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Eglise Protestante Unie de Narbonne

predications

Prédication du dimanche 18 novembre 2018: Le Mal

21 Novembre 2018, 20:18pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Job 3, 2 à 10 et Marc 4, 35 à 41

 

 

 C’est notre actualité, mondiale et personnelle, qui m’a fait relire ces textes. Comment ne pas parler du mal, de la souffrance alors que des milliers de personnes sont victimes des guerres, des ouragans, des tremblements de terres et que parfois un deuil personnel nous frappe ? Comment se taire, alors qu’au moment où nous sommes réunis ici, des pays entiers sont plongés dans le chaos ?

La question du mal traverse nos vies, notre foi, nos doutes. Mais elle traverse aussi la Bible !

Celle-ci n’est pas le livre des merveilles qui servirait à nous donner une réponse à chaque moment de souffrance. Elle est le livre parcouru par ce questionnement essentiel : «  Pourquoi ? ». Des psaumes au livre de Job, des lamentations de Jérémie jusqu’à Jésus en croix disant «  Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » le questionnement est toujours le même : Pourquoi le mal Seigneur ?

 Et à ce pourquoi nous cherchons une réponse, comme si une rationalisation pouvait guérir le chagrin, la souffrance le mal.

Ce mot lui-même est ambigüe et recouvre deux réalités : D’une part le mal « agit » celui causé par l’homme à son semblable et qui engendre parfois deux souffrances : celle qui est subie par la victime et celle de la culpabilité de l’auteur et que la tradition judéo-chrétienne nomme «  péché ».

Et puis il y a le mal –souffrance, dont on ne fait que subir les effets et qui n’a pas d’explication rationnelle. Le mal engendré par des causes dites naturelles mais qui de plus en plus actuellement est lié au comportement des hommes en général ( réchauffement climatique).

 

 L’un et l’autre engendrent le refus, refus d’une certaine image de Dieu comme celui d’Albert Camus pour qui la souffrance injustifiée d’un enfant met en cause l’existence d’un Dieu bon et aimant.

Et chacun d’entre nous n’est-il pas, au fond de lui –même dans ce refus indiscutable ?

Nous tombons ainsi dans la problèmatique du Dieu bon et tout-puissant qui laisserait se manifester le mal ou d’un Dieu impuissant qui ne peut agir.

Comment sortir de ce questionnement ? C’est ce que la théologie, a travers les théodicées a tenté de faire au fil des siècles.

Il s’agissait d’expliquer, de rationaliser le mal comme fruit de la désobéissance humaine, du péché.( à travers la conception augustinienne du « péché originel ». ) Mais la question de la volonté divine reste entière. Pourquoi la toute puissance divine a-t-elle laissé faire l’homme ?

 

Ou bien de dire que Dieu parfait, n’avait pu créer que de l’imparfait, ne pouvant créer son égal. C’est le «  meilleur des mondes possible », tant raillé par Voltaire  au moment du tremblement de terre de Lisbonne.

Qu’ont à faire ces « bonnes raisons » avec la souffrance de chacun, inextinguible ?

 

La Bible se réfère souvent, sur ce sujet au «  juste souffrant » dont Jésus est l’image même.
Le texte de Job, dit cette souffrance inexplicable, ce mal radical qu’on ne peut faire entrer dans une rationalité. Elle amène Job à considérer sa propre existence comme une souffrance

injuste . Qui d’entre-nous n’a jamais ressenti telle injustice. Qui n’a jamais prononcé ce cri de Job. La théophanie finale ne résoud rien , si ce n’est  qu’elle amène Job  à « AIMER DIEU POUR RIEN », position essentielle du croyant qui intègre le «  malgré »

 

 Le texte de Marc sur la tempête apaisée est situé dans une suite de paraboles. Comme celles-ci, elle est chargée de symboles ( eau, symbole de vie et de mort, barque église ou vie elle même ..) La tempête, déchainement de la nature devient le mal lui-même et ne peut pas ne pas nous faire penser aux ouragans récents. « Grand tourbillon de vent, les vagues se jetaient sur la barque au point que la barque déjà se remplissait » C’est l’image même de l’impuissance humaine face au déchainement de la nature. Ce déchainement est parfois pris pour une manifestation divine, théophanie. Ici il n’en est rien

Une image semble au centre de ce récit : « Et lui, à l’arrière, sur le coussin, dormait ». Le silence du maitre, est le silence même de Dieu. Silence assourdissant de Dieu face aux malheurs, à ces peurs, à ces souffrances humaines. Silence de Dieu face aux Caraibes, à l’Egypte, au moyen orient, mais aussi aux enfants malades ou disparus.

Mais ce sentiment de l’absence de Dieu recèle son image . L’athéisme lui-même, comme refus de Dieu en porte l’image.

