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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Dimanche des Rameaux : Matthieu 21, 1 - 11 "il veut que tu me ressembles, dit l'enfant"

1 Avril 2023, 11:36am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 NARBONNE 2 AVRIL 2023

 

Matthieu 21, 1 - 11

 

 «il veut que tu me ressemble dit l’enfant…»

Introduction : Nous voilà transportés dans un temps et un monde bien différent du nôtre, un monde occupé par les armées romaines. Celles et ceux qui vivent dans ce monde subissent tant de contraintes que la perspective d’une libération pourrait les pousser dans l’exaltation. Et quand une foule moyen orientale exulte, je vous dis pas la pagaïe, les bousculades, le bruit, la poussière des chemins piétinés, et tout et tout… Par ailleurs, certains ont bien profité de la situation en collaborant avec l’oppresseur romain. Et un fait qui a son importance, c’est que dans ce monde là, la religion est omniprésente et peut en un instant être le déclencheur d’explosions de joie délirante ou d’hystérie colérique. Dans notre texte, nous en sommes au temps de la joie. Nous allons en parler avec un examen succint de l’évènement décrit dans son contexte. Puis nous parlerons du personnage principal : ce Jésus dont le comportement est étonnant, compte tenu de qui il est, et de sa montée vers Jérusalem. Enfin, nous ne pourrons pas faire l’impasse sur le quiproquo qui conduira la foule en liesse à retourner sa veste, si tant est que l’on puisse parler de veste à cette époque. Et pour conclure, nous ferons nôtre cette histoire étonnante.

 

1 ) une montée vers Jérusalem : du côté  de Bethphagé (la maison des figues), une petite ville située à l’est de  Jérusalem, la rumeur circule et enfle: Il arrive, suivi de ses disciples et d’une foule nombreuse. Toutes et tous attendent un certain Jésus qui, selon ce qu’on entend dire pourrait bien être le prétendant à la succession du roi David mais aussi qu’il serait le messie annoncé qui rétablira toutes choses et même qui ressuscitera des morts ! ce n’est pas pour rien qu’il arrive par ce chemin. Le cimetière de Jérusalem est sur la route et c’est par là, nous dit la tradition, que le messie doit arriver et tout le monde sait que le messie ressuscitera les morts. Un roi… un messie…

Pourtant un enfant dit à son père qui l’écoutait d’une oreille distraite, car, quelle valeur peut avoir la parole d’un enfant ? « il a dit qu’il voulait que tout le monde me ressemble ». 

« Non mais ! silence, fils ! Un roi, c’est un guerrier qui se dresse les armes à la main pour délivrer notre pays des romains, et si en plus c’est le messie, ça va barder pour eux ! »

« Oui mais… il veut qu’on me ressemble » insiste l’enfant. « C’est ça ! un roi aussi invisible, désarmé et impuissant que toi ! un messie inoffensif, insignifiant, une buée de messie ! et quoi encore. Silence fils ! » réprimande le père qui, comme tous ses voisins se voit déjà marcher à la suite d’un conquérant vainqueur sur les cadavres encore chauds de tous ces envahisseurs barbares. Chacun, chacune se prépare à ce passage extraordinaire du libérateur annoncé par les prophètes. Sans compter que, partout autour de Jérusalem, les pèlerins venus du monde entier pour célébrer la Pâque juive, (par centaines de milliers nous dit Flavius Josèphe)[1], déambulent dans toute la région : des hommes, des femmes, des enfants, des animaux et tous leurs paquetages…

 

2 Jésus :  Que sait on de ce Jésus qui suscite tant de curiosité ? Il serait un descendant du roi David, ce qui lui permet de prétendre au titre de roi et au trône. Et les juifs ont bien besoin d’un vrai roi à leur tête, après tant d’années d’occupation et d’oppression. Il a grandi auprès de ses parents à Nazareth, en Galilée, dans le nord. Mais « peut-il sortir quelque chose de bon de Galilée [2]» ? il a environ 30 ans et déjà, partout où il est passé, les gens du pays savent que c’est un prophète, un grand guérisseur, un faiseur de miracles. Il a changé en vin des amphores d’eau dans un mariage, il a guéri toute sortes de maladies, même la lèpre, il a nourri des milliers de personnes avec trois fois rien, il aurait même ressuscité un de ses amis, Lazare, à quelques kilomètres d’ici, à Béthanie. Enfin, c’est ce qui se dit… et bien plus encore.Par ailleurs, il s’est attiré pas mal d’ennuis auprès des officiels, pharisiens, sadducéens, scribes qui le considèrent comme un concurrent qui met en danger leur gagne pain religieux, un ignorant et le pire : un blasphémateur ,  un « moi je  suis » qui se prend pour le Fils de Dieu ! Ils voudraient bien le voir mort d’une façon ou d’une autre et complotent pour arriver à leur fin. Toutes les occasions sont bonnes pour lui poser des questions pièges dont il s’est plutôt bien tiré jusqu’à présent.

