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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Prédication du dimanche 15 septembre 2019: Luc 15, 1-32

19 Septembre 2019, 08:45am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

 

  

Exode 32, 7-14; Luc 15, 1-32

 

Frères et sœurs, vous avez entendu, ces deux textes bibliques, l’Exode, et l’Evangile de Luc, des siècles les séparent.

Voyez ce qui les génère.

En Exode « le peuple s’est perverti » dit Dieu, (le peuple a fait un taurillon de métal fondu, il se détourne du Seigneur) et Dieu menace de les exécuter tous, alors Moïse s’interpose avec des arguments raisonnés, « pourquoi vas-tu tuer ceux que tu as sauvés ? »

 

Et il rappelle à Dieu sa promesse, faite à Abraham, Isaac, et Jacob, promesse de multiplier à l’infini leur descendance…Promesse qui déjà apparaît en Gn 1…où Dieu demande aux êtres vivants de se multiplier sur terre…Cette réponse de Moïse c’est sans doute la pointe de ce texte.

Et Dieu renonça au mal qu’il avait annoncé de faire à son peuple…

 

Chez Luc, on entend la joie de ce berger tout heureux d’avoir retrouvé son mouton perdu, (un de perdu sur les cent qu’il possède) et de faire partager sa grande joie auprès de ses voisins…

Ou bien cette femme qui perd un drachme, (j’ai cherché « ça pourrait » correspondre de nos jours à 5€) elle remue toute sa maison pour la retrouver, et sa joie enfin quand elle l’a retrouve et pour elle aussi le besoin de partager cette grande joie avec ses voisines…

 

Avec cette conclusion de Luc, pour le mouton perdu sur les 100, et retrouvé, la joie est comparable à celle des anges, nous dit l’évangéliste pour qui le pêcheur qui change radicalement apporte plus de joie que les 99 justes qui eux n’ont pas besoin d’un changement radical…

C’est la même conclusion, les mêmes mots pour la femme et sa drachme perdue, que pour le berger…

 

Quant au fils perdu et retrouvé…imaginons la détresse et la peur de l‘enfant perdu…la joie du père, et imaginons la jalousie de l’ainé… Ecoutons le : « jamais tu ne m’as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis » … et la réponse du père « ton frère que voici était mort, et il a repris vie »…

 

N’est-ce pas répondre trop vite ?

 

Je vous ai dit en présentant ce culte que nous réfléchirions ensemble à ce qu’on appelle « la faute », le « vivre ensemble » et le « pardon »…

 

Qu’ont donc fait les hébreux pour mériter un tel courroux ?

 

Ils se sont lassés d’attendre Moïse, qui écoute sur la montagne les prescriptions de Dieu.

Prescriptions relatives aux lois morales et religieuses, aux fêtes à célébrer, aux animaux, et jusqu’à la demeure divine pour laquelle tous les détails de construction sont donnés à Moïse, ainsi que pour les habits des prêtres.

 

Mais les hébreux sont lassés parce que ces prescriptions divines durent, durent et ils perdent patience…Le temps des hommes n’est pas toujours le temps de Dieu, alors impatient Aaron pour leur plaire va construire une idole en or qu’ils vont adorer et ils s’amuseront… « Ton peuple s’est perverti » dit Dieu à Moïse…

Vous connaissez la suite, il y eut des livres, des films, Moïse de colère brise les tablettes, brûle le taurillon et fait tuer trois mille hommes…puis va plaider le rachat du peuple restant…

 

Vous avez entendu l’Evangile de Luc que l’on connait…Avez vous bien remarqué l’attitude du père ? Le fils veut se confesser, parler de sa faute, mais le père a-t-il pris le temps de l’entendre ?

Aussitôt il demande au serviteur de lui remettre un nouveau vêtement. Certes changer de vêtement peut changer une personne…mais sœurs et frères, l’habit fait-il réellement d’un homme blessé un homme guéri ? L’habit fait-il le moine ?

Car se faisant, remarquez-le ce père ne parle pas à ce fils qu’il avait perdu et qu’il croyait peut-être mort.