Mais que répondre face à cette interrogation ? Bien sûr il y a l’apaisement de la tempête par Jésus comme la théophanie à la fin de Job, mais ni l’un ni l’autre n’ont empêché la souffrance d’advenir.. La véritable réponse est dans le questionnement de Jésus « Pourquoi avez-vous eu peur, n’avez-vous pas encore de foi ? »

 

Il est à souligner que le contraire de la foi, c’est la peur ( et non le refus de Dieu )

Face à la souffrance, il n’y a de rationalité, il n’y a qu’une attitude, c’est la FOI.

 Elle est ce qu’il reste à Job quand il a tout perdu. Elle estce qui aurait évité aux apôtres leur souffrance.

«  Aimer Dieu pour rien » La foi n’est pas explication, elle est accrochage à une parole qui fait avancer. Elle est toujours « malgré » et elle n’est pas incompatible avec la plainte ( Cf. Job et es apôtres. ) 

S’adresser à Dieu dans une plainte, c’est une manifestation de la foi.

Encore faut-il disait Paul Ricoeur «  spiritualiser la lamentation »

 

Qu’est-ce à dire ?

 

1° intégrer l’ignorance :

Non Dieu n’a pas voulu cela, non il n’a pas voulu punir mais je ne sais pas pourquoi les choses arrivent ainsi.

 

2°Laisser se répandre la plainte contre Dieu. La relation d’alliance passe par une interrogation mutuelle. Chez les diaconesses le jour du vendredi saint, on récitait les «  impropères », forme de procés que Dieu fait aux hommes pour la mort de Jésus. « Que t’ai-je fait ô mon peuple ? »

De la même manière, la plainte de l’homme est relation à Dieu pour peu qu’elle «  aime Dieu pour rien »

 

3° La victoire sur le mal est en route,, elle n’est pas acquise et l’espérance doit se détacher de l’impatience «  Jusques à quand ? » des psaumes

 

4° Les raisons de la foi, de la confiance en Dieu n’ont rien à voir avec le besoin d’explication de l’origine de la souffrance. Croire, c’est toujours croire malgré.. Il convient d’intégrer ce «  malgré «  dans la foi

 

Avoir la foi, c’est nous dire que nous ne sommes pas seuls, la plainte est aussi relation à Dieu.

 

Elie Wiesel raconte qu’à Auschwitz deux adolescents furent pendus. L’un mourut immédiatement et l’autre mit du temps à mourir . « Où est Dieu dans tout ça ? » entendit Wiesel plusieurs fois, puis une réponse lui vint : «  il est là, au bout de la corde ! » image d’un Dieu qui souffre avec l’homme . C’est là l’image d’une théologie de la croix qui transmute la lamentation dans laquelle la plainte de l’homme est aussi celle de Dieu.

 

Aimer Dieu pour rien comme Job, c’est la foi même, c’est la grâce partagée.

 

Puissions nous entrer dans cette espérance sans impatience, sans comprendre, ll’aimer pour rien, comme Lui nous a aimés.

 

Jean-Pierre Pairou-Segarra

(de Carcassonne)

 

 

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Transfiguration...

27 Septembre 2018, 17:04pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Prédication de Jean-Pierre Pairou, le dimanche 23 septembre 2018

 

 Marc 9 , 2 à 10

 

   

Ce texte a été évité par notre calendrier, alors qu’il suit immédiatement celui de dimanche dernier et l’on peut se demander pourquoi. Je pense que la réponse se trouve dans le fait qu’il correspond à une fête de nos frères catholiques, célébrée le 03 août et abandonnée par nous protestants. Fête qui devrait être réhabilitée selon L.Gagnebin, dans son livre «  Pour un Christianisme en fêtes ». C’est une fête récapitulative de la christologie, qui rassemble en énumèrant et nous remet en tête ce qui est essentiel.

 Transfiguration : renvoie à une icône, Image de Jésus dans sa gloire. Peut-être faut-il être méfiant à l’égard de cette imagerie qui a traversé les siècles et nous éloigne du texte ( cf. représentations de la résurrection )

 Texte :

Ministère de Jésus en Galilée. Nombreuses guérisons. Jésus est en chemin dans les villages de Césarée de Philippe. Se pose la question de son identité  « Qui dit-on que je suis ? ». Confession de Pierre « Tu es le Christ « . Jésus annonce alors ses souffrances et sa

Mort. Là est le paradoxe essentiel de la foi chrétienne : la tension permanente entre souffrance et gloire. Question de l’avènement du « fils de l’homme »puis redescente vers le monde.

 

Ces questions traversent nos vies. Que disons nous lorsque nous disons « Jésus est le Messie ? » ou «  Le fils de l’homme ? » ( seul titre que Jésus s’accorde à lui- même et qui renvoie à le fois à nous-mêmes, tous «  fils d’homme «  et à la vision eschatologique du livre de Daniel )

 Texte parfois considéré comme une vision post-pascale, destné à atténuer l’annonce des souffrances. Liens souffrances-mort- résurrection. Texte se terminant par la question fondamentale : « Qu’est-ce que ressusciter d’entre les morts ? ». S’agit-il ici d’une réponse à cette question ?

