort que nécessaire. C'est donc par un songe que le Seigneur persuade Joseph de la garder.

Les récits des annonces faites à Marie et à Joseph sont presque parallèles. Mais ils diffèrent au moins sur une chose : nous voyons (et le catholicisme a contribué à renforcer cette image) une Marie qui accepte simplement le rôle qui lui est donné ; cela est juste. Mais ce qui est intéressant, c'est de trouver en même temps une image si différente chez Joseph : il est beaucoup plus réservé sur ce qui se passe. Même si on ne l'entend pas directement, il semble qu'il y ait eu tout un dialogue avec son entourage, puis avec le Seigneur, dans le songe : il accepte ce rôle, mais pas de façon aveugle ; peut-être même avec tout ce qu'il peut y avoir de doute et de questionnement.

Or ce questionnement, lui aussi, est important.

C'est aussi de là que va sortir quelque chose de nouveau. Sans ce questionnement, rien ne se serait produit. Rien ne se serait produit si Joseph était resté dans un refus plus ou moins poli ; ou plus banalement : dans une indifférence si commune à nos fonctionnements. Son attitude n'est ni une acceptation aveugle, ni un refus préalable, plus ou moins borné ou auto-suffisant (dont notre monde nous donne malheureusement tant d'exemple : le refus de ceux qui considèrent, consciemment ou pas, qu'ils ont toujours raison...)

Joseph montre une attitude qui mûrit, dans une libre acceptation. C'est ici la Parole de Dieu qui ré-oriente sa vie (comme les nôtres), qui provoque même un déchirement intérieur ; mais qui le met en route. Voilà aussi déjà la Bonne Nouvelle qui s'incarne : elle descend jusqu'aux hommes. Dès cette annonce reçue, même de façon aussi discrète que chez Joseph, il y a une différence, un bouleversement, motivé par l'acceptation de Dieu, et non par un simple changement de la raison humaine. Nous savons que les 2 (foi et raison) ne s'excluent pas ; bien au contraire : elles se complètent. Sinon, dans l'exemple de ce matin, qu'est-ce qui aurait pu amener Joseph à changer, à ne pas répudier Marie, comme tout le lui suggérait : entourage, code moral, etc.

Mais peu lui importe ensuite que sa réputation paraisse entachée (au point que l’Évangile, quelques décennies plus tard, doive encore le défendre...) Mais il savait ce qui est juste ; et il l'a gardé.

Ce que nous raconte Matthieu n'est pas un récit de Noël un peu naïf et sentimental (comme nous avons tendance à le vivre et à le réduire de nos jours). Ce qu'il veut nous dire, c'est l'effet de Noël sur un homme.

Ces 2 attitudes différentes me semblent se retrouver sur, au moins, un autre point : Marie porte l'enfant en elle. C'est elle qui, par exemple lors de la disparition de Jésus au Temple, lui adressera les reproches parentaux. Dans la suite du récit, Joseph disparaît. On ne sait pas ce qu'il devient... Seule l'imagination populaire ou artistique a suppléé à ce vide apparent, en se le représentant en train d'apprendre à Jésus son métier de charpentier ; ce qui est peut-être vrai, mais qui n'est pas raconté dans la Bible (comme le bœuf et l'âne de la crèche, cela vient de nos représentations ; cela montre aussi qu'il est toujours bon et nécessaire de revenir au texte lui-même, et non pas à "l'homme qui a vu l’homme qui a vu l'ours" !... )

Or nous avons vu toute l'importance du rôle de Joseph. Un rôle discret, mais non moins important. C'est par lui que Jésus est descendant de David. C'est donc aussi par Joseph que Jésus est pleinement homme. Mais il n'a pas qu'un rôle de figurant... Il est le témoin silencieux, mais actif, d'un avenir qui lui échappe pourtant. Il est effacé, mais néanmoins efficace ; et sans doute d'autant plus efficace parce qu'effacé... Comme c'est souvent le cas dans les relations et le travail en société : l'essentiel se fait souvent par des gens dont on ne remarque pas toujours l'importance, dont on oublierait facilement le rôle ; un rôle qui est souvent nécessaire, sans lequel rien ne serait possible. Un travail discret, souterrain même, mais d'autant plus sincère parce qu'il n'a pas pour but de se mettre en avant ; d'autant plus efficace qu'il n'a pas besoin de se mettre en valeur, qu'il ne recherche pas cela.

Et plus largement encore, dans le monde : les média ne nous parle que du spectaculaire, et donc souvent négatif. Mais combien de geste de paix et de courage qui ont contribué à éviter des drames, et dont justement alors ...on ne parle pas ! Mais finalement, est-ce si grave ??

Certes, nous avons aussi, souvent, besoin d'être reconnus. Mais cette reconnaissance ne peut précisément venir que des autres, et par eux-mêmes. Rien de plus agaçant que ceux qui veulent le faire à notre place, que la vantardise. Non seulement cela ne mène souvent à rien, mais aboutit même au résultat inverse.

Le plus important est-il donc de paraître ou d'être ? Surtout lorsqu'il s'agit des projets de Notre Seigneur pour nous, d'être présent à son appel. Ce rôle discret, mais finalement primordial de Joseph l'amena tout d'abord à paraître peut-être comme "la 5ème roue du char" et l'objet de
moqueries. Mais s'il s'y était refusé, ou s'il avait voulu en tirer le bénéfice pour lui-même, que serait-il arrivé ? Et certainement dans notre entourage aussi, tant de rôles discrets, mais néanmoins présents et qui permettent de grandir, de devenir, de faire ensemble. Accepter de
ne pas toujours vouloir que les autres nous ressemblent, mais les aider à être eux-mêmes et avec les autres.

Telle est la relation de Notre Seigneur envers nous, et donc celle entre nous, à laquelle nous sommes invités ; comme Joseph, accepter qu'à travers nous des rôles discrets mais efficaces soient joués ; vivre alors tant de choses auxquelles on ne pensait pas tout d'abord...

 

Amen.

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