 

 La pasteur Béatrice Cléro-Mazire à l’Oratoire du Louvre ajoute : « Comme si la confession du péché du Fils ne pouvait pas être entendue, comme si aucun commentaire sur son attitude ne devait assombrir ces retrouvailles: le Père ne dira rien à ce Fils qu’il vient de retrouver. Il le prend dans ses bras sans lui adresser la parole.

 

Tant que la vue du Fils sera celle du pécheur qui dit son indignité, le Père fera tout pour lui redonner une dignité. Un vêtement neuf…Cela ne souffre aucune discussion, voilà ce qu’il faut. Son fils revient, et pour le moment, son apparence n’est pas conforme à sa qualité de fils. Le Père doit remettre de l’ordre dans ce désordre que le fils semble porter sur lui. Le père en a –t-il peur ?

 

C’est cet acte de revêtir le fils qui devient parole de pardon, le père transforme le fils en lui donnant de nouveaux vêtements, il ne s’est rien passé…

Il fait à nouveau, symboliquement, par ce don de vêtement, alliance avec lui. Il dit, par cet acte de revêtir, l’importance que son fils revêt à ses yeux: il l’investit du rôle de Fils bien aimé qu’il n’aurait jamais dû perdre ».

 

Le fils revêt la tunique primordiale : ce qui pourrait vouloir rapprocher cet acte de revêtir le fils d’un acte originel, qui marque un nouveau début, une nouvelle vie, une nouvelle naissance…mais…est-il vraiment sauvé ? 

 

Je pense que ce père n’a pas laissé parler son fils comme celui-ci s’apprêtait à le faire…

Je sais frères et sœurs que la parole que vous entendez n’est pas habituelle pour commenter cet Evangile…

Parce que je pense que l’importance du pardon est d’abord dans la demande de pardon…

 

Elle est dans le chemin qui mène celui qui se sait fautif vers un autre chemin, un chemin qu’il peut vouloir peut être comme un retour en arrière, vers celle, vers celui, vers ceux qu’il sait avoir été offensé par ses paroles ou ses actes.

 

Retour en arrière impossible, que seule, seule,  la parole pourra déjouer et dévoiler.

 

Peut être est-ce une prise de conscience tardive alors que des mots ont été dits à la hâte et dans la colère ou le non-sens…mais il faut laisser le temps du dire se laisser entendre, le temps du « je te », « je vous » demande pardon…

Il faut laisser le langage imprimer sa trace dans l’entre deux des imaginaires de l’une et de l’autre personne.

 

Car dans ce dire, c’est un élan vital qui passe, et repasse « je me suis trompé »  « j’ai eu tort », « je te demande pardon » … cet élan vital, est la preuve, le signe, de ce que j’appelle une « petite mort ».

 

Ici, dans un contexte psychologique, celui qui se sait, se pense, se vit fautif en disant « j’ai eu tort … je te demande pardon » met en jeu une dramatique personnelle car « je te demande pardon » équivaut à «  devant-toi, je tue en moi, ce qu’un instant j’ai été » c’est la raison pour laquelle demander pardon n’est pas anodin, et doit être muri, accompagné, entendu… mais qu’entend l’autre ?

 

Peut être s’entend t-il penser « j’avais raison »… mais peut être s’entend t-il aussi penser « mais non, moi aussi j’avais tort »…Mais elle, ou lui, aussi vit « une petite mort », car à la demande de pardon, le pardon donné en réponse est la petite mort de la rancune, de la hainedu soupçon qui tenait l’autre, et d’une certaine façon emplissait sa vie.

 

Revenons à nos hébreux…que s’est-il passé ? Pardonnés par Dieu ils ont suivi Moïse et la colonne de feu qui les précédait, pendant encore 35 années…mais ils se sont révoltés, ils ont désobéis encore et encore, c’était tellement long, tellement éprouvant…Alors cette génération là n’a pu entrer dans ce pays où devait « couler le lait et le miel »…mais pire, à cause d’eux Moïse n’a pas pu entrer lui non plus, Dieu ne l’a pas voulu, car Moïse a toujours plaidé leur cause  alors il devra se contenter de voir ce pays du sommet du Mont Nebo…

 

Ainsi frères et sœurs, trop c’est trop ?

