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Eglise Protestante Unie de Narbonne

Dimanche 18 décembre 2022 : Matthieu 1, 18 - 25

18 Décembre 2022, 21:42pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Narbonne 18.12.22

Mt 1, 18-25

Pasteur  Philippe Perrenoud

 

359 : ô peuple fidèle

351 : d'un arbre séculaire

365 : Aujourd'hui le roi des cieux

 

Pauvre Joseph... En effet, n'y a-t-il pas parfois de quoi le plaindre ?? Car on ne lui laisse pas toujours la bonne place :

  • au mieux, on le voit comme celui qui n'a pas compris comment sa fiancée s'était retrouvée enceinte...
  • au pire, l'idée vient logiquement après cela, qu'il est le "dindon de la farce", ou même "la 5e roue du char", comme on dit...

Alors, à quoi sert-il ? Pourquoi nous raconter cette histoire, s'il a si peu d'importance, ce Joseph ? Quels rôles a-t-il ?

L’Évangile de Luc ne parle que très peu de Joseph, si ce n'est pour nous dire qu'il était fiancé avec Marie, et qu'il était présent au moment de la naissance. Cet Évangile de Luc centre son regard surtout sur Marie, sur sa foi humble. Le récit de Matthieu, nous parle davantage de Joseph : il n'est pas comme Marie, docile, mais se pose davantage de questions (et on peut le comprendre...)

Comme on nous dit qu'il est un homme "juste" (c'est-à-dire observant la Loi), il se propose de la répudier comme il se doit dans un tel cas. Mais il veut aussi appliquer cette Loi selon son sens, c'est-à-dire humainement. Il décide alors de la répudier secrètement, pour ne pas lui causer plus de tort que nécessaire. C'est donc par un songe que le Seigneur persuade Joseph de la garder.

Les récits des annonces faites à Marie et à Joseph sont presque parallèles. Mais ils diffèrent au moins sur une chose : nous voyons (et le catholicisme a contribué à renforcer cette image) une Marie qui accepte simplement le rôle qui lui est donné ; cela est juste. Mais ce qui est intéressant, c'est de trouver en même temps une image si différente chez Joseph : il est beaucoup plus réservé sur ce qui se passe. Même si on ne l'entend pas directement, il semble qu'il y ait eu tout un dialogue avec son entourage, puis avec le Seigneur, dans le songe : il accepte ce rôle, mais pas de façon aveugle ; peut-être même avec tout ce qu'il peut y avoir de doute et de questionnement.

Or ce questionnement, lui aussi, est important.

C'est aussi de là que va sortir quelque chose de nouveau. Sans ce questionnement, rien ne se serait produit. Rien ne se serait produit si Joseph était resté dans un refus plus ou moins poli ; ou plus banalement : dans une indifférence si commune à nos fonctionnements. Son attitude n'est ni une acceptation aveugle, ni un refus préalable, plus ou moins borné ou auto-suffisant (dont notre monde nous donne malheureusement tant d'exemple : le refus de ceux qui considèrent, consciemment ou pas, qu'ils ont toujours raison...)

Joseph montre une attitude qui mûrit, dans une libre acceptation. C'est ici la Parole de Dieu qui ré-oriente sa vie (comme les nôtres), qui provoque même un déchirement intérieur ; mais qui le met en route. Voilà aussi déjà la Bonne Nouvelle qui s'incarne : elle descend jusqu'aux hommes. Dès cette annonce reçue, même de façon aussi discrète que chez Joseph, il y a une différence, un bouleversement, motivé par l'acceptation de Dieu, et non par un simple changement de la raison humaine. Nous savons que les 2 (foi et raison) ne s'excluent pas ; bien au contraire : elles se complètent. Sinon, dans l'exemple de ce matin, qu'est-ce qui aurait pu amener Joseph à changer, à ne pas répudier Marie, comme tout le lui suggérait : entourage, code moral, etc.

Mais peu lui importe ensuite que sa réputation paraisse entachée (au point que l’Évangile, quelques décennies plus tard, doive encore le défendre...) Mais il savait ce qui est juste ; et il l'a gardé.

Ce que nous raconte Matthieu n'est pas un récit de Noël un peu naïf et sentimental (comme nous avons tendance à le vivre et à le réduire de nos jours). Ce qu'il veut nous dire, c'est l'effet de Noël sur un homme.

Ces 2 attitudes différentes me semblent se retrouver sur, au moins, un autre point : Marie porte l'enfant en elle. C'est elle qui, par exemple lors de la disparition de Jésus au Temple, lui adressera les reproches parentaux. Dans la suite du récit, Joseph disparaît. On ne sait pas ce qu'il devient... Seule l'imagination populaire ou artistique a suppléé à ce vide apparent, en se le représentant en train d'apprendre à Jésus son métier de charpentier ; ce qui est peut-être vrai, mais qui n'est pas raconté dans la Bible (comme le bœuf et l'âne de la crèche, cela vient de nos représentations ; cela montre aussi qu'il est toujours bon et nécessaire de revenir au texte lui-même, et non pas à "l'homme qui a vu l’homme qui a vu l'ours" !... )

Or nous avons vu toute l'importance du rôle de Joseph. Un rôle discret, mais non moins important. C'est par lui que Jésus est descendant de David. C'est donc aussi par Joseph que Jésus est pleinement homme. Mais il n'a pas qu'un rôle de figurant... Il est le témoin silencieux, mais actif, d'un avenir qui lui échappe pourtant. Il est effacé, mais néanmoins efficace ; et sans doute d'autant plus efficace parce qu'effacé... Comme c'est souvent le cas dans les relations et le travail en société : l'essentiel se fait souvent par des gens dont on ne remarque pas toujours l'importance, dont on oublierait facilement le rôle ; un rôle qui est souvent nécessaire, sans lequel rien ne serait possible. Un travail discret, souterrain même, mais d'autant plus sincère parce qu'il n'a pas pour but de se mettre en avant ; d'autant plus efficace qu'il n'a pas besoin de se mettre en valeur, qu'il ne recherche pas cela.

Et plus largement encore, dans le monde : les média ne nous parle que du spectaculaire, et donc souvent négatif. Mais combien de geste de paix et de courage qui ont contribué à éviter des drames, et dont justement alors ...on ne parle pas ! Mais finalement, est-ce si grave ??

Certes, nous avons aussi, souvent, besoin d'être reconnus. Mais cette reconnaissance ne peut précisément venir que des autres, et par eux-mêmes. Rien de plus agaçant que ceux qui veulent le faire à notre place, que la vantardise. Non seulement cela ne mène souvent à rien, mais aboutit même au résultat inverse.

Le plus important est-il donc de paraître ou d'être ? Surtout lorsqu'il s'agit des projets de Notre Seigneur pour nous, d'être présent à son appel. Ce rôle discret, mais finalement primordial de Joseph l'amena tout d'abord à paraître peut-être comme "la 5ème roue du char" et l'objet de
moqueries. Mais s'il s'y était refusé, ou s'il avait voulu en tirer le bénéfice pour lui-même, que serait-il arrivé ? Et certainement dans notre entourage aussi, tant de rôles discrets, mais néanmoins présents et qui permettent de grandir, de devenir, de faire ensemble. Accepter de
ne pas toujours vouloir que les autres nous ressemblent, mais les aider à être eux-mêmes et avec les autres.

Telle est la relation de Notre Seigneur envers nous, et donc celle entre nous, à laquelle nous sommes invités ; comme Joseph, accepter qu'à travers nous des rôles discrets mais efficaces soient joués ; vivre alors tant de choses auxquelles on ne pensait pas tout d'abord...

 

Amen.

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