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Eglise Protestante Unie de Narbonne

predications

Prédication au culte de Pâques, le 21 avril 2019 - Luc 24. 1-12

26 Avril 2019, 18:34pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

 Luc 24. 1 - 12

 

 

 Jour de LA fête, celle de la résurrection ( mot qui n’existe pas en tant que tel dans le grec du nouveau testament mais a été forgé pour dire l’indicible : se relever d’entre les morts. ) Fête qui fait toute la différence non seulement entre croyants et athées, mais entre chrétiens et croyants d’autres religions. C’est ce que dit joliment Christian Bobin ;

« Les quatre qui décrivirent son passage prétendent que mort, il s’est relevé de la mort. Là est sans doute le point de rupture : cette histoire qui emprunte bien des côtés à la lumière sereine d’orient, prend ici une dimension incomparable. Ou l’on se sépare de cet homme sur ce point-là et on fait de lui un sage comme il y en eut des milliers, quitte à lui accorder le titre de prince, ou on le suit et on est voué au silence, tout ce qu’on pourrait dire étant alors inaudible et dément. L’homme qui marche est ce fou qui pense que l’on peut goûter à une vie si abondante qu’elle avale même la mort. Ceux qui emboitent son pas et croient que l’on peut demeurer éternellement à vif dans la clarté d’un mot d’amour,  sans jamais perdre son souffle, ceux-là dans la mesure où ils entendent ce qu’ils disent, force est de les considérer comme fous. Ce qu’ils prétendent est irrecevable. Leur parole est démente et cependant, que valent d’autres paroles, toutes les paroles échangées depuis la nuit des siècles ? Qu’est-ce que parler ? Qu’est-ce qu’aimer ? Comment croire et comment ne pas croire ? Peut-être n’avons-nous jamais eu le choix qu’entre une parole folle et une parole vaine ! » ( Cf. « l’homme qui marche.»).C’est donc la fête de l’incroyable , du déraisonnable, de l’inimaginable et le texte biblique nous montre bien combien l’affirmation de Pâques est hors des normes humaines. Pourtant cette « résurrection », ce relèvement est le fondement même de notre foi. Paul le dit bien :

« Si le Christ n’est pas réveillé ( n’est pas ressuscité), votre foi est futile, vous êtes dans le péché et ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espérance dans le Christ, nous sommes les plus pitoyables de tous. » 1Co.15.17

 

 Donc folie de la résurrection, du relèvement. Le terme lui-même inexistant en grec, forgé par les traductions et les traditions, est compris comme échappant à la mort. Le terme me parle sous une forme qui n’a aucune valeur linguistique mais est suggestive : il est re-suscité : suscité à nouveau !

 Mais le texte biblique ne fait pas fi de cet irrationnel, de cet incroyable. Il n’offre pas de description tonitruante d’un Jésus sortant du tombeau, telle que les représentations moyenâgeuses ou autre ont pu nous en donner.

 Pourtant, d’une certaine manière, le récit de Pâques, c’est le monde à l’envers, et Luc en donne une version bien épurée. Nous sommes dans la tradition juive où le rôle des femmes est souvent secondaire. Pourtant ce sont elles qui les premières vont être au bénéfice de la nouvelle .. Nous sommes dans une démarche bien humaine, un rite, un rite ancestral qui remonte à la nuit des temps- lié à la mort et qui n’a pas cessé depuis. Ceci sans doute parce que la mort  ( elle aussi ) est l’impensable. On ne peut penser sa propre mort, celle-ci étant la négation de la pensée. La seule mort pensable est celle d’autrui. Les femmes vont donc au tombeau accomplir un rite. Ici elles ne se posent pas la question de savoir qui roulera la pierre , à la différence de l’Evangile de Marc ( Cf ; Marc 16 ) . à la différence de Matthieu aussi, l’aspect théophanique est réduit à sa plus simple expression : deux hommes en blanc resplendissant. La découverte des femmes est celle du vide.  Celui-ci est essentiel et constitue l’évènement. L’absence est très importante me semble-t-il dans la foi .« Théologie » de l’absence. Celui qui est absent et me manque est beaucoup plus présent dans ma vie que celui que je côtoie tous les jours. L’absence du corps de Jésus le rend, me semble-t-il, plus présent en elles. Les deux hommes sont là pour guider et expliciter ce vide. Jésus, Dieu, n’est pas pour nous à chercher dans les lieux humains même dits «  sacrés » ( Nb. Barbaries commises pour le St sépulcre dans l’histoire ). Christ Jésus n’est jamais où l’on croit qu’il est. Ce que disent les anges (= les annonceurs) c’est qu’il faut se référer à ce que Jésus a dit. Nous sommes, nous aussi appelés à écouter la « Parole du Seigneur » et non à le chercher dans des lieux où nous voudrions qu’il soit. De même dans le récit dit de la transfiguration nous est-il dit «  Celui-ci est mon fils, écoutez-le ! » et non «  adorez-le ». La réaction des femmes n’est pas ici celle de la peur ( contraire de la foi ). Elles se réfèrent aux paroles de Jésus et vont porter le message.

Le rôle de la Parole est essentiel chez Luc. Porter le message aux disciples constitue l’Eglise, non comme une institution, mais comme le lieu de partage de la Parole reçue. Ce qui n’empêche pas l’individualité de la foi ( ou du doute ! ). La Parole est nécessaire mais pas suffisante.  Pierre va vérifier- manque de confiance envers les femmes. ( mais en aurait-il été autrement si la nouvelle avait été portée par des hommes ? )-  Ce qu’il faut à chacun –comme à nous- au-delà de la Parole, c’est la rencontre . Et Pierre rencontre la même absence qui sous-tend la confiance. La confiance en la Parole invite à partir, à aller au-delà. Les femmes sont parties car «  il n’y a rien à voir ». La peur chez Luc est remplacée par l’étonnement et pas d’envoi vers la Galilée ( #Marc )

En fait, l’enseignement entier de Jésus nous renvoie vers un ailleurs !.Jésus ne se manifestera plus qu’aux croyants, qu’à ceux qui mettent leur confiance ( foi) en sa parole et celle-ci envoie dans des lieux où ils ne seraient pas allés d’eux-mêmes ( Galilée peu fréquentable- banlieues de nos villes ).

 Jésus est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !

Ce cri des chrétiens ne signifie pas que le corps de Jésus est réanimé, mais qu’il est dans la vie de celui qui l’écoute et le suit. Il le rencontre ainsi dans l’autre et l’autre doit le rencontrer en lui.

 

« « Vous êtes le Christ des autres. Ils n’ont pas d’autre Christ que vous, parce que c’est uniquement à travers vous qu’ils voient le Christ. Ils chercheront le Christ à travers vous, ils ne pourront l’aimer que dans la mesure où il sera aimable. Et c’est cela qui fait de l’Evangile la Bonne Nouvelle, parce qu’il y a là pour nous l’appel que nous adresse une générosité infinie qui se remet entre nos mains » affirme M. Zundel, ( théologien catholique suisse  proche du Protestantisme )

 Ainsi échappons- nous à la parole vaine dont parle C.Bobin, en vivant d’une parole folle- c’est-à-dire dépassant notre raison- mais qui nous fait vivre d’une vie éternelle ( et non perpétuelle) c’est-à-dire hors du temps.

Dans chaque rencontre humaine dans l’amour, Christ est re-suscité. Suscité à nouveau à travers l’amour infini qu’il a manifesté, et qu’il manifeste à travers nous à l’humanité.

La résurrection n’est pas à prouver, elle est à vivre à chaque instant, dans le quotidien, sachant que Christ n’est pas là où l’on croit le trouver, mais là où l’on écoute sa Parole et on la vit.

 

Jean-Pierre Pairou Segarra

21avril 2019

 

 

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Prédication du culte du dimanche des rameaux, le 14 avril 2019

14 Avril 2019, 17:04pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Luc 19 : 28-40

 

Le ministère terrestre de Jésus se termine à Jérusalem…

 

Les quatre évangiles (les synoptiques et Jean) divergent pour raconter le ministère de Jésus, mais ils se rejoignent étonnamment pour présenter ses derniers jours à Jérusalem, à commencer par l'entrée triomphale du jour des Rameaux.

Dans chacun des évangiles, la traversée de Jéricho et l'entrée à Jérusalem marquent le début de la dernière partie du voyage de Jésus sur la terre.

La lecture des quatre récits donne le ton : nous sommes lancés dans un joyeux cortège pour acclamer le Messie.

 

Frères et sœurs, même si cette ferveur est le fruit d’un malentendu puisque nous, nous connaissons la suite des évènements (la trahison, le reniement, le rejet, la souffrance et la mort), je nous invite à rester dans la joie de cet accueil triomphal que nous appelons la fête des rameaux.

 

Après une brève description du cadre par l’évangéliste Luc, tout se met à bouger, avec l’envoi de deux disciples pour préparer un cortège qui culminera dans l’acclamation de la foule. Jésus accomplit le pèlerinage juif de la Pâque. Les deux villages ici nommés font partie de l’itinéraire des pèlerins venant de Jéricho. Mais le mont des Oliviers, dont Jésus va descendre la pente, rappelle aussi le prophète Zacharie 14, 4. Pour ce prophète, c’est là que viendrait le Seigneur au terme de l’histoire. L’ordre donné aux émissaires et son exécution (à Bethphagé) se correspondent exactement.

Nous avons affaire ici à un Jésus qui a une maîtrise parfaite des événements.

 

L’Evangéliste nous raconte une scène évocatrice : Jésus savait qu’un âne est à sa disposition à un certain endroit du village. Il envoie ses disciples chercher cet âne, qui dans la Bible est la monture des rois, et on le lui donne sans discuter.

 

Avec une parfaite maîtrise, il ne doute pas que tout se passera comme il l’aura prévu ; il dit à ses disciples : « Si quelqu’un vous demande, pourquoi faites-vous cela ? », dites-lui : « Le Seigneur en a besoin ». L’assurance de Jésus est totale, et tout se passe exactement comme il l’a dit.

Et le terme utilisé, Seigneur, anticipe la manière dont les croyants appelleront Jésus après sa mort.

Nous avons ici affaire à un Jésus qui s’inscrit dans ce que la tradition juive disait du Messie ; selon cette tradition, le Messie devait entrer à Jérusalem par son côté Est, en descendant du mont des Oliviers, exactement comme le fait Jésus.

Jésus semble avoir voulu cette formule, (c’est-à-dire mimer l’entrée du roi dans sa ville) car, le scénario entend rappeler et accomplir les Écritures. Pour la tradition juive, dans les récits prophétiques, l’ânon était la monture du Roi Messie espéré, à la différence des rois autoritaires juchés sur un cheval, monture de guerre à l’époque. Et si, selon Luc, personne n’a encore chevauché l’animal, c’est que la providence l’a réservé au Seigneur.

 

 

Jésus «s’assoit» sur l’âne en une posture royale.

Jésus est celui qui accomplit la volonté du Père, et il savait où trouver tout ce qui était nécessaire pour accomplir son service, qu’il s’agisse de l’âne dans ce chapitre, ou de la grande pièce garnie au chapitre 22, pour le dernier repas, ou en d’autres occasions….

 

On honorait le roi en étalant les manteaux comme un tapis (ainsi en 2 Rois 9, 13). Le feuillage cueilli rehausse la solennité de l’évènement…

 

 

Frères et sœurs, Luc rapporte que toute la foule des disciples, remplis de joie, se mettent à adresser à haute voix des louanges à Dieu (précision chez Luc) pour tous les signes qu’ils avaient vus : « Béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts ! ». La foule chez l’évangéliste Luc est dans la dynamique du témoignage… :

On aura remarqué que, dans ce récit de Luc, le terme hébreu « Hosanna » n’est pas utilisé et il ajoute pour Jésus le titre de Roi.

