Luc 21, 25-36 : "cherchez l'erreur"
NARBONNE
Dimanche 28 novembre 2021
Prédicatrice : Joëlle Alméras
1er dimanche de l’Avent
LUC 21, 25 – 36
Cherchez l’erreur»
Introduction : Cherchez l’erreur ! Le texte de Luc proposé à notre méditation dans le lectionnaire œcuménique nous explose en pleine figure avec sa description apocalyptique d’un monde qui serait condamné à l’auto ou exo-destruction. Et il fait les choux gras des gourous en tout genre qui l’utilisent pour parquer dans la peur du devenir leurs adeptes crédules. Eh ! Oh ! C’est un texte de l'Évangile ! un texte qui dit, forcément, la Bonne Nouvelle du royaume ! C’est avec cette Bonne Nouvelle ancrée au cœur que je vous propose d’examiner d’abord ce qu’est un texte apocalyptique, puis de rentrer dans le contexte et le déroulement du texte et enfin une fois l’erreur trouvée, nous pourrons savourer dans la reconnaissance d’un cœur paisible cette annonce déroutante et vivre sans crainte notre vie d’enfant de Dieu.
1) : l’apocalyptique au temps de Jésus : Des textes dits « apocalyptiques » apparaissent environ vers 150 avant notre ère dans le monde juif confronté à des évènements inquiétants. L’Apocalyptique est « une littérature qui prétend apporter une révélation, une connaissance secrète du passé, du présent et du futur, sous l’inspiration de Dieu et qui aboutit fatalement à une annonce précise de la Fin[1] » avec un grand « F ». Elle prolifère dans des mondes et des époques troublés, où vivre est toujours un combat pour la survie, où la violence, les catastrophes naturelles ou humaines sont le lot quasi quotidien à une grande échelle. Ainsi, elle donne aux humains qui la prennent au premier degré une perspective ouverte sur la fin, la plupart du temps imminente, de leurs propres difficultés. Évidemment, il y a alors les élus sauvés, eux, et les « pas élus », les autres, qui finiront dans d’atroces tourments mortels, pire même, éternels !
Nous pouvons imaginer leur état d’esprit en regardant vers des mouvements qui annoncent, à intervalle régulier, la fin du monde, fin toujours remise à plus tard. Les livres de Daniel et celui de l’Apocalypse de Jean sont leurs livres de chevet et surtout font les choux gras de leurs dirigeants qui remplissent ainsi les caisses, la leur ou celle d’un groupe, d’argent sonnant et trébuchant ou de pouvoir illimité sur leurs semblables. Ils s’autoproclament seul et unique récepteur de l’Esprit de Dieu qui leur souffle à l’oreille le sens de mots et d’évènements décrits dans les textes à coup d’allégations sorties de leur contexte ou d’affirmations divinatoires abracadabrantes. Souvenez-vous de décembre 2012, des prédictions Maya et de Bugarach tout près de chez nous…
Ah ! les humains ! ils ont beau être une espérance de Dieu, ils doivent par moment faire aussi sa désespérance. Les textes apocalyptiques définissent-ils, au premier degré, dans un langage cabalistique réservé à un guide spirituel unique une date précise ? Jésus lui-même a déclaré : «Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges dans les cieux, ni le Fils, mais le Père seul [2]». Tout est dit !
2 ) les paroles de Jésus : un encouragement à rester debout en Lui : Alors, que faire de ce texte noir qui nous questionne, si, comme avec les paroles de Jésus, on ne peut en déduire la date de la fin du monde ? Remettons-le dans son contexte.
Luc est un chrétien de deuxième génération. Il n’a pas connu Jésus. Il serait un disciple de Paul et avec le livre des Actes, il ne fait aucun doute qu’il soit un rédacteur de talent, soucieux d’exactitude et de précision, tant dans les mots que dans les évènements qu’il décrit. Il veut « ouvrir l'Évangile à tous[3] » et il est « l’écrivain de la miséricorde de Dieu[4]».
Et déjà, nous comprenons que les paroles que nous examinons n’ont pas trouvé leur accomplissement dans la « génération » précédent celle de Luc qui rédige son Évangile vers l’an 80/90 de notre ère. Nous savons, évidemment, nous qui vivons en 2021, que la « génération qui ne passera pas sans voir la fin » n’est pas celle de Jésus, de Simon bar Glora, essénien, d’Hilaire de Poitiers, évêque catholique, de Hans Hutt, protestant, de Christophe Colomb, navigateur catholique, de William Miller, qui créa le mouvement des Adventistes du 7ème jour, du collège dirigeant des Témoins de Jéhovah et autres annonciateurs de fin du monde.
J’ai compté au moins, à travers les époques, 139 annonces, toutes avortées, de l’extermination de l'humanité[5]. C’est pourquoi Antoine Nouis, dans son commentaire de notre texte, écrit, je le cite : « si Jésus parle de la prise de Jérusalem en 70 (…), cet évènement correspond à un jugement de l'histoire, mais il ne s’est pas accompagné de la venue du Fils de l'homme sur une nuée comme cela est annoncé au verset 27. Je suis alors conduit à une autre lecture (…) chaque génération doit se considérer comme étant contemporaine des évènements de la fin. Chaque génération doit ne pas craindre devant le déferlement du mal et relever la tête. Chaque génération doit savoir que la fin de l'histoire se trouve en Christ. Le jour où je suis menacé par l’assoupissement et l’habitude dans ma vie – la dégradation de l’étonnement – je dois me souvenir que ma génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive (…) de même que la génération de mes enfants et celle des enfants de mes enfants »[6].(fin de citation).