Trois pistes pour aborder ce texte :

-          Révélation

-          Pause

-          Résurrection

 

 

Révélation

 

Elle est donnée à quelques-uns. Petit nombre parmi les apôtres qui sont les mêmes qu’à Gethsemané. Elle est à distinguer de la Foi qui est confiance en une parole, en la Parole. La révélation est brève et, comme dans le premier testament, elle porte les éléments d’une théophanie ( signes de la gloire de Dieu )

 

La montagne : lieu symbolique de la jonction entre le ciel et la terre ( Cf Moïse sur la montagne- discours de Jésus )

 

 

 

 

La nuée : signe de la présence de Dieu sans dévoilement (Exode : Le Seigneur allait devant eux dans une colonne de nuée. Daniel 7, 13 : «  voici que sur les nuées arriva un fils d’homme »

 

Le vêtement blanc : Couleur des êtres glorieux : Ange au matin de Pâques, saints de l’apocalypse.

 

La Voix : omniprésente ( l’Eternel appelle, l’Eternel parle ) Caractère diachronique, historique de la révélation : Présence de Moïse et Elie.  ( Loi et prophête ). Jésus est en dialogue avec eux comme sur un pied d’égalité, mais ils disparaissent au profit du seul Jésus. Ils s’éclipsent face à la révélation de Jésus comme fils.

Cf. baptême de Jésus. Même voix, mais «  Tu es mon fils.. », révélation à Jésus. Ici «  Celui-ci est mon fils »

 Révélation  « ad extra » d’où l’injonction : « Ecoutez-le ! «  et non pas « Admirez-le ou adorez-le ! »

 Cette injonction renvoie à la Parole et donc à la foi. La révélation n’est que d’un instant et ce qui compte c’est la redescente dans le monde. Les instants de révélation que nous pouvons y rencontrer ne sont qu’instants privilégiés, peut être différents pour chacun mais nous reconduisent à la Parole.

 

-Pause

 

 Jésus est « l’homme qui marche » ( C. Bobin)

 

«  Il marche, sans arrêt il marche, Il va ici puis là, il passe sa vie sur 60 km de long et 30 de large et il marche sans arrêt. On dirait que le repos lui est interdit. ». Il marche même sur l’eau. Peu de pauses. Là il est à l’écart, sur une montagne, comme à Gethsemané, ou comme pour le «  sermon ».

Cette pause est une rencontre temps- éternité, Jésus terrestre et Christ eschatologique.

 La tentation pour les disciples est de vouloir pérenniser ce temps «  Il est bon que nous soyons ici, construisons trois tentes. ». En effet, face à la révélation

de Jésus comme fils,

à sa gloire, à l’accomplissement de la Loi et des prophètes, Pierre propose «  du camping » ! S’installer dans le moment privilégier, vouloir d’une certaine manière enfermer la gloire de Dieu, c’est une tentation qui se perpétue dans l’histoire humaine. Vouloir localiser Dieu, se dire « il est là ». Tentation qui a donné pélerinages et cathédrales, mais qui est renvoyer à l’écoute et la présence dans le monde.

Culte=Pause, moment de ressourcement, mais qui est une invitation à retourner dans le monde pour écouter et suivre Jésus.

 

-Résurrection

 

 Le mot ressusciter n’existe pas en grec. Il remplace se réveiller, se relever. « Qu’est-ce que ressusciter d’entre les morts ? » thème central du texte . ( texte post-pascal ? ) . Même effroi des disciples que les femmes devant le tombeau vide. Le fait de placer ce texte au moment de l’annonce de la mort de Jésus  tend à nous montrer qu’il est déjà ressuscité. Ressusciter n’est pas un à-venir, c’est un moment à vivre non dans une contemplation béate, mais dans l’écoute de Jésus et dans l’affrontement au monde. Etre ressuscité, c’est être debout, transfiguré par la gloire de Dieu reçue en Jésus. C’est être transformé par Lui.

 

-Jour de fête

 

 Fête de la transfiguration . Chaque dimanche est d’une certaine manière jour de fête, de pause, de ressourcement. Pause et révélation ne sont là que pour nous transfigurer, nous aider à nous charger de notre croix et le suivre. Transfiguré, Jésus redescend de la montagne pour affronter souffrance et mort. Il est déjà ressuscité, mais ce n’est pas un état statique, sa résurrection est un moteur qui fait qu’il agit toujours dans nos vies. Comme lui nous devons quitter ce moment mis à part, transformés par sa Parole, pour aller aimer et guérir.

C’est là aussi que sa gloire resplendit.

