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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Prédication au culte du dimanche 22 avril 2018 - Jean 10,11-18 Le bon berger

24 Avril 2018, 08:37am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Jean 10 : 11-18

 

La lecture de l’Évangile selon Jean nous a donné de réentendre les paroles fortes de Jésus aux juifs : « moi, je suis le bon berger ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis ».

Le chapitre 10 de Jean fait suite à la guérison de l’aveugle-né. Jésus se trouve à Jérusalem où il guérit un aveugle de naissance un jour de sabbat. Il a de plus contesté que la cécité de l’aveugle ait un lien immédiat avec son péché. Ce miracle irrite fortement les Pharisiens qui s’opposent de plus en plus à Jésus. Ils vont rejeter, excommunier de la synagogue l’aveugle guéri parce que cet aveugle ne veut pas condamner Jésus comme étant un pécheur, un homme possédé de l’esprit du mal: « Nous savons que cet homme est un pécheur! (Jean 9,24)., disaient les pharisiens de Jésus. Et l’aveugle réplique: Dieu n’exauce pas les pécheurs. Si un homme fait sa volonté, Dieu l’exauce. Si cet homme n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire (Jn 9,24,31.33).

La question qui est posée avec acuité est donc celle-ci : de qui Jésus tient-il sa mission: de Dieu ou du diable? Jésus va répondre par la parabole du bon berger : « Moi, je suis le berger, le bon ».

Jésus se décrit à l’aide d’une image de la vie quotidienne. Dans les villages de Palestine, chaque matin, le berger se rend à l’enclos. Son troupeau -et ceux des autres bergers- y ont passé la nuit, à l’abri des voleurs et des loups, car l’enclos est gardé par un portier. Pour voler une brebis, les voleurs devront donc escalader sans bruit la clôture.

Chaque berger, qui se présente à la porte, a un timbre de voix qui lui est propre, une façon bien à lui d’appeler ses bêtes. Les brebis qui vont sortir seront celles qui appartiennent au berger qui les appelle. Peut-être même le berger a-t-il donné un nom à chacune de ses bêtes.

Certains bergers sont propriétaires de leur troupeau; d’autres travaillent comme salariés. Dans le jour, le rôle du berger est de conduire le troupeau vers les lieux de pâturage où il pourra se nourrir.

Pourquoi Jésus choisit-il cette image du berger?

Dans la Bible, le titre de pasteur appartient d’abord à Dieu: Voici le Seigneur-Dieu: Tel un berger il fait paître son troupeau, de son bras il rassemble les agneaux, il les porte sur son sein, il conduit doucement les brebis mères (Esaïe 40,10 s).

Ceux qui -au nom de Dieu- transmettent l’enseignement divin au peuple reçoivent aussi le titre de berger. Ce sont les juges, les prêtres ou les prophètes, et surtout le roi-messie.

Dieu choisit David son serviteur, le prenant dans une bergerie. Il le fit venir de derrière ses brebis et Il en fit le berger de son peuple. Berger au cœur irréprochable, David les guida d’une main avisée (Ps 78,70-72).

Souvent, d’ailleurs, les prophètes vont fustiger les rois-messies ou les grands-prêtres parce qu’ils sont de mauvais bergers: « malheur aux bergers qui se paissent eux-mêmes! N’est-ce pas le troupeau que les bergers doivent paître? Vous n’avez pas fortifié les bêtes chétives, vous n’avez pas guéri la malade, vous n’avez pas ramené celle qui s’écartait, vous n’avez pas cherché celle qui était perdue… mais vous avez exercé votre autorité par la violence et l’oppression (Éz 34,2-4).

On songe tout naturellement aux pharisiens et à l’aveugle: ceux-ci n’ont rien fait pour la guérison de l’aveugle et de plus, ils l’ont chassé de la synagogue.

Jésus -au contraire- a guéri celui qui est malade et -comme un bon berger- il l’a ramené dans la communauté.

Selon la vision de Jésus, les pharisiens comme les scribes, spécialistes de la Tora, empêchent le croyant de vivre une vraie vie spirituelle: pour eux, l’absolu est d’être fidèle aux préceptes car il faut être correct devant Dieu. Malheureusement cette fidélité fait oublier le lien d’amour qu’on doit avoir avec Dieu. Au contraire, Jésus est celui qui fait vivre d’une vie aimante avec Dieu-Père. Il veut guider les siens vers un Dieu qui les aime et qui attend leur amour. C’est par compassion, avec miséricorde, qu’il soigne, guérit et enseigne ces foules qu’il perçoit comme des brebis sans berger. Jésus est donc le bon berger selon le cœur de Dieu.

Le bon berger fait don de sa vie à ses brebis : l’affirmation revient à trois reprises dans ce même passage.

Le mot grec utilisé pour traduire « la vie » signifie en réalité « l’être » : « Je suis le bon berger ; le bon berger se caractérise en ce qu'il pose ‘son être’ pour les brebis».

Chez Jean cette expression est d’une certaine profondeur : c'est se donner soi-même pour les brebis. Nous avons ici le thème du don : se déposer pour les autres.

