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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Le partage multiplie... Luc 9, 10 - 17

23 Juin 2022, 10:57am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Narbonne 19/6/22 2022

Luc 9, 10 à 17

Pasteur Philippe Perrenoud

le partage multiplie...

 

Voilà un passage célèbre

Il se situe juste après le retour des disciples que Jésus avait envoyé en mission, et juste après une question d’Hérode à son sujet, sur son identité : Jésus serait-il le retour de Jean-Baptiste qu’il vient d’exécuter ?... ou d’Élie ? Bref un signe avant coureur de la fin des temps ?... Voilà qui inquiète donc Hérode… sur le registre de la superstition...

Hérode demande donc à voir Jésus. Celui-ci va se laisser voir, bien mieux qu'avec une convocation auprès du pouvoir local : par un signe de sa Présence, à tous, pour tous...

A ces 2 moments (retour de mission et Hérode), Jésus donne ainsi une suite, une réponse : en acte ! et quel acte :

- comme pour nous dire que la mission est en parole et en actes ; et pourquoi il est venu.

- et à Hérode, qui limite la religion à ce qui concerne ses propres intérêts (personnels et/ou politiques), Jésus montre pour quoi il est venu…

Comment ?

Il le montre avec ce passage que l’on appelle souvent « multiplication des pains ». Pourquoi pas, mais voyons ce qu’il en est… Ce sont peut-être d’autres choses qui sont multipliées… De quoi et de qui s’agit-il ?

 

Reprenons alors, les différents acteurs de cette grande scène.

Nous avons cette foule, et des disciples inquiets… Seul Jésus ne semble pas s’inquiéter... Pourquoi ? Peut-être parce qu’il est le Christ... pour nous dire une présence, une nourriture au-delà de nous…

Au retour de leur 1er envoi en mission, les 12 disciples retrouvent Jésus. Une foule le suit ; Jésus enseigne ; et, sans se lasser, il accueille. Nous le savons pourtant, quand on veut accueillir/aider, à plus ou moins longue (ou brève...) échéance, vient le découragement. Là n'est peut-être pas le but principal de ce texte, mais force est de constater que Jésus ne se lasse pas d’accueillir.

Il transforme aussi la faiblesse des disciples. Il utilise leurs mains pour partager son Amour. Il nourrit le corps et le cœur de la foule.

La foule qui est venu écouter Jésus attend encore, dans ce lieu désert. Elle se trouve dans le besoin. Ici, on nous parle bien de foule, donc d'une multitude ; pas d'une catégorie particulière, mais de la diversité que cela implique ; et un peu perdue, sans sens ; ce qui veut non seulement dire que chacun est invité, mais aussi que chacun (donc y compris nous-mêmes) avons besoin. Nous pouvons être de ces gens qui peuvent attendre : un peu de nourriture... que nous sommes aussi de cette multitude, un peu perdue, dans un monde qui ne sait d'ailleurs pas toujours lui-même où il va...

Elle attend aussi un guérisseur ; elle suivait Jésus aussi pour cela... Que fait-il ? Devant l'incertitude qu'il a laissé s'installer, il dit aux Apôtre donnez-leur à manger vous-mêmes... ça alors ! Ça servait bien à quelque chose qu'ils le suivent pour s'entendre dire de se débrouiller eux-mêmes... Alors ? Il ne donne pas tout tout de suite, tout cuit du ciel. Il nous amène à chercher... Les choses ne s'imposent pas d'elles-mêmes... les meilleures choses en tout cas, souvent... En cherchant, et apportant chacun nos participations, il peut en ressortir tant...

Tous reçoivent. Peut-être pas ce qu'ils voulaient, souhaitaient au départ ; mais ce dont ils avaient besoin...

