prédication 25 décembre 2021 : Jean 1, 1-18
samedi 25 décembre 2021
pasteur Philippe Perrenoud
Jean 1, 1 à 18
Voici à nouveau ce si beau passage du début de l’Évangile de Jean : il ne ns parle pas des Mages et des bergers, mais exprime de façon si belle, riche, vaste, profonde, notre réalité, et plus particulièrement notre réalité de foi, à la suite de cette Parole venue dans le monde... Ce passage, si bien structuré, nous dit combien la foi nous éclaire ; ou, comme nous l'évoquions il y a 4 jours en partage biblique, elle permet de voir nos vies avec un regard de confiance, un regard positif, de reconnaissance...
Ce n'est pas fréquent dans notre Monde ; et dans notre société, nous l'évoquions : de par notre histoire, entre autre ; et renforcé par notre actualité... tant réalités auxquelles nous pensons, que nous n'oublions pas... Notre foi, y compris à Noël, n'est pas béate, « au pays des bisounours »... Il est bien question d'obscurité, dans le passage de ce jour ; et nous n'en connaissons que trop : incertitudes sanitaires, etc avec leur lot de solitude, et autres difficultés oubliées... tant de conflits et catastrophes oubliés, aussi... Afghanistan, Liban, Haïti, Congo, Madagascar ? et autres défis dont nous ne voyons pas le bout... sans oublier nos égoïsmes, oublis, etc... Noël, sa Paix, sa sérénité, semblent loin de tout cela... Que peut/que fait « Dieu » devant tout cela ? Pourquoi n’envoie-t-il pas des légions d'anges du ciel (selon une citation célèbre...) ?
Il en est d'ailleurs ainsi à Noël déjà... Pensons à tous ceux qui n’avaient pas été touchés par la lumière de la nuit de Noël ? Même à l'époque de Jésus …
Pour eux, pour quasiment tout le monde, le matin qui suivit la naissance de Jésus fut comme les autres... Peut-être apprirent-ils que cette femme qu’on avait vu avec un Monsieur à la recherche d’un toit, avait accouché devant la nuit. Mais peu nombreux, très peu nombreux sans doute auront fait un détour pour aller voir. Et pour voir quoi ? La plupart auront pensé qu'il y avait plus important que de s’arrêter à cela. Il y a bien d’autres choses à faire en ce monde… La vie quotidienne, nos soucis, et ceux du monde nous occupent suffisamment comme ça !
Pour Marie et Joseph non plus, la naissance de Jésus n’a apparemment guère changé leur condition de vie. Après le départ des bergers, ils se sont retrouvés dans la même situation précaire... et plus précaire encore avec la fuite en Égypte : à nouveau/déjà une histoire de réfugiés...
Quant aux bergers, leur visite ne les empêcha pas, et c’est normal, de s’occuper au matin de leurs troupeaux.
Rien de changé donc, extérieurement, ni pour les uns ni pour les autres...
Et pourtant… tout avait changé...
Joseph et Marie n’étaient plus les victimes des tracasseries du totalitarisme de l’époque. Ils étaient les acteurs de la plus extraordinaire histoire de ce monde. Les bergers n’étaient plus seulement ces marginaux traités si souvent de voleurs, entre autres ; mais ils étaient les premiers à avoir pu contempler, adorer et annoncer le Sauveur du monde. Quand aux Mages, nous savons qu'ils changèrent même de route pour ne pas être les collabo involontaires d'un tyran manipulateur...
La lumière de Noël a transformé ces manières de voir le monde et les autres, le bonheur et le malheur.
Dieu est venu ; et cela change totalement nos manières de voir les choses, de penser, de considérer les situations et d’orienter nos existences.
La lumière de Noël change tout. Ainsi, par exemple : si, nous ayant bandés les yeux, on nous laissait au milieu de la nuit dans un endroit sans lumière, il nous serait bien difficile de nous faire une idée de notre situation. Nous pourrions être inquiétés par des masses d’ombres redoutables, et tomber dans des pièges insoupçonnés.