On peut donc rajouter aux disciples et aux foules qui le suivent, quelques uns de ceux-là prêts à lui bondir sur le paletot dès que l’occasion se présentera. 

Pourtant, lui, il parle d’amour, de paix, d’humilité, il exhorte, il console, il a des paroles qui coulent comme une eau vive dans les cœurs écorchés de ses coreligionnaires. Écoutez le : « oh venez à moi vous qui vous épuisez, vous qui croulez sous les charges, et moi je vous reposerai. Prenez mon joug et vous apprendrez que je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos de votre existence[3] »

C’est vrai, il lui arrive aussi de dire des choses bizarres : « il faut naitre de nouveau[4] »… il dit aussi qu’il va mourir et revenir…

Bref, reconnaissons qu’il n’est pas aux normes, comme on dit aujourd'hui. Mais il arrive, il n’est pas loin. Il faut absolument y aller.

 

2 ) la montée à Jérusalem  : il arrive et on se croirait dans une prophétie, celle du prophète Zacharie[5] : « ton roi vient à toi monté sur un ânon, le petit d’une ânesse », un animal que personne n’a encore monté !  était-il trop jeune ou le réservait on pour un invité d’honneur ? Ce n’est pas, en tout cas, la monture idéale pour un héros combattant et victorieux… d’autant que le prophète précise : « il parlera pour la paix des nations, et sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, depuis le Fleuve jusqu’aux extrémités de la terre ».  bizarre… bizarre…ça devrait leur mettre la puce à l’oreille.

Jésus a l’air bien tranquille sur cet ânon, ses pieds ballotant jusqu’à terre, bien moins excité que celles et ceux qui l’entourent. Certains jettent leur manteau sur le sol, comme l’ont fait leurs ancêtres devant Jéhu, lorsqu’il fut oint comme roi. Aussitôt après, ce Jéhu partit en guerre contre des rois, des prophètes, Jézabel… un massacreur de première ! Antoine Nouis fait ce commentaire : « si ce parallèle est juste, il y a un énorme malentendu entre le signe de l’ânon et celui des vêtements disposés sous les pieds de Jésus. Jésus n’est pas un roi qui va massacrer ses ennemis, mais un agneau qui va être broyé par les religieux[6] ».

« Certains coupèrent des branches et les étendirent sur le chemin ». Jean précise que ce sont des branches de palmiers, le palmier symbole du juste et du beau »

La foule acclame Jésus comme un roi. Mais quel roi veut-elle ? un roi qui puisse chasser les romains, un roi guerrier, fort et brave qui sache manier l’épée et soit sans pitié pour ses adversaires. Si, en plus, il guérit et enseigne, c’est le roi rêvé !

Quant à son armée…il y a deux excités qui crient : « nous étions aveugles et nous voyons ». Autour d’eux, des femmes dont les vêtements ne laissent aucun doute sur leur métier : à coup sûr, des prostituées ; certains hommes sont en loques :des mendiants, des moins que rien ; et même des renégats qui se sont alliés aux romains pour s’en mettre plein les poches comme ce Matthieu qui était collecteur d’impôts. Il doit y avoir d’anciens boiteux, d’autres qui le sont encore, des malades guéris, et beaucoup qui attendent la guérison, bref, pas vraiment le dessus du panier… une armée qui n’a rien d’une armée ! Les romains, s’ils doivent la combattre, n’en feront qu’une bouchée de cette foule criarde et colorée. Par ailleurs, demain, après demain et vendredi prochain, sera-t-elle encore là, à crier sa joie et sa reconnaissance ?

 

3 ) le quiproquo : aujourd'hui, ici, à Narbonne, nous connaissons la suite. Nous savons ce que fit la foule dans les jours qui suivirent.