 

 

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Prédication du dimanche 29 juillet 2018

31 Juillet 2018, 09:57am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Jean 6, 1-15

 

Avez- vous entendus frères et sœurs ce qu’il nous est demandé dans l’Evangile de ce jour ? Partager 5 pains et deux petits poissons ! Pour nous ici présent ce dimanche se serait impossible mais pour 5000 personnes il parait que Jésus l’a fait. Vraiment ? Tout dépend de la question que l’on pose, l’a-t-il fait réellement, ou dans la réalité de sa parole qui nous est adressée ce jour ?

 

Mais abordons tranquillement les choses et lisons ce texte surprenant. En y prêtant attention vous verrez on découvre des richesses.

 

Auparavant dans le chapitre 5 Jésus s’était exprimé devant les juifs dans le Temple, on approchait  de Pâques, et ils lui reprochaient d’avoir guéri un paralytique un jour de Sabbat…Suit alors un long discours de Jésus parlant de son Père qui l’a envoyé, et  en substance nous entendons ce que nous trouvons en Marc, Matthieu, Luc, que le Sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le Sabbat…Et qu’il est donc permis de guérir un paralytique un jour de sabbat…

 

Tous comme nos Ecritures, frères et sœurs, les Ecritures sont à entendre je le pense, comme faites pour l’homme et non l’homme pour les Ecritures ? Ce qui peut changer, vous en conviendrez, notre rapport au texte…J’y reviendrai tout à l’heure.

 

Ou encore que le rituel, la liturgie, est au service du Père et faite pour l’homme et non l’inverse… y compris dans nos  cultes parfois figés, voilà qui peut, peut être, supposer bien d’autres  géographie de nos assemblées, pourquoi pas un culte, un beau dimanche comme aujourd’hui, dans le jardin, pourquoi pas un culte avec Sainte Cène lors d’un repas entre nous, pourquoi pas un culte du samedi soir, ou une assemblée de silence et de méditation ?

 

Non je ne fais pas de digression inutile, une prédication, n’est pas là pour parler de l’air du temps ou de ce qui fait plaisir à entendre, pour contenter tel ou telle, le prédicateur a la responsabilité momentanée de dire sa parole, issue de sa méditation, non pour toujours caresser, mais parfois pour donner aussi de quoi gratter nos habitudes.

 

Mais je dis aussi tout ceci dans le but de nous préparer à entrer dans ce texte d’aujourd’hui. C’est un texte nourri par les symboles.

Jésus est parti, il change de rive, il passe sur une autre rive dite de Tibériade.

Changeant de rives, il change d’interlocuteurs, n’est-ce pas là un signe qui nous est adressé ? Changer de rivage, aller voir l’autre, tous les autres, même ceux qui ne partagent pas nos sentiments, surtout eux ! Apprendre à les écouter…

 

Jésus est homme qui bouge, il n’est pas un touriste pour autant, il va là où l’on a faim. Mais faim de quelle nourriture ?

 

Une grande foule l’attend, il monte alors sur une montagne, et que fait-il ? Il lève les yeux, et voit cette foule, c’est surprenant comme gestuelle… La montagne dans les textes bibliques est en général un lieu où le divin se manifeste, un lieu qui est souvent sacré.

 

Et il lève les yeux. Il y a donc, sur cette montagne quelque chose de plus grand que lui, de plus haut que lui ? Lever les yeux dans la bible est également une expression qui revient souvent. On lève les yeux, et l’inattendu survient, et généralement, c’est aussi le prélude à une manifestation divine…Que voit-il en levant les yeux ? Une foule est là qui l’attend et qui a faim.

La foule qui a faim et qui mangera est-ce une manifestation du divin ?

 

Comme pourrait être cet admirable texte de Francis Jammes « la prière » mis en musique par Brassens « Par la mère apprenant que son fil est guéri, par l’oiseau rappelant, l’oiseau tombé du nid, et par le mendiant retrouvant sa monnaie », telle la foule qui a faim et trouvera son pain…

 

Mais que la préparation de l’évènement est longue. D’abord il y a des gestes, des mouvements, des attitudes, il change de rives, il gravit une montagne, il lève les yeux…puis il y a une mise en scène, l’évangéliste nous prévient, Jésus va mettre son disciple à l’épreuve…C’est assez rare chez Jean.

 

Ensuite les chiffres, 5 pains, 2 poissons, 5000 personnes…Qui les a comptées ? Personne, c’est une liberté prise par l’évangéliste, une liberté de créateur...

 

Ensuite l’entrée en scène d’André, dont il nous est précisé qu’il est le frère de Simon Pierre, pourquoi cette précision ? Mais parce que ce même Simon qui plus tard, bien plus tard, partira pêcher, une nuit, mais ne prendra rien ;  et en revenant sur la plage il trouvera un homme qu’il ne connaît pas et qui lui conseillera de jeter ses filets du côté droit, alors la pêche sera abondante, et le disciple que Jésus aimait reconnaitra alors le Seigneur...Non seulement ils mangeront, mais il en restera. Il en restera comme aujourd’hui, symbole du reste, la présence du reste, le reste pour vivre, pour croire, et le poisson animal des eaux du monde….

