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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Prédication du culte du dimanche 13 octobre 2019 (J. Alméras)

14 Octobre 2019, 09:06am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

 

LUC 17, 11 – 19 (les 10 lépreux)

Fil rouge : Tu pries ? fais gaffe !

 

Introduction : Quel texte ! Évidemment, en français, nous lisons un récit à la fois questionnant et revigorant. Et notre peu d’érudition dans la langue de l’auteur nous ferait passer à côté d’une histoire rédigée avec la minutie habituelle de Luc, si nous ne disposions de commentaires exégétiques et philologiques des Ecritures. Et là, comme on dirait par chez nous, «c’est quelque chose ! y a de quoi faire ! »

C’est pourquoi nous parlerons, dans un premier temps, après avoir situé le contexte et parlé du groupe dans son ensemble, des dessous linguistiques étonnants de la rédaction de cette histoire édifiante. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons aux différents personnages et enfin, comme toujours, posés devant le miroir des Ecritures, nous parlerons particulièrement de la prière et des conséquences heureuses ou inattendues d’un de ses aspects. C’est pourquoi j’ai intitulé la prédication : « tu pries ? Fais gaffe ! »

 

1) contexte et linguistique du flou littéraire :

 

- Le contexte géographique reste volontairement flou : pas de nom de ville ou de village, pas de précision sur ce « entre la Samarie et la Galilée », « au milieu de la Samarie et de la Galilée » selon le sens étymologique, comme si Luc, subtilement, dans ce flou géographique, souhaitait pointer plutôt une situation : Jésus, sur son chemin vers Jérusalem, « frôle le marginal et l’hérétique ». Nous savons ce que représente les samaritains pour les juifs.

 

- par ailleurs, l’analyse étymologique des mots utilisés renvoie à une même constatation : Luc nous invite à aller au-delà du sens premier des mots :

- la guérison pourrait être une purification

- le retournement sur ses pas du lépreux, une conversion

- le remerciement une action de grâces

- et le relèvement une résurrection !

La revue Lire et Dire explique[1], je cite : « le récit de guérison demande donc à être lu comme une parabole du devenir de la foi : le déplacement du lépreux illustre un déplacement de l’homme devant Dieu, un retour à la vie » (fin de citation).

 

- nous pourrions aussi poser la question : pourquoi 10 lépreux ? « Faut-il voir dans ce chiffre une symbolique de communauté, car 10 hommes, dans le monde juif, c’est le quorum obligatoire pour une célébration liturgique, le « minian » ? » Ou bien « parce dans l'imaginaire biblique, le nombre 10 semble être le signe de la totalité ?  10 Paroles créatrices dans Genèse 1 ; 10 paroles [dans Exode 20], nous avons les 10 plaies d'Egypte, les 10 vierges dans Matthieu, et les 10 serviteurs dans Luc 19. Ici, ce sont 10 hommes  qui viennent vers Jésus.  Une totalité de quoi ? Rien ne le dit, mais ces 10 personnes affectées d'une maladie de peau et donc exclues par tout le monde, des impurs, pourraient représenter tout simplement l'humanité, l'humanité souffrante, demanderesse, seule[2] ».

Humanité demanderesse ? Demander est un des prismes de ce kaléidoscope qu’est la prière. Et dans notre péricope, la demande des lépreux va revenir pour eux, en boomerang, posant sous leurs pieds comme  un starter pour aller de l’avant, un « avant » qui peut mener très, très loin. Jusqu’ où ? Tu pries ? Alors, fais gaffe !

 

2) les personnages : Intéressons nous maintenant aux personnages.

 

- Jésus, dans cet épisode, « monte » vers Jérusalem, conscient de ce qui l’attend. Mais cela ne l’empêche pas de vivre une compassion agissante, envers celles et ceux qui croisent sa route. Sa réaction est étonnante et différente de celle que Luc relate un peu plus haut dans des circonstances similaires : ici, Jésus ne touche pas les malades, il les voit, il leur parle et leur donne un ordre. Pour un malade, aller se montrer aux prêtres signifie qu’il est guéri et qu’ils peuvent le constater pour lui rendre sa place dans la communauté. C’est donc, encore une fois, une parole lucanienne, qui peut se comprendre, en creux, comme une promesse de guérison.

 

- les lépreux sont, à leur époque et dans ce monde-là, des morts-vivants. Ces dix hommes sont interdits de vie familiale, sociale et religieuse. Ils sont séparés de leurs concitoyens et enfermés dans une exclusion radicale ; non seulement ils sont gravement malades mais ils sont aussi pris dans les filets d’un imaginaire collectif accusateur : tu es malade donc tu es pécheur ! Et si ce n’est toi, c’est donc ton père !  Rien à y faire et il en sera ainsi jusqu’à ce que mort s’en suive.

Parmi ces 10 lépreux il y a un samaritain, sale race pour un juif ; c’est comme si la souffrance et la maladie faisait tomber tous les tabous sociaux : dans ce groupe, il n’y a ni juif, ni samaritain, en tout cas, en apparence, mais seulement des hommes malades qui font front à l’horreur de la lèpre en se réfugiant dans cette petite troupe désemparée qui appelle Jésus à la compassion comme un seul homme.

Et c’est ensemble qu’ils prennent la route vers les prêtres et se reconnaissent guéris en chemin. Ils ont tous demandé et les voilà avec un truc quand même pas ordinaire : une guérison en cours de route, pas la délivrance de la maladie immédiatement après la parole du Maitre, mais « en cours de route »… nous le disions, la réponse de Jésus a été comme un starter qui les a propulsés vers les prêtres » alors qu’ils étaient encore infestés par cette chose immonde qu’est la lèpre.