 

Cette acclamation de la foule évoque le chant des anges à la naissance de Jésus (chapitre 2 : 14). Mais dans cette circonstance de l’entrée à Jérusalem c’est la foule qui célèbre la paix qui vient de Dieu et qui en rend gloire au Seigneur.

 

Cette paix doit être accueillie dans la foi mais Jérusalem avec ses leaders religieux vont la refuser. Déjà à l’entrée de la ville, le signal de ce refus est donné par quelques pharisiens qui intimaient l’ordre à Jésus de faire taire ses disciples !

 

Ceux qui crient ne sont pas les gens de Jérusalem, mais les pèlerins venus avec Jésus de la province. Ses disciples marchent à sa suite, et pas seulement ceux qui avaient passé trois ans en sa compagnie, mais une foule immense et aussi un certain Bartimée qui n’y est peut-être que depuis quelques heures.

 

Ainsi, Jésus entre dans Jérusalem, comme l’avait dit le prophète : « juste », « humble », et « ayant le salut ».

 

 

Frères et sœurs, par ce cortège joyeux, la foule explicite le sens de cet évènement: avec Jésus, arrive le Règne de paix et de bonheur, ce Règne autrefois promis au Roi David.

 

Jésus reçoit un accueil extraordinaire, et sa popularité ferait rêver tous nos hommes et femmes politiques : les gens étendent leurs manteaux sur le chemin pour en faire un tapis d’honneur.

Ils déposent devant Jésus des feuillages coupés dans les champs, et ils l’ovationnent ; ils voient en lui le Messie attendu, c’est pourquoi ils s’exclament : « Béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts ! ».

 

Frères et sœurs, cet épisode est joyeux ! Joyeux car il y a là une entrée triomphale du Messie dans sa ville. Cette messianité pacifique et annonciatrice de réconciliation réjouit tout le peuple.

Parmi les plus excités dans la foule, on peut imaginer ceux qui vocifèrent : « nous étions exclus et marginalisés et il (Jésus) nous a restaurés dans notre dignité ». Dans cette foule, il y a des femmes et des hommes, à coup sûr, qui portent des vêtements usés, des mendiants, des moins-que-rien. Il y avait aussi ceux qui s’en mettaient plein les poches en collaborant avec les romains avant de tout laisser pour suivre Jésus, un certain Matthieu était même collecteur d’impôts. Il doit y avoir d’anciens boiteux, des malades rétablis, des gens qui ont changé de vie grâce au message libérateur de ce nouveau maître….Cette foule se réjouit, elle est en extase…On pourrait y voir une immense communion entre le peuple et son berger, son roi…

 

Ici, c’est la seule fois que Jésus accepte de se révéler comme roi. Oui, maintenant Jésus n’hésite plus à se révéler au grand jour, et c’est ce qui donne au récit son côté lumineux. La foule l’acclame et le reconnaît comme le Roi et le Messie attendu. Roi et Messie, Jésus l’est véritablement même si son heure n’est pas encore venue.

 

Frères et sœurs, la fête des Rameaux, c’est la réalité de la foi avant l’heure. La fête des Rameaux, c’est le dévoilement de ce à quoi, par la suite, seule la foi donnera accès. Oui, la fête des Rameaux est une parenthèse prophétique, elle anticipe la fin des temps.

 

Oui, Jésus, c’est le roi rêvé ! Il guérit et enseigne ! Dans tout cela, il n’y a aucune fausse note…Toutes ces personnes, ce jour-là, attendent d’ailleurs, encore plus de ce roi !

 

Rien, absolument rien, ne nous laisse présager la suite, rien ne nous laisse présager l’imminence de la Passion, quelques jours plus tard.

 

Et oui, frères et sœurs, c’est tout le paradoxe de ce moment, c’est tout le paradoxe de cette fête des Rameaux, qui vient clore notre temps de Carême….

 

Jésus sait, lui, le prix qu’il devra payer pour une libération toute autre. Sa vie donnée le vendredi suivant, donnée volontairement, c’est la porte ouverte sur l’amour et le don de soi. Il vient revisiter nos vies pour y déposer la paix ; il est roi de paix.

 

Oh certes, Jésus sait aussi bien de quel bois nous sommes faits et combien il nous est difficile de mener le combat de l’amour.

 

Jésus sait que le lundi et le mardi, nous acclamerons son royaume, et que le vendredi et le samedi, comme la foule et les disciples nous serons dans l’accusation, le déni, et la lâcheté….

Il le sait, il l’accepte, il nous aime….

 

Frères et sœurs, le jour des Rameaux, ce qui est posé, c’est un acte symbolique fort qui va nous engager à notre tour dans ce combat pour la paix et l’amour à la suite de Jésus. Il est le roi de paix, Messie humble et compatissant, fils du Père plein d’amour et il nous invite à le retrouver dans notre histoire et dans  notre fragilité.

 

Frères et sœurs, la fête de Rameaux commémore bien l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. Elle est aussi très exactement la fête qui célèbre l’entrée dans nos vies, dans le plus secret de nos vies, de ce Messie paradoxal, tout-puissant et en même temps sans aucun pouvoir car sa toute puissance s’exprime dans la force de son amour. Son royaume n’est pas de ce monde, en effet, car c’est avec les yeux de la foi seulement que nous pourrons discerner et voir ce qu’il nous révèle en vérité. Son royaume n’est pas de ce monde. Mais il s’y trouve cependant mystérieusement présent. Telle est notre certitude….

 

Dans cet épisode des Rameaux, Jésus est véritablement roi, il est roi avant l’heure. Mais il n’est pas le roi que les gens attendent. Il a renoncé au pouvoir pour le pouvoir. S’il est aussi si acclamé par la foule, c’est parce qu’il y a un malentendu, et ce malentendu se révélera quelques jours plus tard lorsque ces mêmes gens changeront d’attitude et demanderont sa mort. Lui, il le sait, mais il est le seul à l’avoir compris : même ses disciples sont encore dans l’illusion, il a bien essayé de les prévenir, mais ils ne pouvaient pas le concevoir.

 

Frères et sœurs, entrons donc dans cette joie sans modération….Seule la foi peut surmonter le scandale de la Passion et nous faire échapper à l’ambiguïté qui caractérise ce récit. Prenons donc conscience de la foi qui nous anime, cette foi qui ne retient que le positif sans se faire d’illusions sur le tragique qui reste la marque de notre réalité terrestre.

 

« Béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts ! »

 

Amen !

 

Charles KLAGBA

 

 

 

 

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Prédication du culte du dimanche 7 avril 2019.

7 Avril 2019, 17:55pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Jean 8, 1-11

 

Nous venons de relire une fois de plus la péricope si connue de la femme adultère. Si connue et  si souvent commentée. Que vais-je en dire, que m’inspire-telle aujourd’hui ?

Ce texte est tardif, probablement ajouté au IVe siècle à l’Evangile de Jean, lui-même écrit à la fin du Ier siècle. Il est connu dans la littérature apocryphe mais ne se trouve pas rapporté dans les évangiles synoptiques. Certains biblistes pense qu’il aurait pu se trouver dans Luc au chapitre 7 après la péricope sur la femme pécheresse.

Texte terrible au premier abord, quand on connaît les dispositions des articles de loi prescrits en Lévitique 20.10, dans Deutéronome 22.22. Quand un adultère était constaté, les amants étaient lapidés.  Les deux. Même en cas de viol, quand il était public, les deux étaient lapidés. Seul l’homme l’était quand le viol était commis en privé comme l’indique Deutéronome 22.23-25. Oui, terrible ! Et pour nous, cela raisonne encore avec effroi quand on sait que la lapidation se pratique encore dans certaine partie du monde oriental…

Commençons par resituer le contexte.

Nous sommes à la fin de la célébration de la fête des Tentes pendant laquelle Jésus a enseigné au temple. La veille encore, les grands prêtres et les Pharisiens avaient envoyé leurs gardes pour l’arrêter, mais ils ne le leur avaient pas livré Jésus les ayant plutôt convaincus : « jamais homme n’a parlé comme cet homme ! » leur dirent-ils.

Les Pharisiens et les scribes ont donc cherché à lui tendre un piège en lui présentant cette femme, soi-disant prise en flagrant délit d’adultère. Leur idée était d’amener Jésus à prononcer une sentence qui soit en contradiction avec la loi de Moïse afin de le mettre dans l’embarras et de pouvoir le condamner.

Voilà cette pauvre femme, adultère, présentée à Jésus, seule « au milieu » d’eux.

Dans cette péricope, peu importe qu’il n’y ait pas de témoins comme la loi le requiert,  peu importe l’adultère, finalement. D’ailleurs des commentaires d’auteurs apocryphes relatant cet épisode, par exemple ceux d’Eusèbe de Césarée et de Didyme d’Alexandrie, parlent d’une femme accusée «de « nombreux péchés ». Peu importe l’absence de l’amant qui devrait lui aussi être lapidé, peu importe l’absence du mari, peu importe que l’auteur ne nous dise rien de ce que Jésus a dessiné ou écrit par terre, sinon l’auteur l’aurait probablement précisé.

Le sujet est donc ailleurs.

 

Dans ce texte, on peut imaginer que nous assistons à une joute : d’un côté les Pharisiens, de l’autre Jésus et, « au milieu », la femme dont le sort est complètement indifférent à ses accusateurs. Les grands prêtres, les Pharisiens sont de bons juifs observants, dont le zèle les conduit à condamner à la lapidation sans état d’âme et probablement de bonne foi. De bonne foi, tel Paul qui, plus tard, emporté lui aussi par le zèle de sa foi de juif observant, participera aux premières persécutions de chrétiens, au martyr d’Etienne, avant de se convertir sur le chemin de Damas.

 

Jésus, dont l’enseignement se répand d’autant plus rapidement que ses commentaires sont nouveaux et libérateurs, Jésus est considéré comme un rabbi savant, tout comme ses adversaires. Pour ces derniers, c’est intolérable. Les grands prêtres et les pharisiens vont donc le provoquer à propos d’un cas considéré comme très grave. Nous nous trouvons sur le terrain de la transgression grave face à des juges sans état d’âme, impitoyables et une justice aux dispositions funestes.

 

Nous voyons donc avec Jésus, interrogé par les Pharisiens, cette femme « au milieu » d’eux. « Dans la loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi qu’en dis-tu ?» questionnent-ils.

 Jésus ne répond pas tout de suite, il se penche vers le sol et se met à « « tracer des traits » signale la TOB, « à écrire » dit d’autres traductions. Je l’ai déjà dit, ce n’est pas ce que Jésus inscrit sur le sol qui est important, mais le temps qu’il laisse aux accusateurs pour interroger leur propre conscience.

« Comme ils le pressaient », relate l’épisode. Jésus leur répond enfin : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. »

Puis il se penche à nouveau vers le sol et recommence à tracer des signes sur le sol.

La femme, elle, ne dit rien. Elle est là, simplement « au milieu » d’eux, triste témoin de ce terrible dialogue.

Pitoyables, les Pharisiens réfléchissent et s’en vont l’un après l’autre, des plus anciens aux plus jeunes. Jésus les a renvoyés à eux-mêmes. Leurs consciences ont parlé.

La première leçon nous arrive ainsi en pleine figure.  Comment peut-on juger autrui, quand soi-même on sait ne pas être irréprochable, quand on sait que l’on est faillible ? Un jour, un fils qui suivait de bonnes études de droit, était interrogé par son père. Il lui demandait s’il envisageait d’entrer à l’école de la magistrature, lui répondit, que non, il n’y pensait pas, qu’il ne souhaitait pas devenir juge, car juger autrui, lui semblait trop difficile. Ce fils est devenu avocat…

Mais revenons au texte.

Ainsi, Jésus et la femme se retrouvent seuls, l’un en face de l’autre, et soudain, tout change. Nous entrons dans une tout autre dimension. La femme reste là, face à Jésus, avec Jésus.

