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Eglise Protestante Unie de Narbonne

PREDICATION 10 OCTOBRE 2021 / MARC 10, 17-30

26 Octobre 2021, 07:43am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Prédication à Narbonne, le 10 octobre 2021

Prédicateur : André Bonnery

A partir de Marc 10, 17-30 ; Pro 3, 13-20 ; Hébreux 4, 12-13

Chants : 118 ;  617 (trésor) ; 610 - F 2

 

I - Jésus est-il contre les riches ?

Quand on lit ce passage de l’Evangile de Marc, on peut se poser la question de savoir, une fois encore, si Jésus n’est pas contre la possession des biens matériels. Effectivement, il a marqué très nettement sa prédilection pour les pauvres, les petits, les exclus. Mais à bien y regarder de près, il ne fait jamais l’éloge de la pauvreté, encore moins de la misère. Certes, il donne en exemple les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent, mais c’est pour rappeler que tout vient de Dieu et que les soucis matériels ne doivent pas nous détourner de lui. Dans les Béatitudes, il ne recommande pas le dénuement matériel mais la pauvreté en esprit. Si lui-même n’a pas une pierre où reposer sa tête, c’est pour être tout entier à sa mission. Plus tard il recommande à ses disciples, pour la même raison, de ne rien emporter avec eux, ni bourse ni sac. Mais quand il guérit un malade où un infirme, il ne se préoccupe pas de savoir s’il est pauvre ou fortuné. Il discutera avec un centurion qui a un bon salaire d’officier, avec un notable comme Nicodème, avec le publicain Zachée qui s’est enrichi sur le dos des contribuables, il recrute également un percepteur d’impôts, Matthieu, parmi ses disciples. Dans le récit qui vient d’être lu, il regarde avec admiration un jeune-homme riche qui pratique la loi mosaïque de manière irréprochable. Non Jésus ne juge pas les gens, apriori en fonction de leur richesse ou de leur pauvreté. Ce passage de l’Evangile de Marc n’est donc pas fait pour stigmatiser les riches.

Il est vrai que les pauvres  ont été plus disposés à suivre Jésus que les fortunés. Regardez, parmi les douze, s’il y a un publicain, on trouve surtout des hommes qui travaillent durement pour gagner leur vie, des pêcheurs du lac de Galilée. Celui qui n’a pas un grand avenir dans ce monde est sans doute plus facilement enclin à laisser le peu qu’il possède. Encore que…  Le livre des Proverbes dit fort bien que la pauvreté n’est pas la garante d’une spiritualité élevée : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse( dit l’homme sage), de peur qu’étant rassasié je te renie… ou, qu’étant dans la pauvreté je ne commette un vol. » D’ailleurs, à  partir de quelle somme de revenus est-on riche ? Tout dépend du contexte dans lequel on vit. Pour un crève la faim du Sahel ou des banlieues de Bombay, tous les Français sont riches. Et puis, il n’y a pas que la richesse en biens matériels ou en argent, il y a celle du savoir, des relations, du pouvoir, de la santé… Pour comprendre le sens profond de ce passage de Marc, il faut donc y regarder de plus près.

II - Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?

Il est intéressant ce jeune-homme qui s’approche de Jésus quand il a terminé son enseignement, aux foules. Il arrive à la fin d’une conférence, quand on a bien discuté, qu’il y ait toujours quelqu’un qui s’approche, en aparté, et qui pose une question que l’on n’a pas osé poser en public. Celle de ce jeune-homme  est importante pour lui : « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ?» Il est plein de respect pour le maître, il l’a écouté avec attention, il s’est mis à genoux, humblement, pour s’adresser à lui, en le qualifiant de BON Maître. Qu’attend-t-il de Jésus ? Qu’il le félicite pour avoir pratiqué les commandements, ou que ce rabbi, qu’il vénère, lui apporte une révélation nouvelle, à lui tout seul ? Jésus, l’aime pour sa fidélité à la loi mosaïque. Par contre la réponse qu’il lui fait, est décevante pour cet homme,  à plusieurs égards :

-A la qualification de « bon maître » il réplique que Dieu seul est bon. C’est un avertissement assez sévère destiné à lui rappeler que même s’il pratique la charité « en ne faisant de tort à personne » et sans doute en donnant de ses biens au Temple et aux pauvres, ainsi qu’il est prescrit, seul Dieu est bon et pas lui le nanti, juste selon la loi.

-Décevante aussi parce que Jésus se contente de lui rappeler les commandements, sans conseils supplémentaires.

-Décevante enfin parce que le seul conseil qu’il lui donne le met mal à l’aise : « va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ». Ça, il ne l’avait pas prévu. La loi ne suffit donc pas ? Et il parti tout triste : déçu !

Jésus en profite alors pour  faire une réflexion à ses disciples, en forme de proverbe : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » (v.25) Une seule phrase, courte, percutante, qui a laissé les disciples abasourdis. La comparaison met en parallèle le plus gros animal que l’on pouvait voir en Palestine, à l’époque, le chameau, et l’ouverture  la plus étroite que l’on utilise, dans la vie quotidienne : un trou d’aiguille. Effectivement il est impossible, inimaginable de faire passer un chameau dans un trou d’aiguille. Les disciples atterrés l’interrogent : « mais alors, qui pourra être sauvé ? »  Bien sûr, plus tard, les exégètes gênés par la radicalité de cette comparaison, et pour éviter de condamner les riches donateurs des églises, cherchèrent une explication plus acceptable. On découvrit alors qu’il existait dans le rempart Jérusalem une porte, appelée l’Aiguille, si petite qu’un chameau ne pouvait la traverser, à moins de se mettre à genoux, sans chargement sur le dos, et de ramper. Ainsi,  « une porte de salut », si j’ose cette expression, était offerte aux riches. Dans certaines conditions, et en faisant beaucoup d’efforts,  ils pourraient espérer mériter la vie éternelle. Mais, pourquoi vouloir édulcorer la radicalité  énoncée par la comparaison de Jésus ? Faire passer un chameau par le trou d’une aiguille « c’est impossible » déclare-t-il.