 

Cette eau qui porte les navires, mais qui engloutit ceux venus de pays antichambre de l’enfer, cette eau qui baptise aussi, dans l’attente d’un souffle de l’Esprit…

 

Tout fait lien dans la Parole qui nous est adressée, mais encore faut-il entendre.

 

Enfin un dernier élément, il y a là, dit André, un garçon qui a 5 pains et deux poissons, mais André trouve cela dérisoire, si peu pour tant de monde ! Et un garçon, pas encore un adulte donc, qui donne ses maigres richesses du jour ses pains et ses poissons.

 

Alors, frères et sœurs, c’est seulement à ce moment que l’Evangile commence, je veux dire la Bonne Nouvelle, sinon pourquoi seriez-vous en train de m’écouter s’il n’y avait pas une bonne nouvelle à entendre enfin ? Ne sommes nous pas friands de bonnes nouvelles en ces temps où le monde semble se recroqueviller sur lui même ?

 

Jésus rend grâce, il faut comprendre, à plus grand que lui, pour plus grand que lui, à son père, et, surprise, lui-même assure la distribution ! Et tous se partagent les poissons et les pains que Jésus leur donne. C’est un partage.

 

Soyons sérieux, ceci est une parabole, rien dans ce texte n’est à prendre au premier degré, excepté peut être un nom de lieu, la Galilée, les prénoms, la fête de la Pâques…Mais le reste ? Tout ici ne serait donc que symbole ?

 

Alors quels symboles se présentent à nous ?

 

Les cinq pains. Cinq.

C’est un chiffre chargé d’une forte symbolique, au milieu des 9 premiers chiffres, c’était un chiffre nuptial pour les pythagoriciens, signe d’équilibre, il symbolise la main, l’être, et ce qu’il fait, ce qu’il bâtit avec la main…

 

Mais je vous propose aujourd’hui une autre symbolique, 5, c’est le chiffre des 5 premiers livres de la Bible, le Pentateuque, ou encore la Torah, chère à nos frères Juifs, mais n’oublions pas que ces 5 livres sont à tous, donc aussi à la communauté chrétienne, donc à nous.

 

5 Livres, 5 livres qui ouvrent notre chère Bible, et nous convoquent à la lecture. Je veux dire la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, et le Deutéronome…Mais aujourd’hui, je vous parle de ce qui serait, en ce jour, en cet Evangile, une torah ouverte, partagée comme les poissons, non pour le consensus, la pensée unique de l’interprétation à laquelle il serait demandé de croire, mais dispersée au contraire pour le dissensus de l’interprétation, ce qu’on appelle l’herméneutique, le conflit des herméneutiques, cher à Paul Ricœur, où chacun peut et doit avoir son interprétation. Oui, le texte est ouvert et doit l’être à ses multiples sens…

 

Dissensus qui, lorsqu’il est régulé, est, et favorise la vie, où chacun trouve son miel qui n’est pas celui du voisin, partager son pain, son poisson, son interprétation, entendre celle du voisin, de l’autre, et cheminer, vivre donc, grâce à ce pain…

 

Car, frères et sœurs, qu’est-ce donc que partager, si nous partageons « du même » ? Partager « du même » c’est refuser le différent, c’est faire de la communauté un communautarisme, c’est, au fond, imposer sa vision des choses.

A la place de la porte ouverte, et des yeux levés vers haut, vers ce qui nous dépasse, c’est avoir les yeux baissés sur des certitudes qui s’assèchent quand elles ne prennent pas le risque de la question, alors vient le temps des portes closes puis des murs, et des barbelés, mais aussi vient le temps de la clôture du cœur, et de l’esprit.

 

Et toutes les religions ont tendance à être ainsi, n’avons-nous pas nous aussi nos murs, nos certitudes ? Ces murs qui servent à séparer ceux qui « pensent juste », des autres ceux qui « penseraient mal » n’est-ce pas aussi là le tort d’un libéralisme, parfois enclin à décider de ce qui est la pensée juste….?

 

Jésus demande le partage. Il l’offre en s’occupant lui-même de la distribution. Quand on partage, on partage du différent, « de l’autre » puisqu’on partage. En se donnant les poissons de mains en mains, c’est donner une part de ce que nous recevons, à l’autre…

5000 personnes, non personne ne les a comptées, elles sont l’universelle humanité, l’ici, le maintenant, le demain, l’hier … le temps en ces premières années du christianisme originel était le passé, l’aujourd’hui,  ou bien le temps long… et ces 5000 personnes sont les générations connues et inconnues, et les multitudes qui peuplent les mondes…

 

Deux poissons, que sont-ils ? On peut y lire les deux alliances, celle avec Abraham, et celle de Jésus…

 