Augustin à propos de ce récit a écrit: « Deux sont restés, la misère et la miséricorde. »

Jésus se redresse et lui parle enfin : « Femme où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ?» ; « Personne, Seigneur ! » Jésus lui dit alors : « Moi non plus, je ne te condamne pas : va et désormais ne pèche plus. »

 

Misère et miséricorde. Que retenir ?

Jésus ne dit pas grand-chose, mais il dit tout. D’abord, connaissant la faiblesse humaine, il nous apprend qu’il ne faut pas juger ou du moins, que les critères de la justice humaine ne sont pas les siens, ils ne sont pas ceux de Dieu. Lui est miséricorde. Il ne juge ni les Pharisiens, ni la femme. Et nous ?...

Quant à la femme, il ne lui dit pas « je te pardonne », mais « « je ne te condamne pas. »  Dans le dialogue entre les deux, la femme ne demande pas pardon et Jésus, lui, la sait pécheresse. Jésus sait la faute, la faute est sûrement condamnée, mais pas la femme.

Là est l’infinie miséricorde divine : il relève la femme : « Va et désormais ne pèche plus. » C’est une libération et un envoi. Nous ne savons pas ce qu’a fait la femme à la suite des paroles de Jésus. A-t-elle fait pénitence au temple, est-elle allée trouver son mari pour lui demander pardon ?

L’auteur n’a pas jugé bon de nous en donner le dénouement.

Le nœud de l’enseignement de Jésus dans ce récit réside donc bien, premièrement dans la constatation de la misère de notre condition, la possibilité de choisir de ne plus fauter, de se relever. Jésus montre que cela est toujours possible, même dans les cas les plus graves comme celui qui nous est exposé ici. Deuxièmement dans le fait qu’il est difficile de juger son prochain sans avoir fait soi-même son examen de conscience.

Actualisons cet enseignement à l’aune de ce que nous vivons aujourd’hui.

 

Faut-il tout pardonner, faut-il tout effacer ?

Prenons le cas des crimes sexuels dont nous entendons parler aujourd’hui à propos de l’Eglise catholique ou aussi dans l’Eglise Baptiste américaine.  Ils sont encore plus graves que l’adultère de la femme de notre histoire, puisqu’il s’agit d’abus de jeunes enfants par des adultes ayant autorité. Voyons aussi d’autres crimes : les crimes de certains dirigeants, je pense à Ceaucescu, à Saddam Hussein, à Kadhafi, plus récemment les dirigeants de Daech ou de l’Etat Islamique, et d’autres, simplement éliminés sans justice, mais jugés par la vindicte de quelques-uns.

Il y a toujours des gens pour lapider. Oui, on lapide encore réellement dans certains pays, mais on lapide aussi sur internet, sur les réseaux sociaux, dans les médias, souvent sans discernement ni mesure. Jésus ne nous invite -t-il pas à nous demander si nous aussi nous ne sommes pas pécheurs ? Sommes-nous blancs comme neige ? Sommes-nous irréprochables ?

Nous pouvons être compatissants pour les victimes de tous ces gens-là. Tous ces crimes ne devraient pas exister. Nous aussi nous aimerions que les coupables de toutes les horreurs dont nous entendons les échos disparaissent ou soient éliminés.

Pourtant, la disparition des coupables ne change rien pour les victimes. Plutôt que de justice impitoyable ne faudrait-il pas plutôt mettre toutes nos forces à l’écoute et l’accueil, l’accompagnement et la reconstruction des victimes ?

Quant aux coupables, Jésus par son message, nous fait réfléchir et nous introduit dans le monde de la miséricorde. Il est vrai que tout le monde n’a pas la chance de rencontrer Jésus, ni d’entendre son enseignement…

En relevant la femme adultère, ne nous conduit-il pas à réfléchir sur de que l’on nomme la « justice restaurative » ? Soigner, éduquer les coupables, les mettre en contact avec leurs victimes, les engager dans une démarche de demande de pardon de réparation, c’est ce qui se pratique dans certains pays d’Europe du Nord.  Des essais se font ici ou là.

Le récit de Jean ne nous conduit pas à tout pardonner, tout effacer, je ne le crois pas. Il nous demande de nous poser la question de savoir si nous sommes justes. Justes, c’est-à-dire en paix avec ce que nous sommes quand nous avons à juger des délinquants, des coupables. Les traitons-nous à l’aune de nos propres faiblesses ? Pratiquons-nous une vraie justice ? Sommes-nous dans une démarche de miséricorde ?

Posons-nous la question. Posons-nous la question à chaque fois que nous réagissons un peu vite, de façon épidermique à un événement déviant. Sommes-nous les enfants du Far West à la « gâchette facile » ou les enfants du Seigneur ?

Quand nous sommes devant des crimes ou fautes graves, à la suite de Jésus, soyons attentifs, créons des espaces « au milieu » comme la place qu’occupait la femme adultère entre les Pharisiens et Jésus, des espaces où chacun, face à sa faute, quelle qu’elle soit, peut se reconstruire, se relever, se libérer.

« Je suis la lumière du monde, dit Jésus, au verset qui suit notre péricope. « Qui me suit ne marche pas dans la nuit ; il aura la lumière de la vie. »

A l’imitation de Jésus, face à la misère humaine, soyons miséricorde !

Amen.

 

Georges d'Humières

 

 

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Prédication du culte du dimanche 24 février 2019 Luc 6, 27-38

25 Février 2019, 09:56am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

 

Lc 6, 27-38

 

Oui, vous avez bien entendu…

Et pour le dire d’une façon plus simpliste, on est entré dans le dur avec l’évangile de ce jour !

 

Car après les béatitudes, « les heureux et les malheureux » c’est, rappelez-vous ce que nous avons entendu la semaine dernière, Luc nous interpelle, et de quelle façon ! « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient »…

 

Et l’évangéliste va très loin, « aimez, faites du bien sans rien espérer en retour […] soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux, ne vous posez pas en juge […] ne condamnez pas […] acquittez »…etc. etc.

 

Oui, Frères et sœurs, fini les vacances, je le crains…

 

Les vacances, je veux dire les vacances de l’esprit et du cœur, les vacances de nos spiritualités tranquilles et sûres d’elles mêmes, et que l’on a peut être parfois tendance à porter en bandoulière, « comme j’ai la foi, comme je suis libéral, comme je suis bon protestant »…bien sûr nous ne l’exprimons jamais ainsi, mais n’est-ce pas ce qui peut guider inconsciemment notre esprit, quand nous jugeons, ou critiquons, oui, oui, nous jugeons, nous critiquons l’autre, ça nous arrive….

 

Celui-là qui n’est pas assez libéral, ou cet autre trop figé dans son passé, celle-ci qui est beaucoup trop conservatrice, ou celui-là…Que tel ou telle ici ne se sente pas visé, frères et sœurs, surtout pas, parce que, je le crains, nous sommes tous plus ou moins visés…

 

Car oui, pris à la lettre cet Evangile nous trouve tous pécheurs.

 

 

Vous vous rappelez l’horreur de l’attentat au Bataclan, ce massacre de tant de nos concitoyens, de même au magasin d’alimentation Casher, et puis Nice…Vous souvenez-vous de la lettre de ce journaliste Antoine Leiris qui a perdu sa femme, elle était au Bataclan, il se retrouve avec leur bébé, et il écrit cette lettre avec ce titre « vous n’aurez pas ma haine »…lettre, qui est devenue un livre dans lequel il raconte son quotidien avec son fils…C’est bouleversant.

 

Je ne suis pas certain qu’à mon tour, j’aurai pu écrire une telle lettre…oui je vous l’avoue, je pense que j’aurai eu de la haine envers les meurtriers. Elle ne sert à rien bien sûr cette haine, mais née dans le tréfonds de l’intime elle peut être, pour celui qui l’éprouve, un moment de survie pour la vie de ceux qui restent, et pour sa vie à lui…Mais évidemment il ne faut pas en rester là, il faut savoir se faire aider, travailler, laisser le langage dire la douleur, dire le chagrin et l’envie de faire justice…canaliser cette haine en rage, puis en colère, puis en envie de vivre malgré tout, mais ce sentiment est aussi un sentiment de survie…il faut le savoir.

 

Ceci est un exemple exceptionnel, mais il peut servir à nous montrer combien le chemin à parcourir peut être long et difficile, et qu’il repose sur un regard sans complaisance sur nous.

 

Nous ne sommes pas tous fait de la même pâte humaine. Nous avons des histoires qui nous ont façonnés…même aux plus anciens d’entre nous, la rencontre avec le Christ ne s’est pas passée de la même façon…notre protestantisme a suivi des traverses parfois opposées, luthériennes, calvinistes, baptistes, évangéliques…

 

Je viens d’une autre Eglise, vous le savez, mais j’ai ressenti au plus profond la joie de votre liberté de penser, de votre liberté d’être, cette liberté transmise par les anciens, comme se transmet le trésor d’un héritage intime, elle est nourrie par les larmes et les joies de l’histoire et est venue à la rencontre des larmes et des joies de ces nouveaux protestants, dont je suis, et si fiers de votre accueil…

 

Mais avons-nous pris toujours le temps de réfléchir ensemble à ce que ça pouvait signifier aujourd’hui de croire en Sa résurrection à la lumière de nos expériences, de nos vies, de nos espoirs ?

N’avons-nous pas parfois succombé à l’écume des jours,  quand nous appelait l’espérance des vies humaines et des aubes nouvelles ?

N’avons-nous pas oublié nos rêves ? N’avons-nous-pas fait passer le faire-Eglise, l’institution,  devant le faire-fraternité ?

N’avons-nous pas donné trop de place aux lois statuts et règlements, au détriment de La Parole, de la libération qu’elle apportait à chacun, quand Lui, lui se retirait sur la montagne avec ses disciples et priait…

 

Prier, « que ton nom soit sanctifié », « que ta volonté soit faite » « Pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé »… Que sont devenus les mots du Fils dans nos histoires individuelles ?

Sont-ils ceux d’une danse qui tourne dans nos têtes, ou bien le signe d’une halte bienvenue pour un partage entre nous, entre sœurs et frères ? Savons-nous pardonner vraiment ? Avec quels mots ?

 

Ne nous sommes-nous pas servis parfois d’autres mots entre nous, ou envers d’autres enfants du Père, comme on se sert des armes ?

 

Mais le Seigneur nous demande de laisser tomber les armes…

 

Alors regardons-nous maintenant dans la glace de notre conscience et de notre foi…Quelle image nous renvoie-t-elle ? Que nous demande le Seigneur ?

 

Un changement radical !

 

Le Seigneur ne transige pas. Il s’agit de laisser là nos réflexes, et d’entendre une autre voix.

Il s’agit en effet d’inverser nos réflexes ordinaires, terribles réflexes de nos vies, de notre quotidien : réflexe du talion, qui nous fait rendre le mal pour le mal, souvenez-vous quand la peine de mort était encore dans le code pénal, les cris de ceux qui réclamaient la mort dans telle ou telle affaire, et la foule qui venait voir les têtes tomber quand la peine était encore publique…

Réflexe de  violence parfois pour un oubli, ou d’agressivité pour un manque d’égards.

Voyez ces comportements des conducteurs au volant de leur voiture, l’épisode des « gilets jaunes » a mis en lumière bien sûr la violence inadmissible dans la rue, mais aussi cette autre violence animale, d’automobilistes qui bloqués parfois, ont foncé sur des barrages humains, parce qu’ils étaient retardés, oui ils ont foncé au mépris de la vie de ces femmes et hommes devant eux.

Violence brutale, animale, ai-je dit, phallique, oui phallique disent mes amis psy…On n’est plus étonné alors devant ces violences faites aux femmes, dont on a abusé de l’âme et du corps, qui deviennent des propriétés, comme la voiture, le fusil, ou le chien…

Manque d’égard, voyez comment parfois dans certains guichets les agents publics sont traités…

Réflexe de l’égalitarisme, du donnant-donnant, du « rien pour rien », qui nous fait guetter en tout la récompense immédiate et mesurable.

