Genèse 1, 26-27 ; 2, 6-7, 18, 21 - 23
Prédication 21 Janvier
Prédicateur : Patrick Duprez
Répétons Gn 1, 26-27 ; Et il a dit Elohim « faisons l’humain dans notre image, comme notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail ; enfin sur toute la terre, et sur tous les êtres qui s'y meuvent ». Et il créa Elohim, l’humain dans son image, dans l’image d’Elohim il le créa, mâle et femelle il les créa.
Et Ecoutons aussi Gn 2, 6-7.18.21-23 ; Mais un courant d’eau douce s’élevait de la terre et humectait toutes les faces du sol. Et il forma le Seigneur Elohim, l’humain, poussière issue de la terre, et il souffla dans ses narines un souffle de vie et il fut l’humain un être vivant.
Et il dit le Seigneur Elohim « il n’est pas bon que l’humain soit à sa solitude je ferai pour lui un secours comme son vis-à-vis ». Et le Seigneur Elohim fit tomber un profond sommeil sur l’humain et il s’endormit et il prit un de ses côtés et il referma la chair à sa place. Et il forma en une femme, l’éternel Elohim, le côté qu’il avait pris de l’humain et il l’emmena vers l’humain.
Et il a dit l’humain « celle-ci, cette fois est os de mes os et chair de ma chair à celle-ci il sera crié femme parce que d’homme elle a été prise ».
Sœurs et frères, nous sommes devant un magnifique poème de la création (avec une traduction qui est pour partie la mienne et pour partie celle d’André Wénin professeur d’Ancien Testament à la faculté de théologie de Louvain-la-Neuve).
Nous sommes devant une information passionnante pour nous et je n’en doute pas, certainement aussi pour les participants à la rencontre cinématographique sur « les images de la femme dans le cinéma » qui se tient ces deux jours ici même.
Dès les premières pages du Pentateuque, (la torah) femmes et hommes apparaissent comme les deux faces d’une même carte, celle de l’humain. Que ce soit au premier chapitre de la Genèse ou au second ils sont, elle et lui, l’humain. Déjà ! Ils sont, elle une femme et lui un homme, ils sont face à face. Et l’un avec l’autre sont l’humain. Il n’est pas l’humain, l’un sans l’autre. Et l’un avec l’autre sont faits à l’image, à la ressemblance d’Elohim écrit le narrateur au V, VI siècles avant notre ère, ces deux faces, ces deux figures, ces deux visages de l’humain sont ressemblances divines, réalités divines, corps divins, l’un et l’autre ressemblance divine sont temple sacré.
Mais alors si nous avons compris l’écriture du merveilleux auteur sacerdotal, probablement l’auteur du premier chapitre, si l’humain te ressemble, Seigneur Elohim, je peux moi en conclure que tu ressembles à cet humain.
Tu prends son côté, et de son côté tu façonnes une femme, ils sont tous deux un peu toi, et toi, tu es un peu eux, cet humain en vis-à-vis, elle est donc un peu toi, mais toi alors aussi tu es un peu elle.
Et tu lui donnes à cet humain, un pouvoir, celui de nommer !
En eux Elohim leur donne une réalité qu’il ne donne pas aux animaux, il souffle dans leur narine une haleine de vie. (nismat hayyim) Les bêtes n’auront pas cette haleine comme l’écrit André Wénin : « il s’agit donc d’autre chose que de la simple respiration dont les animaux sont évidemment dotés », sinon ils ne vivraient pas.
Et c’est bien le Seigneur Elohim qui le communique ce plus. L’auteur remarque qu’il faudrait sans doute penser à ce que depuis le début du récit Elohim fait de son souffle.
A savoir : parler.
Ce qui confère à l’être humain une place particulière dans le récit, c’est que donc, grâce au souffle reçu, il assume l’activité de l’Elohim qui distingue et nomme en exerçant sa maitrise par la parole.
Souvenez-vous : « Adonaï Elohim dit : qu’il y ait de la lumière, et il y eut de la lumière » La parole d’Adonaï Elohim est performative.
Adonaï Elohim va attendre de l’humain qu’il nomme lui aussi, et que lui aussi, l’humain exerce sa maitrise par la parole. Qu’est-ce que nommer en effet sinon reconnaître chacun dans sa différence et faire place à ce qui le singularise. Je vais nommer trois femmes afin d’introduire le débat que Christiane proposera tout à l’heure.
Sarah, tu es la première que je nomme, la première de ces femmes dans la famille abrahamique pour lesquelles le narrateur nous confie ta souffrance. Tu n’as pas d’enfant, et tu ne peux en avoir.
En Gn 11,30 en effet, le narrateur nous dit cela mais d’une étrange façon « Et elle fut Saraï stérile, point pour elle d’enfant ». Pourquoi insister sur cette impossibilité à enfanter avec ce qui apparait comme une redondance dans cette phrase ? Pourquoi ce temps verbal du passé simple ? J’apporte là ma thèse, tu ne fus pas toujours stérile, Saraï, sauf pour le lecteur, qui te connais toujours déjà stérile ; dans le livre, dans le texte, on ne dit rien de l’avant, le lecteur ne te connait que toujours déjà, stérile.
Mais le passé simple nous indique qu’il est un temps, un temps divin où tu ne le fus pas, c’est pour moi l’hypothèse que propose ce passé simple.