Mais on peut aussi y voir le peu, le pauvre, le rien, mais si peu soit – il, si petit soit-il, le don est une chance. Deux deviendra grand. Le poisson ce symbole des premières communautés chrétiennes, nagera dans les mers du monde. Tertullien explique le symbole : « Nous autres, petits poissons, comme notre Poisson, Christ-Jésus, nous naissons dans l’eau et nous ne sommes sauvés qu’en demeurant dans l’eau» Eau, frères et sœurs comprendre celle du baptême, eau de l’amour du Père et du Fils,  les lettres du mot Ichtys forment les initiales de la phrase « Jésus-Christ fils de Dieu Sauveur »

 

Et ces mots nous invitent à la vie, au partage, à la joie. « Jésus-Christ fils de Dieu Sauveur » que serions-nous sans cela ? Mais sommes-nous seuls à lire cela, à l’entendre ? Comme Georges nous l’a rappelé la semaine dernière, il y a un commandement que nous ne pouvons ignorer : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » C’est dans Jean encore et toujours.

 

Quant au pain, sa symbolique ne nait pas avec Jésus, souvenez vous de Gn 3,19 « A la sueur de ton visage tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, car c’est de lui que tu as été pris » le pain se gagne, se mérite, s’offre.. « Donne-nous notre pain de ce jour… » pain de vie, pain de partage, pain de la Cène, pain d’amour ?

 

Mais quel est la nature de cet amour ?

 

Méfions-nous frères et sœurs des amours démesurés qui s’exposent et s’imposent, Jésus n’en demandait pas tant, n’en demande pas tant, l’amour jusqu’à la souffrance, ce n’est pas l’amour de Jésus, cet amour là est très souvent proche de la haine, haine de l’autre et haine de soi, haine de son corps.

 

L’amour de Jésus c’est d’abord le respect de l’autre, le respect de soi même. Il s’asseyait à la table des péagers, mangeait avec tout le monde…nous risquons de nous perdre dans un amour absolu qui donne tout sans rien attendre…Frères et sœurs, l’amour est échange, comme les poissons…

 

Notre vie, est une vie en relation, en attente, « en aller vers »…l’amour est ainsi, il dévoile un pan de soi, mais pas tout, nous ne savons jamais le tout de celui ou de celle que l’on aime, fusse celui, celle, qui accompagne notre vie, fussent nos enfants…Notre amour est partage…partage « de l’autre de nous » ce que nous offrons, ce que nous donnons de nous, qui n’est pas le tout de nous, avec l’autre en face de nous, encore une fois et non « le même »…nous ne pouvons pas capter le tout de l’autre, au risque de l’enfermer et de briser son âme.

 

Alors vient la fin de cet Evangile. Tous sont étonnés de ce prodige, « c’est le prophète qui doit venir dans le monde » entend-on.

 

Mais non. Il ne veut pas de cette gloire là, gloire éphémère, gloire médiatique, que de nourrir 5000 personnes avec 5 pains et deux poisson, ce qu’il veut c’est une place au creux de notre cœur et nourrir notre âme.

Alors il se retire, seul dans la montagne, le signe est donné, la parole est dite, le partage doit se vivre en chacun de nous.

Point n’est besoin d’œuvres, de processions ou de prières infiniment psalmodiées, si le cœur est présent et sincère. Non tout n’est pas que symbole, point n’est besoin de grandes déclarations, point n’est besoin de locaux immenses, mais seule une petite flamme, une vraie flamme  qui nous rappelle que :

 

« Heureux les pauvres en esprit,
car le Royaume des Cieux est à eux.
Heureux les doux,
car ils recevront la terre en héritage.

Heureux les miséricordieux,
car ils obtiendront miséricorde.

Heureux les cœurs purs,
car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix,
car ils seront appelés fils de Dieu ».

 

Bienheureuses Béatitudes, ce sont sans doute là les paroles que nous devrions partager le plus au monde car c’est sans doute cela que nous cueillons en cheminant et qui nous rassasie sur cette montagne devant nous là ; ou donc ? Mais… levons les yeux… !

 

Amen

 

Patrick Duprez

 

 

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Prédication du dimanche 22/07/2018 - Marc 6, 30-34

22 Juillet 2018, 16:19pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Culte du dimanche 22 juillet 2018

Prédication : Psaume 23 ; Marc : 30-34

 

 Dimanche dernier nous aurions du lire dans le  chapitre 6 de Marc, les versets 7 à 13, et nous aurions pu voir Jésus envoyer les Douze en mission. Il leur avait recommandé de ne pas se charger, de voyager léger, comme on dit familièrement. La mission était de proclamer qu’il fallait changer radicalement, chasser les démons, guérir les malades. Mission difficile s’il en est ! Très certainement éprouvante. Nous pouvons nous en douter en écoutant Jésus les avertir qu’ils ne seront pas toujours bien accueillis et qu’ils devront « secouer la poussière de leurs pieds » en partant des maisons inhospitalières.

Dans la péricope d’aujourd’hui, nous retrouvons les Douze qui viennent rendre compte de cette première mission.

