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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Dimanche 23 avril 2023 Luc 24, 13-35

23 Avril 2023, 14:33pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Narbonne 23.4.23

Luc 24, 13–35

Pasteur Philippe Perrenoud

 

626 J'ai soif de ta présence

151 Je louerai l'Eternel

781 : Le Christ est ressuscité

 

Ce passage d'Emmaüs, qui nous est proposé dans les textes du jour pour ce dimanche, se déroule pourtant le même jour que Pâques. Il nous en offre ainsi une belle prolongation... Ce cheminement pourrait en effet être tous les jours, celui de tous les jours. Pâques pourrait/peut alors être tous les jours...

La journée de ce récit d'Emmaüs nous est pourtant présentée comme un moment de grande désolation... La découverte du tombeau vide et l'apparition d'anges n'ont pas suffit, tout d'abord et de loin, à y changer quelque chose... Il nous faut aussi prendre la mesure de ce temps, de ce silence dans ce parcours de foi... Ce silence bien réel ? Apparent ? Les 2 (bien réel, mais finalement une apparence) ?

Car nous qui lisons ce passage, nous savons que Jésus est là, à côté de ces 2 voyageurs. Mais il reste inconnu, incognito, puisque leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Et pour nous aujourd'hui ? Nous avons parfois nos moments de désolations... qui semblent longs, peut-être sans fin... Sont-ils sans perspectives pour autant ? Nous savons, croyons, que nous pouvons recevoir dans la foi des pistes de vies qui nous dépassent ; nous ne pouvons pas encore, pas toujours voir. Mais elles nous sont déjà données ; particulièrement par une Présence qui nous accompagne. L'espérance, nous en parlions avec quelqu'un cette semaine, consiste justement à croire en quelque chose que nous n'avons pas encore...

En Jésus-Christ, c'est plus que « quelque chose » ; c'est quelqu'un... déjà venu, même s'il faut encore le recevoir et que sa vie soit pour chacun/e, avec nos cheminements ; avec, à nouveau, nos différences, ces différences qui sont essentielles dans notre Église ; l’Église en général, et la nôtre plus particulièrement...

 

Ce Jésus : peut-être a-t-on parfois l'impression de le connaître, car nous en avons entendu parler ; nous en parlons toujours. Nous avons nos différentes perceptions sur lui, les uns et les autres. Nous pensons savoir à peu près qui il est. Nous avons une petite idée là-dessus ; voire même des idées bien arrêtées... Mais qu'en est-il pour le re-connaître ? Les disciples d'Emmaüs, eux devait bien le connaître, puisqu'ils nous racontent si fidèlement ce qui s'est passé... C'est bien. Et pourtant, justement : cela ne suffit pas, puisque leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Alors sans doute ce récit nous dit-il que connaître l'histoire de Jésus, c'est bien ; mais que ce n'est sûrement pas suffisant... L'essentiel n'est-il pas autre part ? Dans la manière de considérer cette histoire ? Sinon, évidemment, tous ceux qui l'ont approché ou en ont entendu parler par la suite, seraient tout de suite devenus chrétiens... Ce serait peut-être tellement plus simple ; mais tellement vide... Quelle différence cela apporterait-il dans nos vies ?

Il y a en effet toujours des choses qui nous semblent décevantes, ou même inacceptables... Bien des gens ne comprennent pas qu'elles puissent continuer s'il y a un Bon Dieu... Nous avons bien en tête non seulement, notre actualité, mais aussi tant d'autres exemples... personnels ou plus lointains. Et heureusement, d'ailleurs, que nous trouvons un certain nombre de choses inacceptables ; et qu'en même temps, nous croyons en un bon Dieu... (un Dieu bon...) Car c'est dans cet espace qu'il y aura une mise en mouvement possible, que des choses pourront évoluer, vivre ou revivre. Sans cet écart, les choses ne seraient-elles pas alors indéniablement figées, sans espoir aucun ?