A ce moment là, le groupe va se disloquer car, se voyant guéri, le samaritain retrouve toute son autonomie et décide de faire cavalier seul, laissant ses compagnons d’infortune pour revenir sur ses pas vers Jésus.

Ils avaient demandé comme un seul homme : « Jésus, aie compassion de nous » ! mais avaient-ils fait gaffe ? « 

 

3) prier oui mais… : « Jésus, aie compassion de nous » ! Cette demande universelle, intemporelle, ressemble, à s’y méprendre, à celle que nous formulons si souvent, nous qui sommes affectés par tant de maladies, fussent-elles spirituelles, et qui appelons à la compassion de celui qui passe, Jésus ? Alors comment cette histoire peut-elle aiguillonner notre propre vie, vie collective ou vie individuelle ?

 

Vous l’avez compris, je me suis arrêtée sur une des caractéristiques de la prière : l’appel, la demande, la supplication. Et une pensée m’a trotté dans la tête : « tu pries ? fais gaffe ! » car ce fut une réponse peu orthodoxe à une demande formulée de façon plutôt floue par ailleurs. En effet, nous savons pas ce que souhaitaient précisément les lépreux avec cette formule générale : « aie compassion de nous ! » Un instant d’attention ? Une guérison ! Une libération ?

Et nous ? Et nous, quand nous prions, restons-nous, comme eux, dans le flou ? Voilà un premier point qui peut être instructif. « Papa, j’ai faim dit le petit garçon. Que veux-tu manger, mon fils pour ton gouter, une pomme ou une poire ? Oui, répond le petit garçon. » N’est-ce pas ainsi que nous parlons parfois à notre Père céleste ?

 

Voici un second point. Revenons, pour ce faire, aux lépreux. Tous, après leur demande et la réponse de Jésus, prennent la route bien que rien ne soit visible d’une éventuelle guérison. Pourtant ils se lèvent, et s’en vont sur le chemin qui les conduit vers les prêtres pour leur faire constater ce que, eux-mêmes, ne voient pas encore. Comme si leur demande avait été exaucée, comme s’ils étaient déjà guéris !

Voilà un enseignement majeur de notre histoire : la prière ne laisse pas de place pour le doute : prier, c’est être assuré que même le silence de Dieu peut être une réponse ; comme le disait la petite fille dont j’ai déjà parlé il y a quelques temps : « si, si, Dieu m’a répondu : il m’a dit : non ».

 

Un autre enseignement capital : quand nous prions, la passivité n’est pas une option ; impossible de cocher la case : « j’accepte que le Seigneur soit le seul acteur de ma prière ». Elle exige de nous que nous soyons participants de ce pour quoi nous prions comme les lépreux qui se mettent en route. Prier, c’est déjà se retrousser les manches, si je puis le dire ainsi, pour associer l’agir au prier ; pour dire : je le demande, je le veux, la preuve : j’en suis.

 

Enfin, prier c’est aussi, comme le fit le samaritain avant même sa réhabilitation sociale pourtant ardemment désirée, donner la primauté à l’action de grâce mettant ainsi à la première place Celui qui l’a guéri. Il ne s’est pas précipité à la vitesse de Bip-Bip au temple pour jouir le plus vite possible de sa guérison. Il y a plus important que sa petite personne. Sa vie appartient au Seigneur et le voilà, faisant demi-tour, pour rendre grâce et glorifier Dieu : « il tombât sur sa face aux pieds de Jésus et lui rendît grâce »… Que voilà un priant qui a su faire gaffe !

 

Conclusion : en conclusion, comme d’habitude, que diriez-vous d’une petite histoire racontée par Antoine Nouis, pour élargir encore notre méditation sur la prière et ouvrir, peut-être, comme un cinquième point, un espace inédit quand nous nous agenouillons pour nous confier au Seigneur : tu pries ? Sois assuré, certain, convaincu que DIEU, lui aussi, bien avant toi, fait gaffe !

Je cite : « Voici le témoignage de Gandhi.

La prière m’a sauvé la vie. Si la prière ne m’avait pas secouru, depuis longtemps j’aurais perdu la raison. Je traversais alors les épreuves les plus dures de ma vie publique et privée. Elles me plongèrent un certain temps dans un véritable désespoir. Si j’ai pu m’en remettre, c’est bien grâce à la prière. C’est par pure nécessité que j’en suis venu à prier car il m’était devenu impossible d’être heureux autrement. Puis, à mesure que le temps passait, ma foi en Dieu augmenta et mon besoin de prière devint de plus en plus irrésistible. Dès lors, sans prière, la vie m’aurait paru sans attrait et vaine… Bien que plus d’une fois j’ai dû affronter des situations qui, sur le plan politique, me paraissaient désespérées, je n’ai jamais perdu le sentiment de paix qui m’habitait. Plusieurs m’ont envié cette sérénité. C’est la prière qui l’explique. Je ne suis pas un savant, mais je prétends humblement être un homme de prière. Tel est mon témoignage personnel. A chacun de vérifier que la prière quotidienne ajoute quelque chose de neuf à sa vie.[3] »(fin  de citation). Tu as vu le résultat ? Amen.

 

Joëlle Alméras

 

[1] Lire et Dire n° 40 p. 26

[3] Antoine Nouis un catéchisme protestant p. 28

 

 

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