3) aujourd'hui : espoir et espérance : Alors, quand je dis « cherchez l’erreur », c’est tout simplement pour pointer du doigt une habitude néfaste qui imbibe notre humanité : voir d’abord le pire et gommer le meilleur. Car, notre texte, s’il parle d’un temps perturbé, parcouru de catastrophes, de calamités, de tribulations, n’en reste pas moins, chez Luc, un socle fortifiant qui encourage à rester debout en Christ, un sas qui nous fait passer d’une lecture terrifiante à une prise de conscience réparatrice et tonifiante qu’en Christ il est possible de résister au malheur et aux difficultés les plus sombres. Regardons le texte et ne faisons pas l’impasse sur le meilleur : la venue du Fils de l'homme. Ne l’attendons-nous pas ? Redressés, la tête levée, nous regardons vers la délivrance. Il est donc possible de ne pas se laisser accabler par ce que nous vivons. Dans sa prédication du 7 novembre dernier intitulée « Résister ? A quoi ? Quand ? Jusqu’où ? les lumières de la Bible », le pasteur Bruno Gaudelet répertorie celles et ceux qui ont vécu un temps apocalyptique pour eux et qui en ont, tout en vivant le pire, extrait le meilleur : ils sont devenus des résistants face à l’adversité, solidement implantés dans l’amour de Dieu. Ils ont résisté, pas forcément de la même façon, chacune, chacun, selon ce qu’ils étaient ; par exemple, après la révocation de l’Edit de Nantes, en France, certains ont fui vers des lieux de refuge à l’étranger, d’autres sont restés au risque de leur vie. Pour toutes et tous, le pire, c’était la persécution, le meilleur leur foi inébranlable dans les promesses reçues qui éclairaient d’une couleur singulière chaque évènement de leur vie, la couleur lumineuse de l’amour de Dieu.
Dieu n’est-il pas lumière et nous, ne sommes nous pas la lumière du monde ? Du coup, éclairée de cette lumière transcendante, je n’ai aucun doute : toutes les peaux de bananes qui parsèment le chemin de ma vie, toutes les embûches, les tribulations et tout et tout, puisque je les vis dans la lumière de l’amour divin, ne me feront pas glisser hors des clous de l’abondante grâce dont je suis la bénéficiaire. Comme Luther qui envisageait de continuer une vie ordinaire, en l’occurrence, de planter un arbre dans son jardin même si on lui annonce la fin du monde pour le lendemain, nous ne nous tomberons pas dans le piège de la peur, du repli sur soi. Mais habités par l’assurance de l’amour de Dieu, les catastrophes, la violence, l’habitude à ces évènements qui nous tombent sur le paletot ou sur celui de nos contemporains, nous trouveront debout, guetteurs et veilleurs, bien campés sur nos deux jambes et sur notre cœur de chair attentifs et prêts à aimer, fut-ce jusqu’à la mort.
4 ) Conclusion :
oui, il y a bien une erreur, mais elle germe dans les tréfonds de notre cœur… qui voudrait bien une date. Ce serait si confortable de savoir. On pourrait se préparer comme on fait ses valises pour partir en voyage programmé ! Le texte de Luc pointe l’erreur du bout de ses mots : l’adversité ne te manquera pas, tu devras résister pour rester éveillé, mais, ici, aujourd'hui, maintenant, que ton regard soit fixé sur le Christ ! Avec ce regard là, écoute la parabole du train.
« Un sage avait l’habitude de dire à ses disciples qu’on pouvait tirer un enseignement spirituel de tous les évènements de la vie. Un disciple lui a demandé quel enseignement on pouvait tirer d’un train. Le sage a répondu : il t’enseigne qu’il faut faire les choses en leur temps car pour une seule petite minute de retard, tu peux rater ton train et gâcher ton voyage sur cette terre[1] ». Pour ma part, j’ai une montre extra, qu’à côté, les montres suisses, c’est de la gnognotte ! [montrer la Bible]. Elle ne me donne pas de date mais elle me donne l’heure, je veux dire qu’elle est le moyen incontournable d’être à l’heure du Seigneur pour bénéficier du grand voyage vers le pays de la foi, de l’espérance et de l’amour. Et toi, la tienne, elle marche bien ? Amen.
[1] Antoine Nouis l’aujourd'hui de l’Évangile p.452
[1] Antoine Nouis l’aujourd'hui de l’Évangile p.452
[2] Matthieu 24, 36
[3] « Les évangiles textes et commentaires » par Tassin, Hervieux, Cousin et Marchadour p. 540
[4] idem
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_pr%C3%A9dictions_de_la_fin_du_monde
[6] Antoine Nouis Le Nouveau Testament commentaire intégral verset par verset p. 552
[7] Antoine Nouis l’aujourd'hui de l’Évangile p.452