Qu’avons-nous fait du don de la vie qui nous a été fait ? Frères et sœurs, je le crains, nous sommes nos premiers ennemis.

Je pense qu’une lecture de cet Evangile peut nous conduire à nous questionner. N’avons-nous pas oublié de nous aimer, au lieu de nous confondre en culpabilité bien pensante qui nous laisse penser que nous avons tout compris?

Car je crains que nous n’ayons compris que peu de chose à son message. Cette culpabilité nous empêche d’aimer le monde, alors la  place a été laissée à ce qui a parfois perverti nos vies.

Face au précepte que nous a laissé le Seigneur, nous prenons conscience du peu de place que tient dans notre cœur la gratuité, la vraie, celle qui ne sera connue de personne hormis de Dieu.

« Ne rien attendre en retour », nous dit-il.

Oui Frères et sœurs, le Seigneur nous appelle à une autre réalité, à un amour vrai. L’amour vrai consiste à faire vivre la vie, toute la vie.

L’amour c’est toujours une initiative, un amour qui commence le premier. Un amour toujours déjà heureux, un amour c’est un don.

Et c’est bien ainsi d’ailleurs que procède l’amour de Dieu, comme le souligne Jésus : « Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants ».

 

Que nous dit Jésus ?

 

Plus de loi du talion, plus de vengeance…mais un autre comportement, Un supplément d’être, une autre vie est possible.

 

Encore une fois, il ne s’agit pas de culpabiliser,  il ne s’agit pas de mettre la tête sur le billot, il ne s’agit pas de battre sa coulpe tous les jours ou de vivre dans l’irréalité des « bisous-nours »…

Non mais tendre la main, ou se déclarer prêt à l’échange, au dialogue, à la tâche partagée…tendre la main à cet autre, si différent de moi me semble-t-il, mais quand je le regarde, je m’aperçois qu’il me ressemble comme un frère..

 

Evidemment ça peut ne pas marcher, mais le pas fait, simplement, humblement, sera le pas de la fraternité, et sera imprimé chez celui, ou celle qui le refuse…ce n’est pas un premier pas, c’est le pas du don de soi qui permet à l’autre de s’ouvrir à lui-même.

 

Mais « Il faut prendre le temps pour allié, la bonne attitude ne peut venir qu’au bout d’une recherche patiente de ce qui est le mieux dans un contexte donné. Il faut prendre le temps d’écouter les différentes opinions pour que chacun puisse aller au bout de ses idées ».

 

Frères et sœurs, chrétiens sommes-nous ? Alors il faut avoir la conviction que l’enjeu n’est pas de défendre son idée à tout prix, mais de discerner la volonté de Dieu dans les évènements. Et là, la prière nous aidera à nous faire gagner un état de liberté intérieure… « Personne, vous le savez ne détient seul la vérité, une fois mon point de vue exposé, il y a une véritable ascèse pour accepter que mes idées ne prévalent pas »…C’est souvent le cas dans nos conseils…

 

Lorsque l’enjeu devient difficile, conflictuel, la discussion demande du temps, sans quoi on se dirige vers des solutions superficielles, il ne faut pas se laisser tenter par des réponses simplistes à des situations complexes.

« Il faut savoir tolérer l’incertitude, et la gravité de certaines questions. Le compromis n’est pas la compromission, c’est étymologiquement ce qui est promis avec, promis ensemble », écrit sœur Anne Chapell, n’est-ce pas une première étape ? Le vrai compromis n’est pas une construction mentale, c’est une expérience à vivre.

 

Jésus nous invite à répondre au monde comme il l'a fait - aimer, bénir, prier et offrir. Nous sommes appelés à le faire non seulement là où il y a quelque chose que nous approuvons, mais dans tous les cas.

Je demande à Dieu de m’aider à supprimer toute façon de voir qui me pousse à la méfiance, à juger, à condamner ou à cacher.

Oui, frères et sœurs, Jésus utilise un langage extrême, car oui, vous l’avez compris, c’est un langage extrême pour souligner l’importance de nos relations les uns avec les autres il est là le sens de cet Evangile,  c’est au moment ou l’autre nous dit « tu » que nous pouvons dire « je » et faire le pas qui nous permet de dire au Fils, « je t’ai entendu ».

Nous devons traiter les autres en étant conscients d’avoir reçu nous-mêmes le pardon de Dieu. Quand nous avons des difficultés avec les autres, il est bon d’abord de prier pour soi-même et, de savoir reconnaître nos propres fautes. Prier aussi pour les autres, parce que nous somme heureux qu’ils aient reçus la grâce de Dieu pour que le meilleur d’eux-mêmes émerge.

Frères et sœurs, essayons…

Alors comme le poète l’a écrit « un jour viendra, un jour comme une orange, un jour de feuillages au front, un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront, un jour comme un oiseau, sur la plus haute branche ».

C’était un communiste ce poète là…

Amen.

 

Patrick Duprez

 

 

 

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Prédication du culte du dimanche 17 février 2019 - Les béatitudes et malédictions. Luc 6, 17-26

17 Février 2019, 18:25pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Culte du dimanche 17 mars 2019. Eglise protestante unie de Narbonne 

Prédication : Jérémie 17,5- 8; Luc 6,17-26

 

Nous venons de le lire en Jérémie : « Maudit soit l’homme qui met sa confiance dans un être humain, qui prend la chair pour appui, et dont le cœur se détourne du Seigneur ! »

L’auteur connaît bien l’âme humaine ! Nous sommes enclins à n’avoir confiance qu’en nous, à ne compter que sur nous-mêmes, notre intelligence. Même pour expliquer la Parole de Dieu ou pour chanter sa gloire, nous comptons sur nos propres capacités, nos propres forces. En fait, c’est comme si nous pouvions vivre mieux par nous-mêmes qu’avec Dieu. Que peut-il pour nous ? Cela s’appelle l’incrédulité. Nous refusons de faire confiance à Dieu plutôt qu’à nous-mêmes. Ainsi sommes-nous faits.

Mais Dieu ne se contente pas de ce que nous sommes ; il nous appelle à autre chose. Il nous appelle à être ses enfants. Il nous appelle à écouter le Christ et à être ses disciples. Il interpelle les foules, il appelle des disciples, il nous appelle, qui que nous soyons, tels que nous sommes. Et nous ne sommes pas différents de la foule qui le suit.

Alors avec la foule, comme ces disciples, nous aussi nous l’écoutons.

Avec la péricope de Luc que nous venons de lire, nous entrons dans le long discours de Jésus, celui qui constitue le cœur de son enseignement.

 A l’inverse de Matthieu qui situe le discours sur la montagne, Luc le situe dans une plaine ou sur un plateau, selon les traductions. Luc parle d’une grande foule bigarrée, composée de juifs de toute la Judée, de Jérusalem et aussi d’une multitude de peuples du littoral de Tyr et de Sidon, des païens. Nous l’avons vu dans les chapitres précédents, cette foule a pu voir des miracles, des guérisons et elle suit Jésus, attirée qu’elle est par le prophète qui parle avec autorité, attirée par le guérisseur, celui qui a guéri la belle-mère de Simon, celui qui a permis la pêche miraculeuse, celui qui a purifié le lépreux, guéri le paralytique descendu par le toit, ou guéri l’homme à la main paralysée un jour de sabbat. Comment ne pas suivre un tel homme ? Tous espèrent l’entendre, tous espèrent guérison, tous veulent l’approcher.

Le lieu est plat, il ne permet pas d’embrasser toute la foule. Luc nous dit que Jésus lève les yeux vers ses disciples. Il s’adresse donc à ceux qui lui sont le plus proches, à ceux qui sont déjà dans une démarche d’écoute et de confiance : les Douze qu’il vient d’appeler et, peut-être, le terme de disciples le suggère, un cercle plus large. Ici Jésus ne parle donc pas à la foule qui ne peut l’entendre mais probablement à ceux qui peuvent déjà le comprendre.

En outre, la différence entre le récit de Matthieu et celui de Luc, nous laisse penser à une intention de déclaration dédiée à la multitude dans le premier, à une parole de proximité dans le second, un enseignement destiné à ceux que Jésus a choisi et qui seront envoyés par lui pour enseigner et guérir et prêcher la Bonne Nouvelle. Voilà pour le contexte.

 

Nous voici donc écoutant Jésus qui prononce quatre béatitudes, quatre bonheurs là où Matthieu nous en livre neuf. Quatre béatitudes auxquelles vont correspondre très exactement quatre malédictions en antithèse. Nous les écoutons avec les disciples qui sont devant lui. Laissons tomber notre fierté, nos masques, nos certitudes. Buvons à la source.

Comme le disait Jérémie, « Béni soit l’homme qui compte sur le Seigneur ». Heureux celui, heureuse celle, qui sait accueillir en lui-même, en elle-même, le creux, le vide, l’absence qui ouvre à autre chose. 

 

Tout d’abord attachons-nous au mot « heureux », « bienheureux », « béni », etc… autant de traductions pour traduire le mot grec « makarios ». Chouraqui le traduit, excusez-moi du « macronisme » par « en marche ! ». J’aime cette traduction qui traduit un dynamisme. Le bonheur ici est une disposition d’esprit qui consiste à comprendre que la béatitude devient paradoxe une dynamique fondée sur une écoute qui met en mouvement.

« Heureux êtes-vous, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ! »

Jésus s’adresse à ses disciples, à nous, en employant la deuxième personne du pluriel alors que, dans Matthieu 5, il utilise la troisième personne : « Heureux les pauvres de coeur, le Royaumes des cieux est à eux » dit-il. Ici, dans l’Evangile de Luc, nous sommes donc directement interpellés. « Heureux êtes-vous » : c’est le présent, heureux maintenant. Il ne nous demande pas d’être riches d’argent ou de pouvoir de savoir ou d’intelligence, mais au contraire, il nous est demandé d’accueillir le creux, le manque, le vide l’absence. Ce qui a du prix, ce n’est pas la possession, mais ce vide, ce creux où peut alors éclore la confiance. C’est ici que le Royaume se trouve, que Dieu nous rejoint. Chez Luc, le pauvre est celui qui éprouve le manque, sans préciser. Mais on comprend que sa théologie parle d’abord des exclus, des désespérés, des victimes de la précarité. Les pauvres sont au bénéfice de l’amour de Dieu. Ici le bonheur est don et grâce, il est élection de celui qui n’a ou n’est rien. Dans le Premier Testament, la luxure est une métaphore de l’éloignement de Dieu.

« Mais malheureux vous les riches : vous tenez votre consolation. » Voici donc l’antithèse. Vous les riches qui avez tout, vous avez tout maintenant, qu’attendre de plus ?  Malheureux ne doit cependant pas être pris au sens d’une malédiction pure et simple.

« Ouai », en grec, se traduit plutôt par « hélas ! », il s’agit donc plus d’une plainte, d’un regret. Si le riche est à plaindre c’est parce que son attitude envers l’argent, la propriété ou tout autre richesse empêchent sa relation à Dieu, sa relation d’amour à l’autre. Il est trop plein de tout pour faire une place à son prochain et à Dieu.

« Heureux, vous qui avez faim, maintenant vous serez rassasiés. »  Quand on a faim, excusez-moi encore une fois, en langage familier, on dit que l’on a « un creux ». Oui, celui qui a faim, là encore ressent un manque, un vide. Mais cette faim oriente vers la source de la vraie satiété, vers Dieu. Et Jésus souligne : « maintenant vous serez rassasiés ». Ce maintenant ne se trouve pas chez Matthieu. Le « maintenant » des épreuves est aussi et déjà le « maintenant » du Royaume. Il est et il n’est pas encore là.