C'est ce qui se passe avec les deux compagnons d'Emmaüs. Ils sont profondément déçus, voire désespérés, parce qu'ils ont mis toutes leurs attentes dans ce prophète, ou ce Messie. Leur découragement est grand, car Jésus ne semble pas avoir répondu à ce qu'ils attendaient de lui. Son ministère n'a pas fini comme ils l'auraient voulu. Ils le voient alors comme quelqu'un dont l'histoire finit mal ; comme tant d'autres dans ce monde cruel... Comme tant d'autres domaines, choses, réalités, etc. peuvent nous décevoir : le monde devrait être comme ceci ou comme cela ; et nous avons aussi besoin de repères, de buts, de souhaits...

Le récit d'Emmaüs fonctionne sur le contraste entre l'attente et qui est réellement Jésus. Ce qui empêche les 2 compagnons de le reconnaître, c'est la différence entre leurs propres représentations et la réalité de Jésus.

On peut alors, et on doit même se demander si, quand on a l'impression de ne pas savoir où est

Jésus,

ou le bon Dieu,

ou untel ou untel (autour de nous, souvent justement très près de nous, que l'on croit connaître... alors que...),

ou tel et tel sujet d'espérance, croire qu'il est absent : n'est-ce pas aussi parce que nous-mêmes sommes incapable de le voir, de le reconnaître ?...

 

Sommes-nous alors condamnés à toujours vivre dans cette méconnaissance, dans cet écart ? Heureusement non, puisque Dieu lui-même est venu nous rejoindre au plus profond de notre condition, à tous. Cet écart entre nos attentes, nos représentations, et le plan de Dieu tel qu'il est réellement est comblé par le Christ. C'est en sa personne que nous pouvons comprendre l'histoire de Dieu, celle qu'il veut, et qu'il nous livre dans les Écritures. Sa personne, c'est-à-dire ce Dieu véritablement fait homme et qui culmine par son élévation sur la croix.

Mais les compagnons d'Emmaüs ne peuvent l'envisager facilement. Leurs cœurs restent lents à croire ; parce qu'ils ne se sont pas laissés accompagner pour mesurer

  • d'une part : combien est grand l'écart entre nos représentations et ce qu'est véritablement le Dieu de Jésus-Christ crucifié ;
  • et d'autre part : que cet écart est franchi par une compréhension renouvelée des Écritures, à la lumière de ce Dieu qui donne son corps pour nous.

 

Ils le reconnaissent alors dans la célébration de ce signe du don qu'est la Cène : un moment où à la fois ils voient enfin ce Seigneur tel qu'il est ; et alors qu'il disparaît puisqu'il n'est jamais tel qu'on peut le voir avec nos yeux, notre regard à nous... Mais ils voient alors l'essentiel : que Jésus-Christ est là, sur nos chemins, marchant si souvent à nos côtés, lorsqu'on sait le percevoir.

Ce parcours des disciples d'Emmaüs peut donc bien être le nôtre. On s'y reconnaît souvent facilement parce que, que ce soit dans son début marqué par tant de questions et déceptions, ou dans son issue joyeuse vers les autres frères et sœurs, nous sommes appelés à vivre tous les jours sur ce chemin qui nous donne de dépasser les découragements. C'est ce chemin qui permet de reconnaître une présence si mystérieuse, qui ouvre à la foi : dans ce mouvement de l'écart comblé lorsque nous lisons notre existence et celle de Dieu à la lumière de la personne de Jésus-Christ. Il peut sembler que Jésus, et sa Parole, sont devenus quelque chose de lointain, voire mort... Il peut sembler parfois qu'il n'y a plus rien à espérer. Et en réalité, le Seigneur est depuis longtemps sur nos chemins.

L'histoire des disciples d'Emmaüs et de la Cène nous rappellent toute l'importance de cette simple Parole ; dans la détresse, l'abandon, l'inquiétude : mets-toi en route ;

non par résignation,

non pas parce qu'il n'y aurait plus rien à espérer, mais au contraire parce que l'espérance est sur nos chemins et qu'elle nous envoie vers nos frères et sœurs.

 

Depuis la croix et le tombeau vide, l'heure de l'exaucement est déjà commencée ; le passé qui le rend présent, ou même plutôt au présent, quotidien, nous ouvre vers un avenir différent, surprenant...

 

Amen.

 

 

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