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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Dieu nous prend tels que nous sommes - Prédication du dimanche 12 juin 2016 à Narbonne.

13 Juin 2016, 10:54am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

                                 

2 SAMUEL 12, 1 - 14

LUC 7, 36 – 8, 3

 

Introduction : « C’est moi qui l’ai fait ». Une bien connue depuis qu’une publicité pour un gâteau nous a fait sourire devant le petit écran. Nos deux textes auraient  pu mettre cette expression dans la bouche de leurs personnages. David, « c’est lui qui l’a fait » et cela ne le trouble pas. La femme aux longs cheveux elle aussi, « c’est elle qui l’a fait » et sa vie en est profondément perturbée. 

Chacun, chacune de nous n’est-il pas un « c’est moi qui l’ai fait » en réserve en son for intérieur ?

Un « c’est moi qui l’ai fait » béat et satisfait, bien tranquille dans une vie paisible, dans la conviction d’être un élu du Seigneur, un « juste », comme David, ou les pharisiens. Ils vivent, sans remontées acides, la digestion de leur vie aux normes de leur sereine « bonne conscience ».  

Ou alors, aux antipodes du précédent, un « c’est moi qui l’ai fait » tout en questionnements et en tsunamis d’auto-accusation ravageurs de notre être profond, à voir, là, étalés en boucle dans les médias, les évènements dramatiques que vivent nos contemporains. Un « c’est moi qui l’ai fait » qui ne peut s’empêcher de laisser une mauvaise conscience investir peu à peu sa pensée… « que puis-je faire ? » « comment agir ? » « est-ce que j’en fais assez ? » La femme aux longs cheveux, elle aussi, est torturée ; on peut imaginer les flots de pensées accusatrices qui l’animent : « qu’est-ce que j’ai fait ? » « Comment réparer ? » « Comment redresser la barre ? » et la liste devait être longue !

Dans l’une ou l’autre de ces situations, notre vie d’enfant de Dieu est un livre ouvert pour le Seigneur. Il peut venir et intervenir en nous, pour nous, de bien des façons, le plus souvent inédites pour redresser la barre. Il innove sans cesse… Nous verrons deux de ses trouvailles d’amour : d’abord Nathan le prophète, qui n’a pas sa langue dans sa poche mais qui la tourne sept fois dans sa bouche avant de parler… puis la femme, qui ne parle pas, mais dont les pleurs vont faire de belles vagues, de façon insolite… et enfin nous parlerons aussi de nous.

Et une certitude qui prend forme au fil des récits : le Seigneur aime ses enfants, même ceux qui font les pires bêtises….. et « ce sont bien eux qui les ont faites ! » Il insuffle en eux l’assurance de Son regard d’amour sur toute l’ampleur, la hauteur, la largeur, la profondeur, de ses manquements et de leurs conséquences pour lui et sur ses semblables.

 

1) Samuel : David a fait une énorme boulette, démultipliée par des circonstances qui vont encore l’aggraver : d’abord la soumission déroutante d’Urie à l’injonction des Ecritures de ne pas toucher sa femme pendant un épisode de guerre, et aussi la naissance annoncée d’un enfant adultérin. La totale quoi ! Un roi planqué pendant que ses soldats font la guerre, un adultère, un assassinat, un enfant illégitime à naître… il a beau être roi et avoir tous les droits, en tous cas c’est ce qu’il pense, le Seigneur ne l’entend pas de cette oreille et lui envoie le prophète Nathan. Un nom prédestiné ! Nathan : « Dieu a donné »…

Face à ces actes révoltants, exécrables, le Seigneur, comme a son habitude, intervient à sa façon. Cette fois-ci, pas de foudre vengeresse, pas de hurlements réprobateurs, pas de condamnation sans appel. Un prophète, qui, comme tous les prophètes dont nous lisons les interventions dans les Ecritures, aurait pu invectiver, fulminer, voire annoncer une mort violente… le Seigneur connait le cœur de David et le prophète, pour une fois, sera un conteur habile, calme et diplomate ; son histoire, bien ficelée, comme un miroir où David finira par voir et reconnaitre le reflet de ce qu’il est réellement.