Et l’antithèse : « Malheureux, vous qui êtes repus, maintenant vous aurez faim. » Je dirais que ceux qui sont rassasiés « manquent du manque » de la faim qui nous tourne vers la vraie satiété, vers Dieu, vers le Royaume. Les repus le sont maintenant, mais qu’auront-ils dans l’avenir ? Ouai ! Hélas ! ils auront faim, éloignés qu’ils sont de Dieu.

L’Evangile de Luc est qualifié d’Evangile social car il donne du relief à la dignité des pauvres et, au final, il exige le partage des biens.

« Heureux vous qui pleurez maintenant, vous rirez. » Antithèse : Malheureux vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez. »  Ce qui est vrai pour la faim est vrai pout l’affliction, la déréliction. Que sera la consolation de celui qui aura perdu la joie, la vie heureuse, qui en aura joui à satiété, pour son seul profit et qui finalement se trouvera un jour dans le chagrin ?  Maintenant, oui, le salut est pour ceux qui ont souffert.

Souvenons-nous de la parabole du riche et du pauvre Lazare, Luc 16, 19-31 : Abraham dit : « Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu ton bonheur durant ta vie, comme Lazare le malheur; et maintenant, il trouve ici sa consolation, et toi la souffrance. »

Enfin, la dernière béatitude : « Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent et qu’ils vous insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme. Réjouissez-vous ce jour-là et bondissez de joie, car voici votre récompense est grande dans le ciel, etc… » et son antithèse : « Malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous : c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les faux prophètes. » 

Les croyants savent ce que sont les sarcasmes, les persécutions qu’ils doivent souvent endurer pour Dieu, nous en avons des exemples très souvent dans l’actualité, mais, en même temps, qu’elle joie trouvent-ils dans le service du prochain pour la gloire de Dieu ! La joie est éphémère de celui qui est reconnu, honoré, aimé et qui demain tombera dans le déshonneur ou l’oubli. Où sera sa consolation s’il ne se tourne pas vers son Dieu ?

En fait, ce que l’on appelle les « malédictions », dont je vous ai dit tout à l’heure qu’il fallait les comprendre comme des plaintes ou des regrets, ces malédictions résonnent non comme de pures condamnations mais comme des mises en garde envers les riches, les repus, ceux qui éprouvent des bonheurs passagers non partagés et qui pourront connaître le deuil, ceux qui sont puissants, honorés, aimés et qui n’ont pas la sagesse de reconnaître d’où vient ce bonheur. Jésus, à travers le récit de Luc, prévient ses disciples et nous prévient de l’aveuglement risqué de la satiété et de l’éloignement de Dieu que provoque les richesses et bonheurs illusoires.

 

De cette péricope, nous pouvons dire que le Royaume promis est un renversement des valeurs, une contestation des pouvoirs, quels qu’ils soient. Dans une traduction du Magnificat que je trouve très belle, Marie dit à propos du Seigneur : « Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides. » Que j’aime méditer le Magnificat ! Comme les paroles de Marie semblent vraies et adaptées à notre monde d’aujourd’hui !

Pour conclure je vous lis une citation d’une femme rabbin dont j’aime la théologie très moderne ; elle dit à propos du judaïsme : « Du fait de la destruction du temple, le judaïsme est l’enfant d’une cassure, le résidu d’un effondrement. Il s’érige sur un gouffre qui ne cherche pas à être colmaté…dès lors, la vie juive ne se construit que dans la conscience d’une incomplétude qui lui tient lieu de fondement. »

Les chrétiens, disciples de Christ, ont aussi connu la cassure, le gouffre abyssal de la mort de Jésus sur la Croix. Mais ce qui est notre fondement, c’est la certitude que Jésus, le Ressuscité est venu nous dire que le Royaume s’est approché et que nos pauvretés, de nos manques, nos chagrins, loin de nous éloigner du Royaume, nous en rapprochent ici et maintenant pour peu que nous ayons l’amour dans le cœur et le goût du partage des richesses et des bonheurs qui nous sont dispensés, des dons et grâces que nous avons reçus.

Nous ne sommes pas différents des gens qui sont dans la foule qui suit Jésus, nous ne sommes pas différents des disciples. Je viens de le dire, nous avons nos pauvretés, nos manques, nos chagrins, nos souffrances, nos faims, mais sachons méditer et recevoir ces béatitudes, paroles de Jésus qui nous introduisent maintenant dans le Royaume. Soyons des disciples de Christ, dépouillés de la recherche de vaines richesses, de vaines possessions, ne cherchons ni honneur, ni avantage, ni reconnaissance. Soyons écoute, amour et partage les uns pour les autres et le Royaume sera bien là. Amen !

 

Georges d’Humières

 

 

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Prédication du culte du dimanche 2 février 2019: Luc 4, 21-30

5 Février 2019, 09:46am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

Luc 4,  21-30

 

L’Evangile de ce jour a été coupé en deux et je n’y suis pour rien : c’est le choix de la commission de liturgie qui choisit les lectures.

 Le même épisode de la prédication de Jésus à Nazareth a été lu et commenté dimanche dernier pour les versets 14 à 21. Aujourd’hui nous avons lu, et je dois commenter les versets 21 à 30.

 

Je vous rappelle le contexte. On est au début de la vie publique de Jésus. Il commence sa prédication en Galilée suivie de nombreux miracles qui assurent son autorité. Il se rend ensuite à Nazareth, sa patrie, un petit village « où il avait  été nourri » précise Luc. Il ne s’agit évidement pas que de nourriture matérielle. Un enfant grandit aussi avec l’enseignement, l’éducation, c’est pourquoi la TOB préfère dire : « là ou il avait été élevé.» Moi aussi j’ai été élevé dans un village et je me souviens que les parents n’étaient pas seuls à assurer l’éducation. Lorsque les parents n’étaient pas là, les voisins se chargeaient de nous surveiller et de nous remettre sur le droit chemin, le cas échéant car on était plus souvent dans la rue que les enfants d’aujourd’hui. J’oserais dire que le village était un milieu éducatif fermé où tout le monde se connaissait et savait ce que l’autre faisait. Un peu trop peut-être. On sent cette promiscuité de gens qui se connaissent dans la réflexion de Luc : « son père ne s’appelle-t-il pas Joseph ? et dans les récits parallèle de Marc et Mathieu, sa mère Marie, ses trois frères et ses sœurs sont nommés ; ce qui faisait de la famille de Jésus une belle famille nombreuse.  Jésus  était loin d’être un inconnu à Nazara. (Forme rare de Nazareth précise le commentaire du texte de Luc.) Je me demande si, tout simplement les gens ne disaient pas Nazara comme à Trèbes nous disons Carca plutôt que Carcassonne….

 

La chronologie adoptée par Luc pour le début de la prédication de Jésus n’est pas la bonne. En effet, au cours de la discussion dans la synagogue, les auditeurs de Jésus font allusion à des choses extraordinaires qui se sont passées à Capharnaüm. Or Luc n’en a rien dit jusque là. Ce n’est qu’après coup qu’il parlera de miracles et de nombreuses guérisons à Capharnaüm. Marc et Mathieu  placent effectivement la prédication à Capharnaüm avant le passage à Nazareth. Cette inversion volontaire de la chronologie n’est sans doute pas anodine, nous le verrons tout à l’heure.

 

Jésus est donc venu chez lui, dans son Nazara et, le samedi il se rend dans la synagogue du village, selon son habitude. Il était un juif pieux et pratiquant régulier. Au début, tout se passe bien. Il est reçu avec une certaine déférence. Après tout, c’est un « pays » qui a du succès dans la région. On commence à parler de lui comme de quelqu’un qui compte. Et puis, il y a ces prodiges qu’il accomplit ailleurs. S’il pouvait en faire autant ici …. Pour ce qui est du commentaire des Ecritures, on lui fait confiance ; bien souvent il est intervenu dans la synagogue du village où il a appris à lire et à écrire. Il est instruit et sage. Voilà pourquoi on l’invite à lire et commenter le texte du jour ou bien celui qu’il a choisi (ce n’est pas précisé clairement).

 

On vous l’a dit la semaine dernière, Jésus commente un passage du prophète Esaïe, je n’y reviens pas. Le résultat c’est que « tous lui rendaient témoignage, ils s’étonnaient du message de la grâce qui sortait de sa bouche » (ou peut-être des paroles pleines de grâce, de charme). Ils s’étonnaient d’autant plus que ces paroles étaient proférées par quelqu’un qu’ils connaissaient bien, dont les frères étaient probablement dans l’assistance.

 

Ils le connaissaient bien. Trop bien, peut-être et c’est la que commençait le problème. Il n’est pas facile d’accepter qu’un proche, quelqu’un que l’on a connu gamin vienne donner des leçons. Et puis,, est-ce qu’il ne se prendrait pas pour Esaïe, voire pour le Messie, le gamin ? Pourquoi le choix de ce texte ? « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction… » Après tout ce qu’on raconte de lui, au bord du Lac. Suspect !

 

 il est probable que Jésus a très vite perçu  des réticences puis de l’hostilité au fur et à mesure qu’il parlait. Souvent il n’en faut pas beaucoup pour comprendre que le climat change. Le jeune et fougueux prédicateur passe alors à l’attaque. Il provoque en disant tout haut ce que ses auditeurs pensent sans l’exprimer clairement : « Surement vous allez me citer ce dicton : Médecin, guéris-toi toi-même. Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm, fais-en donc autant ici, dans ta patrie (dans ton village).

 

Pourquoi ce qualificatif de médecin et de malade ? Jésus n’est ni médecin ni malade. Certes, mais les gens de Nazareth veulent le voir à l’œuvre, chez eux. On dit tant de bien de ses capacités de guérisseur, de sa compassion vis-à-vis des foules. Eux aussi, ils ont des malades, pour eux aussi la vie est dure. Tout leur pays est malade, malade de l’occupation des Romains, malade des injustices, des impôts trop lourds, d’un roi cruel et imprévisible, du travail précaire (paraboles  des ouvriers des ouvriers attendant sur la place qu’on les embauche). Que Jésus  fasse quelque chose, d’abord chez lui, et on le croira peut-être.

 

Tout cela s’est passé dans la tête des gens en une sorte de huis-clos au terme duquel Jésus a estimé que ses compatriotes n’avaient pas bonne mentalité. Ils n’en avaient rien à faire de son commentaire de l’Ecriture : ils voulaient du solide, des guérisons, un salaire, du pain, du travail. Au bord du Lac, on l’écoutait avec ravissement, on était reconnaissant de ses bienfaits, on sentait l’air frais de la Bonne-Nouvelle qui libère l’homme. Ici, sur la colline de Nazara, on voulait du concret, des prodiges, au moins autant qu’en bas, à Capharnaüm.

Non, décidément, ses compatriotes ne comprendront rien. Ils ne pourront jamais entrer dans les vues de Jésus : pour eux, la Bonne nouvelle, ce ne sera jamais que de l’assistanat. Alors il pousse encore plus loin la provocation.

 

« Oui, je vous le déclare, aucun prophète ne trouve accueil dans sa patrie. Il y avait beaucoup de veuves en Israël, au temps d’Elie…  et qu’il y eut une grande famine… Pourtant ce ne fut à aucune d’entre elles qu’il fut envoyé mais bien dans le pays de Sidon à une veuve de Sarepta. Il y avait beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Elisée, pourtant aucun ne fut purifié mais bien Naamân le Syrien ».

 

Les auditeurs n’y tiennent plus. Ils sont furieux. Jésus leur refuse ce qu’il donne aux autres. Et en plus, il se prend maintenant pour Elie et Elisée après avoir laissé entendre qu’il était Isaïe, l’oint de Dieu et peut-être le Messie !

 

La conclusion est d’une extrême violence : « En entendant ces paroles, ils se levèrent, le jetèrent hors de la ville et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline sur laquelle leur ville est bâtie, pour le précipiter en bas ».