Dieu n’a plus voulu entendre la plainte de son peuple ni l’amertume de Moïse…

 

Certes, il faut savoir lire ces textes et s’approprier cette narration et ses mythes avec la  distance critique nécessaire…

Mais ce que le lecteur découvre là dans ce texte et dans le Deutéronome, c’est qu’il arrive que le pardon soit compliqué, et parfois impossible à dire…On a coutume de dire qu’impossible n’est pas français…sans doute mais il faut laisser le temps au temps, et le langage mûrir….

 

Oui, il faut alors laisser le temps faire son chemin, mais il ne faut jamais oublier de dire ce qu’il en est, car le silence peut être une double peine, pour soi, pour l’autre, et le silence sait aussi instiller non pas une « petite mort » mais « la mort en soi »… « une mort de l’âme ».

 

Vivre ensemble c’est savoir se parler, s’interroger, se raconter, se dire, s’étonner, bref se laisser entendre, se laisser attendre, et se laisser écouter l’autre.

Vous le savez on ne pense jamais seul, on pense toujours avec les autres, une pensée nait d’un accord, d’un désaccord avec l’autre à partir de notre propre être pensant…il faut savoir laisser l’autre exposer ce qui fait son être pensant…

revenons à ce fils perdu…

 

Au moment de partir que dit-il ? Que demande-t-il à son père de lui laisser ? Lisons diverses traductions. Selon la N.B.S « sa part de fortune » « selon la T.O.B « sa part de biens » c’est équivalent…selon la traduction de Chouraqui « sa part de subsistances » une nuance est apportée, qu’est-ce que subsister ? Or en lisant le  texte grec on peut lire « ce qui me revient de  της ουσιας » que l’on peu traduire par « bien », « fortune », subsistance » certes, mais aussi par « essence »… « Ma part d’essence » que je comprends par « ma part d’être »…

 

Les grecs en effet, nous ont appris à passer au beau, à l’idée de beau, à l’idée « d’être »… Il est revenu, son père l’a serré dans ses bras, trouvera-t-il « sa part d’être » entre son père envahissant et son frère entreprenant ?

 

Ne sommes-nous pas alors devant une autre lecture, un fils qui se cherche, oublié, entre la puissance de l’ainé et un père soucieux de l’apparence ? La mère remarquons-le est absente…Certes frères et sœurs ma lecture est sans doute décalée par rapport à ce qu’on entend, et peut être ce qu’on attend d’habitude…mais cette lecture déplace, et dés-oriente car les 3, ont alors à se dire « et moi ? »… les 3 ont alors à se trouver et à se laisser entendre les uns aux autres à trouver leur place…

 

Ainsi frères et sœurs au fond, qui doit pardonner ? A qui ? Et quand ?

Ne nous laissons pas abuser par ce qui parait évident, par ce que nous croyons savoir, par ce que nous entendons et attendons, par la personnalité de l’un ou l’autre, même si c’est écrit…

Laissons-nous porter par la petite lumière que nous sentons en nous.

 

Et surtout n’habitons pas la culpabilité ce territoire trop emprunté par nous chrétiens…J’ai peur que nous nous y complaisions….quoi coupable ? Pourquoi ? Le Fils nous veut disciples, aimés, aimants, confiants.

 

Quant au péché originel n’est-il pas autre chose que l’oubli de l’essence des autres, de leur être que nous absorbons dans le notre…l’oubli de leur part d’être…par l’oubli du parler, du dire, de l’entendre, et de les attendre.

 

Soyons des femmes fortes et des hommes forts pour ensemble préparer l’héritage de nos enfants…pour semer en eux les graines de l’espérance de Sa lumière et de Son don. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, nous sommes envoyés toutes, tous, pour transmettre…

 

« Je vous le dis, dit Dieu, sans ce bourgeonnement de fin avril, sans ces milliers, sans cet unique petit bourgeonnement de l’espérance,  qu’évidemment tout le monde peut casser, sans ce tendre bourgeon cotonneux, que le premier venu peut faire sauter de l’ongle, toute ma création ne serait que du bois mort. Et le bois mort sera jeté au feu »

 

Ces quelques mots de Péguy étaient ma conclusion…

 

Amen

 

Patrick Duprez 

 

 

 

 

 

 

 

 

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