David a pris l’honneur d’une femme, la vie d’un homme… Il a cependant gardé sa capacité d’indignation qui lui fera condamner sans appel l’homme riche qui s’est emparé de l’unique brebis qui était comme une fille pour l’homme pauvre.

« Par la vie du Seigneur, l’homme qui a fait cela mérite la mort ! ». La conscience de David, atrophiée pour un temps par des abus de pouvoirs anesthésiants, n’en est pas encore au stade de la mort clinique. Elle a survécu à tous les évènements qui ont fait d’un orgueil aveugle, l’opiniâtre et impassible socle de la vie de David. Il reconnait ses fautes, et accepte les dramatiques conséquences de ses actes. Le pardon est au bout de cette route encombrée de péché et de sang.

Notre texte n’aborde pas les détails terribles de la punition imposée à David. Souvenons-nous simplement que nous sommes encore dans un autre temps et aussi un autre monde, avec des mœurs et des coutumes que nous réprouvons aujourd'hui mais qui étaient la norme à cette époque. « Le pardon n’est pas une éponge qui efface la dette. Il ouvre à un autre avenir et pour cela contraint à regarder en face la faute commise et à tout faire pour la réparer [1]» dit un prédicateur. Nous connaissons ce que cette nouvelle chance offerte à David va induire : un héritier direct, exceptionnel, qui prendra sa place dans le royaume de Juda mais par-dessus tout, un autre héritier, bien plus lointain qui, pour nous, est pardon et vie : Jésus le Christ ! à l’ampleur, la hauteur, la largeur, la profondeur des manquements de David, le Seigneur a répondu présent en Jésus le Christ. Quel don magnifique !

 

2) Luc : dans l’épisode de Luc, nous côtoyons une femme qui, elle, contrairement à David, croule sous le poids de la culpabilité d’une vie dépravée, peut-être celle d’une prostituée sacrée. Pas besoin de lui mettre le nez sur la noirceur de ses actes. Elle en a une conscience aigue au point de passer outre à toutes les convenances pour manifester sa repentance.

Elle profite d’un repas organisé par un pharisien. Ce groupe religieux avait l’habitude de se retrouver autour de repas communautaires, particulièrement les veilles de sabbat. Repas festifs et abondamment fournis. Le pharisien a invité Jésus ; je ne crois pas qu’il voulait lui tendre un piège. Cela ressemble plutôt  à une main tendue à ce rabbi atypique. Pas de femmes, bien sûr, allongées autour de la table.

Et tout à coup, sortie de nulle part, cette femme, sans nom, se retrouve auprès de Jésus, derrière lui, à ses pieds, les mouillant de ses larmes et les essuyant avec ses longs cheveux. Et plus encore : elle les embrassait et répandait sur eux du parfum. L’onction des pieds n’était une pratique ordinaire. « A part les débauchés qui pouvaient s’y livrer, seule une épouse pouvait oindre les pieds de son mari ou une fille les pieds de son père [2]» nous dit le rédacteur de Lire et Dire. Elle semble savoir qui est Jésus même si ce sont les lecteurs du texte, comme nous, qui posons cette déduction. Contrairement au pharisien qui ne sait pas qui est Jésus. « si cet homme était prophète, il saurait… » Nous, lecteurs, nous savons que c’est un prophète et « un prophète d’un type nouveau qui n’a pas la même notion de l’impureté » que ses contemporains. Et ce prophète là va, comme Nathan, raconter une histoire qui, à la fin, conduit à une seule réponse possible. « C’est celui à qui il a fait grâce de la plus grosse somme ».

La femme partira pardonnée. Le pharisien, semoncé, en a peut-être gros sur le cœur, mais cela n’est pas dit et nous ne pouvons que conjecturer sur qu’il pense de la leçon de Jésus et espérer qu’elle lui aura été une ouverture de compassion et d’amour dans le mur de l’enclos fermé à double tour des traditions pharisiennes. Quant aux convives qui ont assisté à toute la scène, ils posent des questions qui mettent en lumière, ce qui est probablement la pointe du récit : savoir qui est vraiment Jésus : un conteur hors pair ? un guérisseur hors normes ? un enseignant peu ordinaire ? un prophète capable de lire dans les cœurs, ou plus grand encore, celui qui « va jusqu’à pardonner les péchés » ? là aussi, on peut espérer qu’ils donneront à ces questions les réponses induites par la parabole et aussi par la conduite miséricordieuse de Jésus envers la prostituée.