 

Nazareth est en effet bâtie sur une hauteur qui domine la dépression que l’on appelle la Grande plaine, joignant le littoral, près du Mont Carmel, à la vallée du Jourdain. Les gens de Nazareth s’apprêtaient donc à faire subir à Jésus le supplice que les Romains appliquaient à leurs condamnés : ils les jetaient du haut de la roche Tarpéienne, sur la colline du Capitole. Sauf qu’à Rome, en principe, il y avait un jugement. Ici,  on a affaire à un pogrom.

 

Comment la chose était-elle possible dans ce peuple en principe civilisé qu’étaient les Juifs ? Civilisés, oui, sauf quand on touchait à l’Ecriture. A leurs yeux Jésus s’était pris pour l’envoyé de Dieu, même s’il ne l’avait pas dit explicitement. Dépités par sa provocation, ils ont utilisé, pour le châtier de cette impiété, l’argument suprême qui les mettait à l’abri de l’accusation de crime.

Pourquoi ses accusateurs ne sont-ils pas allés jusqu’au bout ? « Mais lui, passant au milieu d’eux, il alla son chemin. » nous dit Luc avec une sobriété laconique. N’ont-ils pas osé le pire ? ont ils reculé devant sa prestance de Jésus ? Ou bien des membres de sa famille  ont-ils calmé les plus excités ?  On peut tout imaginer. En tous cas, le seul miracle que Jésus ait réussi à accomplir à Nazareth, c’est d’avoir de peu échappé à la mort.

 

L’épisode du début de la mission de Jésus à Nazareth est à mettre en parallèle avec celui de la fin de sa mission à Jérusalem. Dans les deux cas il se trouve confronté à des gens qui attendent de lui autre chose que ce pour quoi il a été envoyé par la Père : des miracles, une vie plus facile, la délivrance du pays de ses occupants. Dans les deux cas il est condamné parce qu’il a laissé entendre qu’il était le Messie : « est-tu ou non le Messie, l’envoyé de Dieu ?, mais il ne peut se prononcer parce qu’il n’est pas le Messie qu’ils attendent. A la fureur des gens de Nazareth qui veulent le précipiter du haut de la falaise, répond celle des gens de Jérusalem qui le cloueront sur une croix.

 

Nous avons maintenant la réponse à la question du début : pourquoi Luc a-t-il voulu faire commencer la mission de Jésus par un échec à Nazareth quitte à tordre la chronologie ? C’est pour placer sa vie publique entre deux échecs…. apparents.

 

Mais alors, dans quel but ? Il importait à l’évangéliste  de montrer qu’il ne faut pas se tromper sur le plan de Dieu sur le monde. Il ne nous envoie pas son Fils pour résoudre nos problèmes quotidiens matériels,  grands et petits. C’est aux hommes de s’attaquer à cela.

Dieu envoie son Fils dans le monde pour  libérer les hommes de leurs aveuglements, de leur impossibilité de choisir le bien,  de leur manie de semer la division, de leur incapacité à oublier leurs intérêts avec, pour résultat, le mépris et la multiplication de l’injustice. « L’esprit du Seigneur m’a conféré l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue. » Voilà le sens de la venue du Messie de Dieu.

 

Jésus vient de Dieu dont il dit qu’il est son Père. Il vient aussi nous dire qu’il est un Père aimant pour les hommes. Il dit qu’il veut leur donner sa Vie la vraie. Il dit qu’il est le Dieu patient du pardon. Jésus vient annoncer cette Bonne-Nouvelle à Nazareth, mais il est rejeté et frôle la mort. Cela  ne l’arrête pas il passe au milieu de ses détracteurs et rejoint ses disciples au bord du Lac pour poursuivre sa mission.

 

Quelques mois plus tard, à Jérusalem, on se saisit de lui et il est mis à mort pour les mêmes raisons qui lui ont valu l’exclusion de Nazareth. Mais rien ne l’arrêté. De même qu’il a passé son chemin  à Nazareth, il passe au travers de la mort à Pâques, et il rejoint ses disciples à Emmaüs, au Cénacle et au bord du Lac de Galilée. Puis il retourne à son Père.

 

Entre temps il a délivré son message, il a ouvert les yeux, il a redressé les infirmes, guéri les lépreux. Des disciples ont recueilli ce message et, après vingt siècles il retentit ce matin encore dans ce Temple grâce à la force de l’Esprit. Quelle leçon  d’espérance ! Nous doutons parfois devant la manière dont le monde fonctionne et nous désespérons que les choses changent. Mais non, la Bonne-Nouvelle a été semée, l’Esprit est à l’œuvre comme une semence qui pousse sans bruit. Dieu nous aime ; Jésus a vaincu le mal et la mort à jamais, Voilà notre espérance. A nous de vivre et de dire cette Bonne-Nouvelle. Amen

André Bonnery

 

 

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Cana - Prédication du dimanche 20 janvier 2019

22 Janvier 2019, 14:31pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

JEAN 2, 1 à 12

Episode très connu qui n’existe que dans l’Evangile de Jean. Celui-ci est sans doute le plus récent. Le plus élaboré théologiquement ( «  Ecole johannique- influences gnostiques » ) L’intérêt de cet épisode unique est, d’une certaine manière lié justement au fait qu’il semble ne pas nous concerner . Son unicité fait également son intérêt comme les autre épisodes johanniques uniques ( Femme adultère, résurrection de Lazare.. )

 Les «  noces de Cana » inaugurent le ministère de Jésus sous des apparences anecdotiques mais qui, d’une certaine manière cette histoire est un résumé de l’Evangile.
Jésus vient de recruter es disciples et il est présenté comme «  fils de Dieu » . L’évènement est précédé d’une annonce eschatologique . «  vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du fils de l’homme » ( Cf . Daniel )

Jésus est invité à un repas de noces –La Bible recèle plus de repas que de prières et l’on retrouve le «  festin des noces de l’agneau » dans l’Apocalypse. Le repas nous fait oublier que nous avons des dents et sommes carnivores disait F. Quéré . Le repas partagé nous humanise.

Il s’agit là d’une noce de village en Galilée. Celle-ci est un endroit peu fréquentable de mélange des cultes et des cultures comme nos quartiers «  mal famés ».

Marie est présente, ce qui est là aussi particulier car elle est assez absente des textes évangéliques.

Nous avons un épisode qui résume l’évangile à travers une situation culturelle normale qui devient un «  monde à l’envers » . Tout semble «  inversé » dans cette épisode et cela fait son intérêt.

1°) Demande de Marie

Celle-ci porte sur un sujet «  futile ». Marie intercède, sans vraiment demander d’ailleurs, faisant un simple constat sur un thème sans vraie importance « ils n’ont plus de vin » Prière de demande qui rappelle les prières enfantines pour demander un cadeau et parfois celle d’adultes ( demande de faire une bonne affaire en vendant son logement.).

Jésus refuse assez vertement. Juge-t-il cette demande futile ? Le vin n’est-il pas important dans une noce ? Peut-être est-il important pour l’homme de savoir, de pouvoir faire la fête le «  festin des noces de l’agneau » est présenté comme un repas de fête, et l’on oublie sans doute que «  fêter » c’est aussi rencontrer Dieu.

Le refus de Jésus, presque déplacé, se situe dans l’ordre du temps. Jésus ne dit pas que la demande est futile, mais que son temps n’est pas encore venu. Pourtant ce refus, cette réponse suscite chez Marie la FOI « Quoiqu’il vous dise, faites-le ! ». Malgré la demande à contre-temps  Marie fait confiance ( foi) et invite à «  faire »

On voit dans cette partie que rien n’est futile et que Dieu est aussi celui de la fête . Cf. «  Pour un Christianisme en fêtes »  L. Gagnebin

 

De la même manière, le temps qui n’est pas encore venu est aussi le nôtre. Comme dans ce récit Jésus est venu, il est là, mais le Royaume est à venir. La foi est dans ce «  pas encore » . Avoir la foi, c’est avoir confiance malgré le « pas encore ». Invitation à agir dans la foi ! nous aussi sommes invités à faire «  ce qu’Il nous dira ( a dit ) »

2°) Attitude paradoxale de Jésus

 Malgré son refus apparent, Jésus transforme l’eau en vin mais utilise des objets étonnants voire repoussants : les jarres destinées aux ablutions ! Signe qu’il n’y a rien de petit, de vulgaire qui ne puisse être transformé en objet admirable. Ceci peut être rapproché de la symbolique du sang versé qui lave des impuretés. Un objet dérisoire peut devenir signe du Royaume ex : pain et vin de la Cène, eau du baptême. Paradoxe du Royaume ! Ceci est à rapprocher du lavement des pieds par Jésus qui remplace la Cène chez Jean. Le vin de la Cène est présent là dans les jarres des ablutions. Signe que le service, dans sa manifestation la plus repoussante parfois, peut être lieu de joie et présence du Royaume.

3° « Futilité » a-t-on dit

L’eau est transformée en vin alors que les convives ont déjà bu. C’est comme une glorification de l’inutile contre la recherche de l’indispensable. Signe que la grâce va toujours au-delà. Toutes les paraboles du Royaume vont au-delà de ce que l’on peut imaginer. Ici l’on va au-delà du nécessaire. C’est le Royaume du «  PLUS » ; Il se manifeste aussi dans le fait que le vin est  meilleur que celui déjà servi. Intervient comme un reproche de gâchis. « Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! »

4°) Tel fut le «  Signe »

Le premier des «  signes » de Jésus chez Jean est dans l’inutile, le futile mais aussi précisément dans la JOIE.

L’Evangile est souvent entendu comme une série de rêgles morales souvent tristes et peu engageantes. L’Evangile de Jean, au contraire, par ce récit des noces, renverse la symbolique pour nous faire entrer dans un «  Evangile de la joie », celui d’une noce et du bon vin.

L’évènement est révélateur. Jésus ne manifeste pas l’amour de Dieu par une théophanie grandiose mais par un acte riche en symboles mais futile et contraire à toute logique humaine «  bien- pensante ».

Puissions- nous vivre l’Evangile dans la Joie !

Jean-Pierre Pairou Segarra

20/01/2019

 

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Prédication du dimanche 6 janvier 2019 - La visite des Mages

8 Janvier 2019, 14:40pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Prédication du Dimanche 6 Janvier

Esaïe 60, 1-6 ; Matthieu 2, 1-12

 

Avez-vous bien entendu ? Des mages ont suivi une étoile, qui devait les mener auprès du roi des juifs…

Or ce roi venait à peine de naître, un enfant donc…par parenthèse rien ne dit que les mages étaient trois, et rien ne dit qu’ils étaient rois…en grec le mot magos peut signifier des prêtres perses, des magiciens, ou des astrologues babyloniens…

Mais ils devaient être des gens d’importance puisque reçus par le roi Hérode, et cherchant un roi, la tradition les a donc fait rois…

Mais revenons à notre Evangile, qu’avons-nous entendu ? Trois images me viennent à l’esprit.

 

D’abord l’image d’une étoile, elle est l’écho dans ces versets du temps long. Ils ont suivi une étoile, pour les mener vers un enfant nouveau né, le roi des juifs…

Ils ont suivi une étoile depuis l’Orient au pas lent de leurs chameaux...

Depuis l’Orient il faut comprendre de toute l’Arabie…

 

Que de jours et de nuits dans la rigueur et la solitude des déserts, dans les tempêtes de sable, dans le froid, et l’implacable chaleur de la terre de Babylone, de la Phénicie, de la Galilée, de la Samarie et de la Judée… un astre les guidait…

Arrivés à Jérusalem ils se sont enquis du lieu où se trouvait ce roi…tout Jérusalem fut en émoi, et Hérode sur son fragile trône trembla pour sa pauvre gloire.