Alors pourquoi Jésus qui admire ce jeune-homme, ce bon juif est-il aussi exigeant en lui demandant de tout laisser ?  C’est pour lui faire comprendre (et nous faire comprendre) qu’on n’est jamais en règle avec Dieu parce on a fait quelque chose de bien ; parce qu’on a pratiqué des commandements. « Que dois-je faire » a-t-il demandé, pour avoir la vie éternelle ? » L’important, ce  n’est pas d’observer des commandements mais de rechercher l’esprit de cette obéissance à la loi. Or, cet esprit, Jésus l’a révélé, il est tout entier dans le premier commandement : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta pensée de toute ta force ». Voilà le premier, le seul l’unique commandement qui donne vie à tous les autres.  Le jeune homme, et nous-mêmes, sommes invités à nous interroger : est-ce l’amour exclusif de Dieu qui guide mes actions ? Quand il s’agit d’aimer Dieu et son prochain, on n’a jamais fini, on n’est jamais en règle, on ne peut jamais être satisfait de soi comme l’était peut-être un peu trop le jeune-homme de l’Evangile. Jésus voudrait qu’il soit libre par rapport à sa richesse, car celui qui a comme objectif premier la gestion de ses biens, la rentabilité,  celui-là passe à côté de l’essentiel. Et c’est vrai pour toutes les autres richesses que l’argent : la considération, la culture, l’aisance sociale, la santé. Les choses essentielles : la paix et la joie intérieure, la sérénité, une conscience tranquille, l’ouverture aux autres, ne peuvent être acquises avec de l’argent. Luther disait : « ce à quoi nous accrochons notre cœur, c’est cela notre Dieu » Jésus a sans doute senti que le jeune-homme était trop accroché à ses biens. Voilà pourquoi il est reparti triste, il ne pouvait voir où était la vraie source de l’épanouissement.

III – « Pour les hommes cela est impossible, mais pas pour Dieu »

Le jeune-homme demandait à Jésus : « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Il se situait dans le faire pour obtenir le salut, pour s’attirer la bienveillance de Dieu. Il avait tout faux. Il n’avait pas compris l’essentiel : on  n’achète pas son salut en observant la loi et en oubliant l’esprit : l’amour de Dieu. Luther disait encore dans son Petit Catéchisme : « nous devons  aimer Dieu par-dessus toute chose, et avoir confiance en lui plus qu’en toute chose. » Le salut est un don gratuit. Cette affirmation à la base de notre foi protestante nous la retrouvons dans la réponse de Jésus à cette interrogation des disciples découragés par les exigences du Maître : « Mais alors, qui peut-être sauvé ? » A quoi il répond : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu, car tout est possible à Dieu. » C’est par pure grâce et non en raison de nos œuvres que Dieu nous offre sa Vie.

A la fin de cette péricope, et comme une conclusion à la mise en parallèle du chameau et du trou d’aiguille, Pierre intervient humblement : « et nous qui avons tout quitté pour te suivre ? » Cette question renvoie au début de l’Evangile de Marc, à l’épisode de l’appel des premiers disciples (Marc 1, 16-20) « Aussitôt, laissant là leurs filets ils le suivirent ». « Alors laissant là, dans la barque, leur père et ses ouvriers, ils le suivirent ». D’autres ont laissé leur table de change, leur poste de douane, leur village, leur maison,  familles et amis, pour suivre Jésus. L’attitude de ces apôtres est à l’opposé de celle du jeune-homme riche : d’emblée ils ont fait confiance, ils ont mis leur foi en celui qui les appelait à le suivre.

La réponse du Maître est claire : celui qui ne s’est pas attaché à ses richesses, celui là recevra au centuple. Remarquons que dans l’énumération des richesses matérielles ou affectives  que les apôtres ont laissées : une maison, une terre, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants, il n’est pas question d’une compagne. Sans doute parce qu’à l’époque où Marc écrivait, les disciples étaient accompagnés par une femme dans leur mission, si l’on en croit  l’Epître I Corinthien, 9, 5 « N’aurions nous pas le droit d’amener avec nous une femme croyante, comme les autres apôtres, les frères du Seigneur et Pierre ? » (v.5) Cela en dit long sur l’importance des liens affectifs pour un bon équilibre, même dans la mission pastorale. Des liens aussi importants selon Paul que « le boire et le manger » (v. 4) ou bien « le droit de travailler (v.6)

Conclusion.

Accepter de mettre Dieu en premier ; accepter de ne pas faire des richesses - que nous devrons abandonner un jour, quoi qu’il en soit -  l’objectif de notre vie ; croire que ce n’est pas par nos œuvres que nous nous sauverons, cela nous procure une immense liberté. Loin de nous éloigner, tristes, comme le jeune-homme de l’évangile, si nous acceptons  tout cela, nous pourrons nous réjouir de ce que  la vie nous offre, y compris toutes les richesses mises par Dieu entre nos mains. Nous aurons en même temps la liberté de renoncer à tout ce qui pourrait nous empêcher de suivre Jésus sur le chemin qui passe par la croix. Jésus ne nous promet-il pas les persécutions ? (v.30). Nous y renoncerons pour ce Dieu de qui nous recevons la vie, sa Vie. Amen.

 

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