Calvin écrit :« S’étant acquittés de leur commission pour un temps, ils sont derechef retournés à l’école du Maître, pour mieux en profiter ». Elle a dû être longue, cette mission, et difficile puisque Jésus, plein de sollicitude, leur propose de se reposer, de venir à l’écart, dans un lieu désert.

Evidemment, les foules qui les suivaient, ne laissent de répit ni à Jésus, ni aux apôtres ; elles vont chercher à les rejoindre et les devancer pour les retrouver.  Descendant de la barque, voyant cette grande foule, désemparée, comme des moutons sans bergers, est-il écrit, Jésus est ému et, bien évidemment, ne peut s’empêcher de leur donner ce qu’ils attendent, il reprend son enseignement.

*

Ici appelés « apôtres », - c’est la seule fois dans l’Evangile de Marc -  les Douze ont besoin de revenir vers Jésus, pour lui rendre compte. Ils reviennent donc vers Jésus, leur Berger, leur Maître.

De ce qu’ils vont lui rapporter nous ne savons rien. En revanche, nous voyons que Jésus, s’aperçoit de leur fatigue. Et, dans sa sagesse, plutôt que de les questionner ou les écouter, il leur propose de se reposer et de prendre du champ, à l’écart du bruit, de la foule.

Pour lui, comme pour les Douze, comme pour nous tous, il faut savoir s’arrêter, se reposer pour prendre des forces. Sinon comment rester efficaces ? Comment reprendre la route sans s’épuiser ? Dans les Evangiles nous voyons souvent Jésus se retirer en un lieu désert, ou sur la montagne, pour prier, c’est sagesse.  

Jésus, habitué aux foules et probablement à leurs excès, leur excitation, après leur avoir délivré son enseignement, guéri des malades et chassé des démons,  a ressenti le besoin de se retirer, s’extraire du bruit et des sollicitations incessantes pour reprendre des forces, pour se ressourcer ou pour prier. C’est exactement ce qu’il propose aux Douze.

Ici c’est la première leçon que nous donne Jésus.

Immergés dans le tourbillon de la vie, absorbés par nos occupations, nos soucis, notre travail, les divers services et engagements que nous avons, savons-nous prendre du temps pour nous, pour nous ressourcer auprès du Seigneur ? Comme le dit Qohéleth dans le livre de l’Ecclésiaste, il y a un temps pour tout. Oui, il y a un temps pour travailler, un temps pour se reposer. Un temps pour la mission, un temps pour le ressourcement.

Connaisseur de la Sagesse dans les Ecritures, Jésus sait bien cela qui prend soin des Douze.

*

Nous arrivons à la deuxième partie du texte. Beaucoup dans la foule reconnurent Jésus et ses apôtres et décidèrent de les devancer. Les voyant « comme des moutons qui n’ont pas de berger », Marc nous apprend que Jésus fut ému. Quel beau signe de l’humanité de Jésus, de ce berger, quel beau signe que cette compassion pour son troupeau ! Cette émotion, nous la retrouverons plus loin dans l’Evangile de Marc, au chapitre 8, 2 : Jésus, devant la foule qui le suit depuis trois jours dit qu’il est ému.

Alors il ne peut rester silencieux, il ne peut pas rester juste avec les Douze à les écouter et les laisser se reposer. La retraite du Maître et de ses disciples est envahie par les exigences des besoins humains.

Une fois de plus, la profonde compassion de Jésus est à l’origine des événements qui vont suivre. Malgré sa fatigue et celle des Douze, il se mit à leur enseigner « quantité de choses » est-il écrit. La suite du récit à partir du verset 35, relatera que Jésus, avec cinq pains et deux poissons, rassasiera une foule de cinq mille personnes.

En effet ! La foule qui les avait rejoints était donc considérable. On comprend que Jésus et ses apôtres ne pouvaient rester seuls en silence entre eux.

Que peut-on alors dire de cette seconde partie de l’histoire ?

D’abord que, malgré la sollicitude initiale de Jésus pour ses disciples fatigués, ici, sa compassion va d’abord au plus grand nombre. Nous pouvons nous souvenir aussi celui qu’il est celui qui est capable de laisser son troupeau pour rechercher sa brebis perdue.  Il fait face à l’urgence de ceux qui ont besoin de lui. Certes les Douze, eux aussi, avaient besoin de silence, de repos et probablement de conseils à la suite de leur mission, mais ce qui prévaut pour Jésus, c’est d’abord l’enseignement à ceux qui ont tout fait pour le suivre et l’écouter.

Jésus, le berger, prend soin de son troupeau afin qu’il ne manque de rien, comme le dit le psalmiste dans le psaume 23.

Sa grande compassion le conduit à paître son troupeau, lui donner à manger en paroles mais aussi plus tard en comblant leur faim par la multiplication des pains et des poissons. Ceux-là ne manqueront de rien, leur vie sera restaurée, et même dans la vallée de la mort, ils ne craindront aucun mal, car il est avec eux, ainsi que le dit psaume. Jésus est le bon berger qui guide qui protège ses brebis à travers toutes les vicissitudes de la vie.