 

3) l’amour de Dieu pour nous     :

 

a) ces deux épisodes pourraient nous conduire sur bien des chemins de méditations : l’abus de pouvoir, comme David, quand on a l’autorité sur un pays, une entreprise une famille ou même une institution religieuse. Ou une vision superficielle des évènements comme le pharisien qui ne voit qu’un geste de prostituée, et pose aussitôt un jugement sur la femme et sur Jésus. Ou les convives qui posent des questions mais ne semblent pas vouloir entendre les réponses.

je vous laisse le soin de continuer sur ces chemins de réflexions et bien d’autres selon que l’Esprit peut dire à votre cœur.

 

b) Pour ma part, j’ai juste lu dans nos textes un amour immense offert à toutes celles et tous ceux qui font des faux pas, fussent-ce avec des conséquences dramatiquement irréversibles : à David l’orgueilleux, au pharisien imbu de son savoir et de sa position, aux convives qui lui ressemblent, et à la femme à la conduite honteuse. Comme il s’est manifesté pour eux, Le Seigneur vient à nous aujourd'hui, ici, à nos côtés, et nous prend tels que nous sommes dans l’ampleur, la hauteur, la largeur et la profondeur de nos fourvoiements et de nos écartèlements.  Il pose en nous ses actes d’amour avec tendresse et miséricorde comme un appel à l’accueillir et aussi, peut-être comme un exemple à suivre. Il nous aime, tout simplement.

Un amour que je contemple dans ses interventions pleines de délicatesse. Des paraboles, des histoires, des exhortations d’amour posé là, en moi, comme un antidote offert à tous mes silences, mes regrets, mes remords.  Tempêter, invectiver celle que je suis, accuser, « celle qui l’a fait »… parfois, ce n’est pas l’envie qui m’en manque ! Mais il m’arrive aussi, parfois, de « mettre un sac par-dessus » comme on dit, et de passer à autre chose. Mais le Seigneur a des stratagèmes bienveillants envers nous quand nous laissons sa Parole nous pénétrer. Par exemple, nos deux lectures d’aujourd'hui, portes ouvertes sur sa bienveillante mais ferme attention aux détails de nos vies. Il les reprend pour les utiliser à notre avantage. Que feriez-vous avec une assiette que vous venez de casser ? Vous attraperiez la balayette et la pelle et paf dans la poubelle ! Le Seigneur, lui, ferait peut-être avec les morceaux éparpillés une sculpture de prix un tableau, un bijou, ou que sais-je… car pour le coup, là, « c’est Lui qui le fait ! ». il improvise avec nous, même quand ça dérape, d’improbables et inédites inventions d’amour.

 

4) Conclusion : Concluons avec un extrait du magazine « Imagine » qui n’est hélas plus édité. Je cite : « Jésus est avant tout ce qui vient demeurer dans ce qu’il y a de faible en nous. Ce fils de charpentier fait naître et vivre en nous la résurrection, par l’acte même de demeurer.

Ressusciter, c’est demeurer. Non pas pour envahir mais pour établir une relation entre ce que je suis et ce que, sans cesse, je suis appelé à être. Cet appel, il en est la source. Source qui pour jaillir aujourd'hui s’appuie avec mon consentement au tréfonds de moi-même.

La force de Jésus c’est de prendre appui sur mes fragilités. Ainsi, il y a reconnaissance de notre faiblesse, mais pas condamnation. Le chemin de notre devenir est alors ouvert.

Le « tu aimeras ton prochain comme toi-même » prend ici tout son sens. Comment puis-je détester mes faiblesses, mes fragilités, mes manques de solidarité si Jésus lui-même vient s’asseoir là avec moi ?

Le Verbe s’est fait chair. Et Dieu l’a ressuscité. La mort n’a plus matière à être, puisque Jésus ressuscité vient mettre la bonne distance entre nos jugements et les siens. »[3] Amen.

 

Joëlle Alméras

 

[2] Lire et dire p.34

[3] Imagine « Dieu en Liberté les 6 visages de  Jésus » p. 11

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