 

A Jérusalem ce furent les scribes, ceux qui interprètent la loi, ils sont attitrés pour cela, et les grands prêtres, issus des grandes familles sacerdotales, qui surent que la parole des prophètes Michée et Samuel devenait vivante, et que c’était non loin d’ici  à Bethléem de Judée, ב'ת לחם  la maison du pain en Hébreu, oui c’est là que devait avoir lieu l’impensable, la venue au monde du roi d’Israël…

Hérode les reçu, nous savons pourquoi, puis ils repartirent suivant toujours l’astre en direction du Sud,  vers  ב'ת לחם 

 

Rien ne presse semble-t-il, l’Orient a imprimé son rythme dans cet Evangile.

On imagine comme dans un film d’autrefois les silhouettes des mages, et de leurs chameaux, se découpant sur l’écran, dans la nuit du désert avec un fond musical où se mêlent violons et harpes, tandis que peu à peu la nuit devient jour, les ténèbres lumière, et l’attente, vie…

 

Imaginez frères et sœurs ce que nous délivre là l’Evangéliste, cette image de carte postale, non rien ne presse, puisque tout vient, le temps est ton ami disent-ils, le temps du déplacement des chameaux…

 

Frères et sœurs, n’est-ce pas le temps de notre propre déplacement intérieur dont il est question ici pour savoir attendre, pour voir et comprendre ?

 

Et nous que faisons-nous du temps de notre vie ? Nous voulons tout ! Tout, tout de suite, comme l’écrit le philosophe Olivier Abel.

Nous refusons de différer, nous refusons la médiation, nous refusons le temps. Nous ne laissons pas assez d’espace, de distance, et de temps entre les actes, nous dévorons, sans être rassasiés, sans goûter, sans plaisir réel. Le présentisme a pris place dans nos vies et nous aliène.

Tout faire et le faire maintenant.

 

Tout y succombe, nos rapports aux autres, à nos amours, à la vie même, à nos enfants, c’est notre nouvelle religion, c’est maintenant, et ce n’est pas demain…

Or le Christianisme qui nous rassemble ce jour, lui, demande du temps.

Il se projette dans le temps, et nous demande de repenser notre propre rapport au temps : Noël la création, c’était il y a quelques jours, mais Noël appelle le Vendredi Saint, la chute, la mort, laquelle appelle Pâque et la résurrection…

 

Noël c’est l’introduction d’une narration, qui ne peut que passer par une chute.  Et Paul Ricœur pensait que ce temps dramatique, ce temps de la culture fondé sur la création menant à la mort était nécessaire car nous obligeant à penser en terme de transmission ; qu’allons nous donner ? Transmettre ? Or la transmission ne se fait qu’avec le temps.

Quel devenir du monde sans penser demain, sans voyage intérieur, sans déplacement intérieur ?

 

Il faut redevenir errants, sans nous perdre, il faut redevenir voyageurs, sans hâte, penser et espérer Pâques, car Pâques, qu’est-ce au fond, sinon transmettre ?

 

La seconde image c’est celle d’une promesse.

Que viennent-ils faire là ces mages ? Adorer un enfant !

Qu’est-ce qu’un enfant ?

C’est un don d’une vie déjà, mais c’est aussi une promesse tant espérée en réponse à nos questions. Que sera-t-il ? Que fera-t-il ? Qu’en savons-nous ?

 

Une promesse, c’est un « pas-tout » dans le langage, comme disent mes amis psy.

Je te promets, ça veut dire que je ne te donne « pas-tout » ou je ne te fais « pas-tout »…il te reste la promesse, l’attente du tout.

 

Le « pas-tout » c’est donc attendre, c’est du temps, c’est donc une espérance, une confiance, une foi…foi en ce petit bonhomme, cette petite bonne femme, là devant nous, venu s’immiscer dans la trame de nos existences.

 

Faire confiance, avoir la foi c’est attendre, certes, mais c’est aussi douter, douter quand nous perdons des yeux le chemin de l’étoile…Et que nous nous trouvons perdus…Il ne faut pas craindre le doute, douter c’est se laisser pénétrer par les silences, douter c’est savoir s’arrêter, savoir s’attendre, douter c’est le chemin d’une vérité…

Car le contraire de la vérité, frères et sœurs, le contraire de la vérité, c’est la certitude, la certitude qui juge, décide, et rejette…La certitude nous isole, le doute nous pousse à questionner l’autre, l’autre qui me dis « tu », qui me permet de dire « je ».

 

Douter c’est savoir reprendre, humblement se reprendre…

 

Car si nous ne doutons pas mes chers frères et sœurs quelle est donc le chemin de notre protestantisme ?

 

Quelle sera l’étoile qui nous guidera puisque nous lui tournerons le dos ?

Si nous ne doutons pas quel sens cela a-t-il de prendre une bible, et de nous retrouver tous les dimanches si nous pensons tout savoir ?

 

Quel sens cela a-t-il de chanter nos cantiques, puisque nos cantiques sont des appels, les psaumes sont des appels ? Toute la bible est un appel, chaque verset le demande : « interprète-moi »…et nul n’a la traduction parfaite, ou l’interprétation parfaite.

 

Frères et sœurs soyons francs, n’avons-nous pas parfois en nous ce sentiment étrange de détenir une once de savoir, un rayon de vérité ?

 

Mais alors dans ce cas là, quelle place laissons-nous au « pas-tout » de la promesse, si nous savons déjà ?

 

La vérité a besoin de temps, il faut savoir se repérer, se retrouver, il faut savoir se laisser perdre pour savoir se chercher…La chute nous est nécessaire pour avancer, pour que Noël soit Noël…

Et que Pâque reste l’astre qui nous guide…

 

La troisième image, frères et sœurs que je retiens de cet Evangile c’est celui de la fragilité de l’enfant adoré par les mages.

Ils ont accepté sa fragilité, dans la confiance portée à l’Astre qui les a conduits.

Et nous, acceptons nous sa fragilité ?

Qui est donc cet enfant pour nous ?

 

Une tradition ? Oui peut être, une culture ? Aussi.

Mais avons-nous besoin de lui ? Avons-nous besoin de cet enfant, de sa fragilité ?

Quelle fragilité lui accordons-nous ?

Je veux dire quelle fragilité nous reconnaissons-nous si nous avons besoin de lui pour combler le « Pas-tout » de nos vies ?

 

Ce Seigneur qui vient à nous, vers nous, le laissons-nous pénétrer en nous ?

Ou bien le laisserons-nous pour les siècles des siècles pendus à la croix ? Comme pendant des siècles une prétendue théologie doloriste a enseigné que le Père l’avait décidé pour nous sauver.

 

Partagez vous cela frères et sœurs ?

Nous sommes pour la majorité d’entre nous grands parents, ou parents, et l’Evangile est un Evangile qui se vit, sinon il ne sert à rien, alors les grands parents que nous sommes, ou les parents, croyons-nous à cet impensable d’un père sacrifiant son fils ?

 

Non, cet enfant c’est lui qui a décidé de se laisser prendre pour nous montrer que l’incarnation qui nous conduit vers Dieu, elle est la fragilité de cet enfant, sa souffrance, mais c’est le seul chemin qui conduise à Pâques…L’incarnation c’est le corps, et le corps ça saigne…Allons-nous avoir la foi et le courage de suivre ce chemin qui mène à Dieu ?

 

 

L’incarnation, c’est la rencontre de la souffrance, de la solitude, c’est le quotidien, c’est  l’ami, le frère ou la sœur qui s’en va, et nous laisse tremblant et désarmé, mais c’est aussi le partage et la joie des fraternités, c’est la vie, ce sont les luttes et les heures tendres, c’est le compagnon, le mari, la femme qui te dit « je t’aime », c’est le sourire de ton enfant, c’est le souvenir du baiser de ta mère…l’incarnation c’est vivre ces fragilités..C’est vivre tous les jours la fragilité de cet enfant…

 

C’est se laisser pénétrer par l’enfant des mages, c’est nous savoir humbles, petits et pénitents, oui pénitents dans l’humilité et la discrétion de nos prières, dans la miséricorde et la paix.

 

Frères et sœurs, si Noël à un sens c’est bien celui-là.

 

Une chance nous est donné, de laisser là l’urgence d’une consommation spirituelle, et de nous laisser dire « je ne sais pas, je cherche », et de faire confiance à la fragilité de la parole, et au rayon de lumière,  déjà lumière de Pâques que je peux lire en chacun de vous, et que l’enfant de Noël dépose en nous,

C’est son offrande…

 

Amen.

 

Patrick Duprez

 

 

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Prédication du 2 décembre 2018. 1er dimanche de l'Avent

3 Décembre 2018, 20:06pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Luc 21. 25 à 36

 

Nous entrons dans ce temps liturgique de l’Avent, et si tous le monde, je pense, sait que ce mot s’écrit avec un E, notre esprit reste marqué par l’idée que nous sommes 4 semaines avAnt noël.

Les temps liturgiques nous font retrouver chaque année les mêmes textes, et il est difficile pour le prédicateur de ne pas se répéter.

Nous entrons dans ce temps de la célébration de « l’ avènement » du Christ qui ne doit pas être perçu uniquement comme un évènement passé.

Le texte du jour est du genre «  apocalyptique » terme qui ne signifie nullement « catastrophe », mais « dévoilement ». En particulier dévoilement de la fin des temps, de la fin Du temps, ce qui nous met devant une difficulté, notre perception humaine étant structuré sur le mode temporel et l’impossibilité de penser autrement qu’en terme de temporalité.

Ce texte nous invite donc à penser un avenir. Ce qui nous induit à penser Noël, non comme un passé , mais comme un avenir ( mais pas dans 4 semaines ! ).

 Penser « l’avènement » de Jésus-Christ non seulement comme un moment de notre passé, mais comme notre avenir.

 

Ce texte est situé à la fin du ministère de Jésus, entre entrée à Jérusalem et Cène. Il fait partie d’une série d’annonces, liées en particulier à la situation de l’Eglise à l’époque de son écriture. ( Chute du temple de Jérusalem, persécution des chrétiens. )

 

 

 Ce texte comporte deux écueils :

 

1° ) Le prendre au pied de la lettre, en faire une lecture fondamentaliste en le rapprochant de la situation actuelle. Ex « épouvantés par le fracas de la mer et son agitation » rapproche des catastrophes récentes. D’où la tendance à fixer une date pour la fin des temps, proche, imminente. Cette tendance est le « fond de commerce » de certaines sectes. Ces vaines prédictions sont plus à rapprocher de la voyance ou de l’horoscope que de la lecture biblique. En ce qui me concerne et compte tenu de mon âge, j’ai vécu un grand nombre de «  fins du monde » ( la dernière étant à Bugarach )

 Il est vrai que la situation actuelle de notre monde pourrait nous pousser à une telle lecture dont il faut se méfier «  Vous ne savez ni le jour ni l’heure »

 

2° ) Rejet de ce texte dans l’histoire comme étant lié à la situation des premiers chrétiens ( on l’a vu : destruction du temple). Ceux-ci vivaient dans l’attente du retour imminent du Christ. « Cette génération ne passera pas sans que tout cela n’arrive ». Ainsi, ce texte lié à l’histoire , n’aurait rien à nous dire, il ne s’agirait que de superstitions d’un autre âge, dépassées par la science et la raison !

 

Il convient de sortir de ces deux perspectives pour y voir un texte qui nous concerne.

 

 Récupérer la vision eschatologique de la foi chrétienne. Certes l’idée d’un retour imminent du Christ a été perdue «  On attendait le Royaume de Dieu et nous avons eu l’Eglise » disait une «  mauvaise langue » . Et il est vrai que la théologie a mis de côté la perspective eschatologique. Pour Jürgen Moltmann, cette perspective perdue est au contraire centrale dans la foi chrétienne ( C.f « Théologie de l’espérance » ). En effet si nous ne vivons pas dans cette attente, qu’est-ce que notre foi ? Noël : Jésus n’est pas seulement notre passé, mais avant tout notre avenir.