Car il y aura un autre temps quand Dieu t’annoncera à toi et à ton homme que l’an prochain tu auras enfanté, et que tu l’appelleras Itzerak, « il a ri », oui ce temps du passé simple veut nous dire qu’il y eu et qu’il y aura un autre temps, et que le temps de Dieu, ce temps n’est pas celui de l’instant, mais un temps qui ne compte pas les secondes ni les jours, peut être est-ce une forme du « temps monumental » de Ricoeur ?
Rachel, la seconde que je nomme, tu es la femme tant aimée de Jacob. Dans la Bible il est écrit de toi que « tu es belle de taille et belle de visage » alors que pour ta sœur, ta rivale, le narrateur nous parle d’une femme aux yeux doux, mais certains ont traduit « aux yeux mous ».
Toi aussi tu fus stérile. En ces temps bibliques, la raison de vivre et le statut social de l’épouse pouvaient se résumer à donner la vie, la stérilité est associée à la mort. Mais Dieu ne le voudra pas ainsi.
La jalousie des naissances de ta sœur et ta détresse te feront mal. Ainsi Le narrateur écrit : « Et elle a dit Rachel vers Jacob donne pour moi des fils et s’il n’y en a pas moi je mourrai »
Toi aussi tu arpenteras le temps des hommes oubliant que Dieu veillait sur toi. Toi aussi tu attendras l’enfant tant désiré, qui manque tant à ton mari aimant, Jacob.
Il naitra cet enfant-là, Joseph, l’enfant que ses frères jaloux ont vendu à des marchands il grandira et il sauvera l’Egypte de la famine.
Tu diras en le voyant « Dieu a effacé ma honte ». Mais tu redemanderas un enfant (en Gn 30,23) « Dieu veuille me donner un second fils » tant les naissances des enfants de ta sœur Léa bien plus nombreuses que toi te faisaient mal.
Et le narrateur va te donner une fin bien ironique et tragique à ta vie puisque tu mourras en donnant naissance à un second fils, ce que tu associais à la vie, Rachel, provoquera ta mort.
Hagar, je t’ai choisi pour la troisième, pauvre servante égyptienne, ton maitre le pharaon t’a donnée à Abraham, pourquoi ? Pour le dédommager, car il a couché avec sa femme Saraï, croyant qu’elle était sœur d’Abraham comme celui-ci le dit ! Mais pourquoi avoir dit que Saraï était sa sœur ? Parce qu’il avait peur, lui le futur patriarche d’Israël. Les hommes du Pharaon l’ont enlevée en laissant libre Abraham, et le Pharaon l’a prise pour femme dans son harem.
Et tu as rejoint la maison d’Abraham car devant le courroux de Dieu Abraham et sa femme furent libérés. Et toi tu devins la servante de cette maitresse étrange qui ne donnait pas d’enfant à son homme. Alors sans même qu’on te demande ton avis ta maitresse eut l’idée, ainsi que le prévoyait les vieux codes mésopotamiens et Syriens, celui d’Hammourabi, qu’en cas de stérilité une autre femme pouvait s’allonger dans le lit de l’époux et que l’enfant serait celui de l’épouse.
Tu l’as fait tu l’as accepté, tu t’es allongée dans le lit de l’époux et tu devins enceinte. Alors tu n’as pu t’empêcher de te moquer de ta maîtresse, tu te sentais supérieure à elle, celle-ci s’est plainte à Abraham qui la laissa faire. Devant son courroux tu t’es échappée dans le désert, mais là, oh surprise, un ange t’a parlé, toi l’égyptienne et t’a demandé de retourner auprès de ta maitresse.
L’enfant est né et grandit, il s’appelait selon la volonté divine Ichmaël (c’est-à-dire l’éternel t’a entendue dans ton affliction) et Abraham l’aimait.
Puis un jour par la parole divine Itzerak naquit, et Saraï ne voulut pas que ton enfant dispute son héritage à Itzerak son enfant. Alors elle t’a chassé, avec ton fils et Abraham peiné l’a accepté.
Et là dans le désert tu as encore rencontré le messager de Dieu venu pour vous sauver toi et l’enfant. Et celui-ci devint un homme, tu lui as donné, toi sa mère, une femme d’Egypte il eut avec elle 12 enfants.
Hagar, avant Moïse dans le désert, toi aussi tu as rencontré Dieu, et, véritable littérature contre exodique, ton histoire où une femme hébreu oppresse une égyptienne est un signe d’un vouloir divin qu’a imaginé le narrateur.
Dieu accompagne hommes et femmes dans la littérature biblique. Elles, Ils, sont humains, tellement humains, ils sont l’humain, et sont face à Dieu. Masculin et féminin se croisent, s’aiment, parfois se combattent dans la littérature biblique, car la bible est littérature, et comme toute littérature, objet d’études, de recherches, elle est aussi témoignage d’une rencontre avec l’humain et son Dieu.
On a fait de celui-ci parfois un vieillard barbu tenant un compas en main en train de dessiner les plans du monde, et si ce vieillard n’était qu’un faux semblant et qu’il soit une femme ? Des auteurs le pensent, l’imaginent, des films aussi, Christiane va nous en parler tout à l’heure.
Mais plutôt que de dire un dieu féminin, je préfère imaginer un Dieu pensé, aimé et écrit par les hommes comme par les femmes.
Amen.