Jésus ne renvoie donc pas tout ce monde. Il demande de faire asseoir les gens par groupes : avec ce chiffre qui peut paraître un peu obscur de cinquante. Elle fait penser à l'organisation d'Israël au désert, puis d'autres règles communautaires, en vue d'une organisation idéale, avant le « banquet final ». Bref d'un peuple en marche dans le désert, qui doit aussi vivre cela dans la durée... en vivant cela en groupe : non pas comme des bénéficiaires isolés, mais communautairement, dans l’échange.

La faim, le dénuement, qui font ressentir au plus profond de nous le manque, sont l’occasion de s’en souvenir : de le vivre non seulement comme de belles paroles, mais dans notre « chair » : dans tout notre être, dans notre condition même !...

La suite du récit fait alors directement allusion à l'institution de la Sainte-Cène : avec les même mots que pour le dernier repas, Jésus donne à manger ;

il donne un signe de sa présence ;

il donne la force de continuer de vivre dans ce monde, dans la durée…

Ainsi, devant l'inquiétude des disciples, et après avoir rassemblés les gens, Jésus prend le peu de chose dont il dispose, qu’on lui a apporté : 5 pains et 2 poissons ; et il procède au partage. Luc décrit la scène sans faire de commentaire. Il ne parle même pas d'un étonnement des disciples. Il nous laisse nous étonner nous-même… Ils mangèrent et furent tous rassasiés ; et on emporta ce qui leur restait de morceaux : 12 paniers.

12 comme toutes les tribus : de nouveau la multitude. Le Christ est là pour tous, quelques que soient nos tribus, ou nos jugements : tous ceux qui sont venus, même dans cet endroit désert, reçoivent…

Tout comme au début nous avions aussi la mention des 12 : comme les Apôtres, également : c'est-à-dire qu'à la suite du Christ, nous avons tous quelque chose à ramener et à transmettre…

Ainsi, cette invitation à tous n'est pas une générosité divine sans conséquences pour nous, puisqu'il nous donne d'y participer... Il a aussi besoin que nous remettions entre ses mains ce que nous avons ; même si ce ne sont que 5 pains et 2 poissons. Avec nos gestes de partages, il peut faire des merveilles ; mais il a aussi besoin de nous. Et si nous acceptons de remplir notre part, il leur donnera une efficacité insoupçonnée... Bien plus encore : cela se prolonge... Il y a encore des paniers : ça ne s'arrête pas ainsi ; il y a comme un prolongement... le partage peut continuer, aller au-delà...

 

A bien des niveaux, quand on partage, il y a plus que l'addition de ce que les uns donnent, de ce que les autres reçoivent... Dans le partage, il y a plus ; il y a quelque chose d’un peu mystérieux ; de vraiment magique ; pour de vrai... et non dans la superstition, comme Hérode ; et non dans la peur, comme Hérode aussi...

Même si le but 1er du texte n’est pas une simple démonstration sur les bienfaits du partage, cette idée en est la conséquence : elle en est la suite logique : comme dans le repas auquel nous convie le Christ, il y a ce partage, qui peut produire tellement plus que ce qu'on peut croire à priori...

 

Nous sommes parfois tentés de ne pas croire à l'utilité de tels ou tels gestes, même modestes, qui peuvent sembler minimes : les besoins sont si grands, la foule est si nombreuse, les conditions souvent si difficiles, nos moyens dérisoires. En fait, la foi est au-delà d’une logique quantitative, et d’« efficacité » (selon nos critères) ; il y a une puissance de l'Amour (de Dieu et alors les uns des autres et pour les autres).

Si nous voulons bien nous mettre au service de cet Amour, il nous conduira plus loin que ce que nous pouvons mesurer et compter. Il nous dit, à nous aussi donnez vous-mêmes. Il veut, à travers nos signes, mettre dans ce monde un dynamisme du partage, qui déborde nos calculs humains. Cela fait partie du cœur de la mission à laquelle il nous invite, modestement, mais sans attendre (et cela fera peur à tant d'Hérode, y compris à l'Hérode qui peut sommeiller en nous, ou autour de nous...) N'ayons pas peur, donc...

 

Amen

 

 

 

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