Comment lire cet a-venir dans ce texte ?

 

1°) En sortant de la peur, celle-ci étant le contraire de la foi. Il ne s’agit pas de se lancer dans une indolence béate et «  religieuse », mais savoir que le mal et la souffrance n’auront pas le dernier mot, mais annonce quelque chose au-delà. L’avenir en Jésus-Christ nous arrache des griffes du malheur, mais pour cela, il faut se relever, se redresser, «  ressusciter ». Cesser à la fois de courber la tête ou de lever le nez au ciel. Etre debout pour affronter le réel.

 

2°) Ne pas se tromper de « signe ». Ou bien voir des signes partout sans savoir les lire ! Les signes sont à confronter avec la Parole. « Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas ». Le signe n’est lisible qu’en relation avec une parole. Ex : Le signe du pain et du vin n’a de sens que par la parole qui l’accompagne. «  La foi vient de ce que l’on entend » dit Paul.

Mais toute  écriture n’est pas Parole ( #littéralisme ). Elle ne le devient que si elle transforme ma vie.

 

3° ) Le texte nous invite, au-delà de l’ignorance à la « vigilance ». « Tenez-vous sur vos gardes ». Il s’agit de ne pas laisser le quotidien prendre la place de la vie. Ne pas laisser l’ivresse du bonheur, voire même du malheur, prendre la place du spirituel. Etre déjà « du Royaume », tout en étant dans le monde. On revient au thème de

 « l’être debout ». Etre debout pour le Christ = ne pas être couché sous le poids du quotidien= ne pas être accablé par le poids du malheur du monde. Etre debout c’est être en route vers ce Seigneur qui nous attend, qui nous précède, qui est notre devenir et pas seulement notre passé.

 Faisons s’effacer  les angoisses du monde car nous avons foi en un avenir Jésus- Christ et soyons debout pour les affronter.

Faisons aussi disparaitre les « flons-flons » lénifiants de la fête pour aller vers ce Seigneur qui nous appelle à autre chose par son Amour.

 

Jean-Pierre Pairou-Segarra

(de Carcassonne)

 

 

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Prédication du dimanche 25 novembre 2018: Jean 18, 33-37

27 Novembre 2018, 20:08pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

 Jean 18 : 33-37

 

 

Ce dernier dimanche du mois de novembre, marque la fin de l’année liturgique. Dimanche prochain c’est le premier de l’Avent…

 

L’évangile qui nous est proposé se situe dans un ensemble qui décrit la comparution de Jésus devant Pilate (Jean 18 : 28-19 : 1-16).

Après sa comparution devant Caïphe, le grand-prêtre juif, Jésus est conduit à Pilate. Un interrogatoire s’instaure alors entre le gouverneur romain et le rabbi Jésus. Cet interrogatoire se terminera par la soumission de Pilate à la volonté des chefs juifs : « Alors il leur livre Jésus pour qu’il soit crucifié » (Jean 19,16)….

L’interrogatoire est rythmé par les allées et venues de Pilate entre l’intérieur du prétoire et le dehors où se tient la foule. C’est une partie de cet interrogatoire qui nous venons de lire ce matin.

 

« Es-tu le roi des juifs ? » : c’est ainsi que Pilate débute son interrogatoire…

La question de Pilate laisse supposer que c’est par cette accusation que les religieux lui ont livré Jésus.

Le titre du « roi des juifs » lui avait été donné par Nathanaël lors de sa vocation (Jean 1 : 49) et par la foule aux Rameaux (Jean12 :13), mais Jésus ne l’a jamais revendiqué pour lui-même. L’accusation a une dimension politique : Jésus est soupçonné de vouloir rassembler ses partisans en vue de renverser le pouvoir romain.

On avait annoncé à Pilate un révolutionnaire et il se trouve face à un simple rabbi, un enseignant, sans arme, ni armée.

 

Pilate s’attendait probablement à ce que Jésus se défende. Au lieu de cela, Jésus dénonce le caractère fallacieux de l’accusation en répondant par une autre question : « est-ce de toi-même que tu dis cela ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ? ».

Oui, il faut bien que chacun se détermine par rapport à Jésus. Nous ne pouvons pas répondre avec ce que d'autres disent ou pensent de Jésus. Ainsi parlons-nous de Jésus par conviction personnelle, de ce que nous connaissons vraiment de Lui au fond de notre cœur, ou seulement par ouï-dire? Voilà une question à laquelle il faut bien répondre pour soi-même….

 

Jésus refuse d’entrer dans un simulacre de procès dont la sentence est décidée avant qu’il ne commence. !

Au cours de cet interrogatoire Pilate se rend compte qu’il n’est qu’un instrument dans un débat qui lui est étranger. Cela l’amène à poser la question de base : pourquoi Jésus lui a-t-il été livré ?

En l’espace de deux répliques, Pilate passe de l’accusation : « es-tu le roi des Juifs ? » à l’instruction : « qu’as-tu fait ? »

Devant le changement d’attitude de Pilate, Jésus répond à la première accusation.

Sa réponse souligne le caractère ambivalent de sa situation, car il est le roi des Juifs, mais pas au sens où l’entend Pilate, sa royauté n’est pas de ce monde. Sa royauté n’est pas politique, mais d’un autre ordre, elle concerne l’être humain dans son essence. Sa royauté est spirituelle et n’est pas de nature à inquiéter le gouverneur romain.

Oui, si Jésus avait été un comploteur politique, il aurait eu des partisans qui l’auraient défendu mais il a toujours refusé de se défendre par d’autres moyens que par la parole. 

 

« Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux juifs.. » (verset 36).

Jésus souligne ici le principe de la non-violence. Jésus est l’opposé de toute propagande. Il n’impose rien, il n’est que par sa parole et sa personne.

 

Certes, Jésus est roi et il l’affirme mais il dit en quoi il est roi : sa royauté est de rendre témoignage à la vérité. Son peuple est constitué de tous ceux et toutes celles qui s’ouvrent à la vérité. Jésus ne mourra pas pour faire plaisir à un Dieu qui voudrait le sacrifice du fils, mais parce qu’il est allé au bout de la vérité. Il arrive des moments où la vérité devient insupportable à ceux qui préfèrent le mensonge.

 

Frères et sœurs, si la royauté de Jésus est de rendre témoignage à la vérité, tous les chrétiens devraient être des rois et des reines !

 

« Toute personne qui est de la vérité écoute ma voix », dit Jésus au verset 37. Cette phrase s’adresse à Pilate : va-t-il privilégier la vérité ou la soumission à la majorité ? Jésus ne s’adresse pas à Pilate en tant que détenteur de l’autorité romaine, il s’adresse à l’être humain derrière le juge, il interpelle sa conscience.

L’expression « être de la vérité » montre que la notion de vérité ne relève pas de la croyance mais de l’être, de l’attitude de la personne.

Jésus dit qu’il est : «  le chemin, la vérité et la vie » (14 :16). La vérité ce n’est pas une notion mais elle est dans la personne de Jésus et Pilate, dans sa position de juge, n’est pas en mesure de voir la VERITE en personne devant lui.

 

Le mot « vérité » au sens biblique veut dire « fidélité solide » de Dieu ; en hébreu, il est de la même racine que le mot « AMEN » qui signifie : ferme, stable, fidèle, vrai. La vérité, c’est Dieu lui-même à travers la personne de Jésus. Être vrai, c’est donc vivre en conformité aux valeurs reçues du Père

 

« Toute personne qui est de la vérité écoute ma voix »…

Précisément parce que la Vérité est une Personne, Dieu lui-même, personne ne peut prétendre détenir la vérité ! On appartient à la vérité, elle ne nous appartient pas. La seule chose importante est d’écouter et de se laisser instruire par elle. En Jésus, Dieu ne s’impose pas. Il se propose comme vérité.

 

Voilà, frères et sœurs, la mission la plus profonde, la plus réelle du roi-messie, Jésus. Voilà sa tâche essentielle: transmettre la vérité qui vient du Père et la faire vivre dans le quotidien de l’existence: « C’est pour cela que je suis venu dans le monde: pour témoigner de la vérité. » a dit Jésus. (verset 37). Jésus est celui qui nous conduit vers une vie vraie parce qu’elle sera fidèle à l’esprit de Dieu. Par cette transmission de la Vérité qui vient de Dieu, Jésus fait de ses disciples, non des serviteurs mais des amis (Jean 15 :14-15) : « parce que tout ce que j’ai entendu auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître. ».

Chemin vers la Vérité, Jésus l’est par son enseignement. Son évangile est parsemé de paraboles qui décrivent le vrai visage de Dieu. Ce sont notamment celle du Père aux deux fils, et celle du Maître de la vigne avec les ouvriers de la onzième heure. Or, à travers le père et le maître de la vigne, Jésus nous enseigne que Dieu est davantage un Dieu-amour qu’un Dieu-juge.

C’est aussi par les gestes de sa vie que Jésus est chemin vers la vérité.

 

Frères et sœurs, dans ce récit qui est la pointe finale de tout son enseignement, Jésus refuse d’être un roi-messie tel que la population le souhaite. Jésus refuse le pouvoir politique, comme il refuse le pouvoir magique ou la gloire miraculeuse.

Ce refus n’est pas provoqué par un sentiment d’humilité: il est un choix et un choix douloureux car Jésus connait la misère du peuple: il multiplie les pains parce qu’il a pitié. Jésus éprouve la honte du peuple: il sait ce que veut dire l’occupation par une puissance étrangère.

Il refuse de venger sa gloire s’il doit pour cela employer quelque violence que ce soit. Ce qui ne veut pas dire que Jésus soit indifférent au mal. Au contraire, il ne cessera de dénoncer tout ce qui peut défigurer l’être humain. Il se fera proche des pauvres, des rejetés. Il demandera avec force au riche de partager. Mais il ne fera rien qui puisse priver quiconque de sa liberté.

Jésus mesure les conséquences de son refus….Il ne sera pas le messie qui délivre, il ne sera pas le messie qui chasse l’occupant, il ne sera pas le messie qui gouverne dans l’abondance économique, il ne sera pas le messie qui foudroie l’ennemi. Oui, Jésus sait qu’il déçoit. Jésus se laisse identifier comme messie, et roi mais il n’en tire aucune conclusion conforme aux désirs de ses contemporains.

Face aux illusions d’un monde autre que propose le règne des humains, le Christ reste fidèle à la vérité. Pour lui, être roi, c’est être capable d’agir avec courage, selon la vérité.

Frères et sœurs, Dieu nous donne la grâce d’entendre la vérité, vérité qui réside dans sa divine Parole.

Et il nous aide par sa grâce à le suivre et à rester dans la vérité pour rester près de lui dans son règne. Mais même si nous sommes sujets et serviteurs, le Christ nous rend libres. Et parce que nous sommes enfants de Dieu, nous sommes libres. Libres de le suivre et libres de croire en Lui. Son pouvoir de roi ne s’impose à nous que parce que nous décidons de soumettre notre volonté à Sa volonté. En Jésus, Dieu ne s’impose pas. Il se propose. Son règne sur nos vies est celui de l’amour miséricordieux pour ceux qui entendent et suivent la vérité.

Alors Jésus nous invite à repenser nos idées sur le pouvoir du monde. Son règne est basé sur la droiture, la vérité, le respect et le bien-être des autres.

Frères et sœurs, par ce récit, l’évangéliste Jean nous invite à réfléchir sur la Royauté de l’amour, de la justice, de la liberté et du service proposée par Jésus et à agir selon sa vérité, afin de transformer notre monde. Suivre les pas de ce roi ne consiste pas à se refugier derrière des rites et des actes religieux. C’est «écouter sa voix» et conformer notre vie familiale, professionnelle et sociale, à la sienne. «Toute personne qui appartient à la vérité écoute ma voix.», insiste Jésus.

Amen !

 

Charles KLAGBA

 

 

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