Dans sa montée sur un ânon vers Jérusalem, elle a acclamé Dieu en la personne de Jésus. Mais quel Dieu ? Les rameaux, c’est la fête du malentendu, du quiproquo, du contre-sens.

La foule veut la libération au prix du sang, elle veut manger à sa faim, elle veut la suppression des impôts, elle veut la purification du sol de toute impureté païenne ; elle veut recevoir de Jésus ce dont elle rêve depuis des siècles, tout ce qu’elle croit avoir compris de l’enseignement des prophètes : libre, elle veut être libre de tout, à n’importe quel prix et elle crie : «Hosanna pour le fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur». La foule ne donne pas, elle attend qu’on lui donne.

Jésus, lui, sait le prix qu’il devra payer pour une toute autre libération : sa vie donnée, le vendredi suivant, donnée volontairement, c’est la porte ouverte sur l’amour et le don de soi. Il vient revisiter les vies, nos vies, pour y déposer sa paix car il est le roi de paix. Oh, certes, il sait bien de quel bois nous sommes faits. Il sait que le lundi et le mardi, nous acclamerons son royaume, et que le vendredi, comme la foule et les disciples, nous serons dans l’accusation, le déni et la lâcheté. Il le sait, il l’accepte, il nous aime.

Le jour des Rameaux, ce qui est posé, c’est un acte symbolique fort qui va nous engager, à notre tour, pour la paix et l’amour à la suite de Jésus, roi de paix, Messie humble et compatissant, fils du Père, porté par l’Esprit Saint. Ce récit du jour des Rameaux, nous sommes invités à nous y retrouver dans notre histoire et notre fragilité[7].

 

Conclusion : Le pasteur henri Capieu écrit, je cite : « Cette foule qui monte comme une vague sonore annonce un secret : Jésus est l’envoyé de Dieu, un secret tout simple, sans rien de caché et pourtant il faut que chacun le découvre[8] ». (fin de citation). Cette foule, je la vois : elle ne croit que ce qu’elle voit, elle veut encore et toujours des signes, des guérisons, des miracles, elle veut la fin de la souffrance, du malheur, de la mort. Entendra-t-elle la voix de celui qui vient, monté sur un ânon, pacifique, doux, humble de cœur ?

Le père Boulad, dans une homélie à l’occasion des Rameaux, énumérait la liste des dirigeants du monde depuis les pharaons anciens jusqu’à nos dirigeants modernes, il disait entre autres : « il y a eu Louis 14, Louis 15, Louis 16 ; il y a eu napoléon 1er, napoléon 2 et napoléon 3 ; il y a eu Chirac, Sarkozy, Hollande…  et ça passe et ça tombe et la roue de l’histoire continue (…) . Il n’y a pas de Jésus 1, Jésus 2, Jésus 3 car il ne règne pas dans l’histoire, il est au-delà de l’histoire, dans la méta histoire. Et à partir de là, il rayonne, il règne sur un trône, le trône de mon cœur.[9] » C’est comme si je l’entendais, écoute : « oui, je suis roi, mais un roi qui veut faire de toi un enfant. Oui je suis roi et c’est pourquoi je suis ton serviteur. Oui, je suis roi et je t’aime, je t’aime jusqu’à la mort, je t’aime jusqu’à ma mort. Oui, je suis roi, et je suis ton frère. Je suis le frère de celui et de celle qui a faim, de celui et de celle qui a soif, de celui ou de celle qui est malade, de celui ou de celle qui est retenu prisonnier, de l’étranger et de l’étrangère, de celui et de celle qui vit dans la rue ou galère sur les routes de l’exil ; je suis le frère de l’enfant ; je suis le frère de ses parents ;  le suis le frère de ses grands parents et même de tous ses aïeux. Et toi, me veux tu être mon frère ? » L’as-tu entendu ? Que répondras-tu ? Amen.

 

 

[1] Antone Nouis Le Nouveau Testament commentaire intégral p. 162

[2] Jean 1, 46

[3] Matthieu 11, 28 – 30 traduction de Frédéric Boyer

[4] Jean 3, 3 -5

[5] Zacharie 9

[6] Ibid p. 162

[7] Antoine Nouis l’aujourd'hui de l’Évangile  p. 325

[8] Matthieu 21/1-16 Henri CAPIEU Texte : Matthieu 21/1-16 Source : Méditation radiodiffusée. FPF, (Rameaux).

[9] https://www.youtube.com/watch?v=Av3BNtmue1c

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