Mais dès que la lumière est faite, et que nos yeux sont dégagés, alors les choses reprennent leur vraie dimension : les ombres menaçantes deviennent beaucoup moins inquiétantes ; et les pièges peuvent être évités.
Et n’en est-il pas un peu/beaucoup de même pour la lumière de Noël ? La Parole de Dieu éclaire tout homme, pour retrouver ceux qui se perdent, rassurer les angoissés, dénoncer les dangers de l’égoïsme et de l’insouciance. Cette lumière de Noël permet de ne plus craindre les puissances de ce monde. Elle nous permet de ne plus avoir peur de l’autre : de le considérer comme quelqu’un qui est également un enfant de Dieu, nous dit de façon centrale le texte que nous avons lu…
La peur de l’autre ou le repli, responsable de tant de maux sur cette terre, sont repoussés un peu plus loin. Oui, si nous recevons la lumière de Noël, il y a plus important et plus primordial : nous découvrons que, depuis que notre Seigneur nous a proclamé sa bienveillance, nous n’avons plus à être dominés par tant de peurs.
Il est vrai que la puissance de Dieu ne s’impose pas à la manière des puissances de ce monde : elle demande à être reconnue, nous dit notre passage du jour : simplement, ni plus ni moins… et ce n’est pas rien… elle est toujours là ; elle, par qui le monde fut, nous dit-il encore. Elle est création, et non domination !… Elle est venue, et vit toujours : dans une situation donnée.
Celle de la naissance de Jésus était déjà assombrie par les exigences accablantes des pouvoirs de l’époque, par le probable égoïsme ordinaire de l’aubergiste et des habitants, etc.
Et justement : ne les a-t-elle pas dépassés ? Du même coup, la lumière de Noël ne vient pas remplacer une domination par une autre ; elle nous éclaire pour révéler les pièges de tout égocentrisme, de tout refus ou oubli de considérer l’autre comme un frère/une sœur, et de considérer le monde toujours habité par une Parole créatrice…
A partir de là, elle révèle des perspectives toujours nouvelles et des beautés méconnues pour ceux qui tâtonnent dans les ténèbres ; dans toutes sortes de ténèbres. Les beautés de l’humilité (incarnées dans la crèche), les beautés du partage, du pardon, de la bienveillance : « bienveillance envers les hommes… » En un mot, toutes ces beautés données et voulues de Dieu, qui font vraiment vivre…
Cette lumière est indispensable à notre vie, à toute vie, nous dit notre passage. Elle est justement la 1ère chose créée par Dieu. Une création qui continue, malgré tout : en elle il y a la vie. La lumière brille dans la nuit et la nuit ne l’a pas arrêtée. Lorsque les ténèbres de nos errances, de nos épreuves, de nos regards ou de l’actualité nous enveloppent, nous ne pouvons l’imputer à Dieu ; encore moins dire que c’est Dieu qui nous l’envoie. Au contraire ! C’est en Lui qui est venu dans la nuit, comme à Bethléem, que nous pouvons trouver la lumière en révélant d’autres valeurs et d’autres réalités…
Cela ne va, bien sûr, pas sans difficultés, et efforts… Mais des efforts qui peuvent être menés parce qu’éclairés par l’espérance : à la fois sans illusion et sans défaitisme !
La lumière n’est pas seulement quelque chose qui permet d’accepter les difficultés, de supporter notre condition et notre prochain, d’être paisible malgré tout. La lumière est une puissance de vie, elle suscite la vie, permet d’avancer car nous savons ds quel sens avancer… pour tous, et pour les chrétiens de façon particulière, spéciale, encore plus belle : dans le sens de l’Amour, de la paix ; bref de la vie…
Ici aussi, non seulement en général, mais plus spécialement encore pour les chrétiens : au travers même de la mort… au-delà de la mort elle-même ; car toute la venue du Fils est tournée vers la croix et le tombeau vide. Sa naissance est pour nous dire une vraie vie qui est venue à nous, que la croix et le tombeau ouvert ne sont pas des apparences, ou l’œuvre d’une apparence, mais d’une vraie humanité, pour une vraie humanité, ici-bas et au-delà, hier, aujourd'hui, toujours…
Amen