Ce thème-là de poser « son être » pour les brebis ouvrirait sur la dimension paradoxale qui fait du berger le bon berger. Normalement, ce sont les brebis qui donnent leur vie et permettent au berger de vivre. Ici, c'est le berger qui se donne pour que vivent les brebis : c'est là que se trouve la véritable originalité du rôle que Jésus se donne de jouer à la différence du berger salarié, traduit dans certaine versions par « mercenaire ». « Le salarié, qui n'est pas le bon berger et dont les brebis ne sont pas les propresle salarié voit le loup venir – là, nous allons avoir une scène de carnage, c'est-à-dire de démembrement, de déchirement, et il laisse seules les brebis.. .… Parce qu'il (ce berger) est salarié et n'a pas le souci de ses brebis.», il n’est pas dans une relation de don, du don de soi, de son être à ses brebis.

Le bon berger fait don de sa vie à ses brebis. Cette affirmation trouve tout son sens en songeant à ce que dit Jésus dans l’évangile de Mathieu ou de Marc : « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28).

Dans la bouche de Jésus, servir et donner sa vie sont des expressions équivalentes. L’une et l’autre traduisent, non pas une modalité du don de soi parmi d’autres, mais la manière d’être du Christ sauveur et son amour infini à l’égard de la multitude des humains. À ses yeux, le propre du vrai berger est qu’il est prêt à donner sa vie. C’est bien pourquoi, le soir du Jeudi Saint, sur la route de Gethsémané, Jésus, citant le prophète Zacharie (13,7), avertit ses disciples en disant : « Tous, vous allez tomber, car il est écrit : ’Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées’. Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée » (Mc 14,27-28. Mt 26,31).

Frères et sœurs, face au danger, Jésus ne fuira pas comme un mercenaire. Il mourra à son poste ; mais sa mort sera une victoire, et, de nouveau vivant, il rassemblera ses brebis un instant dispersées par le chagrin et le doute.

La résurrection (que nous avons célébrée il y a quelques semaines) n'est pas quelque chose qui arrive à Jésus après coup. Pas du tout, la résurrection est contenue dans son mode de mourir. C’est pour cela que Jésus affirme au verset 17 et 18 : « Le Père m’aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne ne me l’enlève, je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre. Tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père ».

Dans cette parabole, chers frères et sœurs, Jésus nous apprend surtout la qualité du lien qui l’unit à chacun à chacune de nous. Nous sommes à lui, d’un lien spécial, singulier où et lui et nous sommes impliqués. Là chacun, chacune y est avec sa présence propre et unique... Que chacun, chacune puisse être impliqué à ce niveau unique et singulier de son être dans la relation avec le Seigneur : c’est cela la bonne nouvelle.

Ce passage de Jean remet l’être humain au centre de la mission de Jésus. Jésus est envoyé par son Père pour nous faire goûter l’amour incommensurable de Dieu et sa miséricorde. Jésus est inclusif parce qu’Il veut que tous aient la vie en abondance comme l’a voulu son Père, notre Père. Il va jusqu’au bout de l’Amour pour nous rassembler en un seul corps et un seul esprit. Jésus entre dans la logique du Père qui ne veut perdre aucun de ses enfants parce qu’il y a un seul troupeau et un seul berger. Tous ceux et celles qui reconnaissent en Jésus le Fils de Dieu et qui écoutent sa voix entrent en communion avec le Père, le Fils et l’Esprit. Ceux et celles qui ont fait une expérience avec le Christ ressuscité connaissent le Père pour sa bienveillance divine et le remercient d’avoir envoyé son Fils pour nous délivrer de la mort spirituelle qui n’est autre qu’une rupture du lien d’amour qui nous unit au Père et nous unit les uns aux autres.

Marcher dans la foi, frères et sœurs, c’est tenter de vivre à ce niveau d’unicité. Notre identité ne se réduit pas à être marquée par certaines particularités, par rapport à d’autres marqués par d’autres particularité. Notre identité est autre, elle est dans cette capacité unique à répondre à Celui qui touche notre cœur.

Frères et sœurs, dans ce monde tumultueux où nous sommes sans cesse confrontés à des défis dans notre vie de tous les instants, il est si bon, si rafraîchissant de relire cet évangile de Jean ce matin. C’est si bon de relire qu’aucun loup (donc aucune épreuve, blessure, tempête ou faute) ne pourra faire peur à notre berger ! Cela nous touche que notre berger donne sa vie, son être pour nous, ses brebis si fragiles, et si limitées.

Si l’on aime ce berger, il faut le rejoindre dans le don de lui-même, frères et sœurs.

Alors, dans les moments où l’on nous arrache notre liberté, notre honneur, notre temps, aux jours où il est dur d’aimer, de pardonner et de servir, le réflexe du Bon Berger nous rend toujours la sérénité et la joie du premier jour.

Au-delà de toutes les voix qui sollicitent notre attention, arrêtons-nous en communauté et aussi individuellement, pour mieux entendre et accueillir la voix du vrai Berger afin de mieux nous imprégner de sa connaissance et de son amour. Une écoute qui change la vie, sans doute, et nous rendra plus attentifs à celles et ceux qui, dans la vie ordinaire ou dans la détresse, espèrent être connus et reconnus à la manière du bon Berger.

Si l’on suit ce berger, il faut sans cesse accueillir, sans cesse apprendre d’autres noms, chemin faisant. Amen !

Charles KLAGBA

 

 

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