« Je suis le bon berger. Le bon berger se défait de sa vie pour ses brebis ». trouve-t-on en Jean 10 verset  11.

Entre ses disciples et la foule, Jésus ne peut hésiter. Il ne peut séparer les uns pour les autres. Sa sollicitude ne peut pas se « séquencer » en séparant les brebis des boucs, réservant aux uns ce qu’elle refuserait aux autres., comme le dit le Pasteur Samuel Amédro dans le journal Réforme cette semaine.

Ainsi en interrompant le moment privilégié qu’il avait avec les Douze, il prend soin de toutes les brebis que son Père lui a confiées.

Il en est exactement de même pour nous qui sommes disciples de Jésus le Christ. Brebis du petit troupeau de l’Eglise de Narbonne, ne sommes-nous pas gardiens les uns des autres, berger les uns des autres dans une communion fraternelle ?

*

Guidés par Jésus le bon berger, nous voulons faire vivre la communion fraternelle entre nous, mais aussi hors de notre petit troupeau. Nous choisissons d’ouvrir nos cœurs, nos portes, nous choisissons d’aller vers ceux qui souffrent, ceux qui ont besoin de nous, ceux qui ont faim et soif, ceux qui sont en errance. Comme Jésus prend soin de tous ses disciples, prenons soin les uns des autres et de nos frères et sœurs en humanité, sans exclusive. Sans préférence.

On demande un jour à un sage :

Tu as de nombreux enfants, quel est ton préféré ?

L’homme répond :

Celui des enfants que je préfère :

C’est le plus petit, jusqu’à ce qu’il grandisse. C’est celui qui est le plus loin, jusqu’à ce qu’il revienne. C’est celui qui est malade, jusqu’à ce qu’il guérisse. C’est celui qui est prisonnier, jusqu’à ce qu’il soit libéré. C’est celui qui est éprouvé, jusqu’à ce qu’il soit consolé.

En Jean 21, 16, nous lisons : « Il lui dit une deuxième fois. Simon fils de Jean, m’aimes-tu ? Pierre lui répondit : Oui Seigneur ! Tu sais bien que je suis ton ami ! Jésus lui dit :  Sois le berger de mes brebis. »  Et plus loin au verset 17 : « Prends soin de mes brebis. »

Seigneur, nous qui sommes tes amis, nous recevons nous aussi cet envoi en mission :

Tu nous envoies comme bergers vers nos sœurs et nos frères.

Envoie-nous ton Esprit de sagesse et de force, de conseil et donne-nous d’être toujours attentifs ,   disponibles et fraternels.

Amen.

 

Georges d’Humières

 

 

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Prédication du dimanche 8/07/2018 -2 Corinthiens 12, 7-10

22 Juillet 2018, 16:14pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Prédication du Dimanche 8 Juillet

2Co 12, 7-10

 

Cette Epitre est selon la Traduction Œcuménique de la Bible d’avantage un écrit de combat et de persuasion qu’un exposé systématique et théologique comme l’est l’Epitre aux Romains.

 

Si nous regardons le contexte des paroles de Paul dans les chapitres 10 et 11 précédant l'extrait de ce dimanche,  Paul est soumis à des accusations diverses sur l'authenticité de son ministère. Accusations d'ambitions purement humaines… Attaques sur sa personne de la part de gens visiblement dépassés par sa profondeur intellectuelle ou jaloux de son succès :

 

"Les lettres ont du poids, dit-on, et de la force, mais sa présence physique est sans vigueur, et sa parole est nulle" (10,10). Des prédicateurs de l'Evangile de styles différents suscitant des clans dans la "paroisse" de Corinthe… Etc. des paroles circulent émanant de ceux qui se disent des « porteurs de vérité », des « sachant »

 

Dans les versets qui introduisent le chapitre 12, Paul, pour sa défense, en arrive à faire état d'expériences mystiques spirituelles personnelles, qu'il qualifie d'extraordinaires. Mais faut-il en parler ?

 

Paul est-il au-dessus des autres ? S'il était tenté de le penser, il y a cette curieuse écharde en lui, un envoyé de Satan l’a plantée en sa chair pour rabaisser un orgueil éventuel, pour l'empêcher de se surestimer.

Passons sur la nature de cette écharde tout a été dit ou presque sur ceci. Un handicap physique grave, un lourd bégaiement, il est même question parfois d’une sexualité débordante… !

 

Je ne vais pas aujourd’hui vous parler de ces hypothèses, ou en rajouter, comment le ferais-je ? Non je vais vous parler comme un protestant parle à ses sœurs et ses frères tout aussi porteurs des mêmes symptômes que lui, des mêmes doutes, des mêmes faiblesses...

 

Ainsi il y a eu dans la Communauté de Corinthe des sachant des super apôtres, de ceux qui disent, ou qui possèdent la vérité et l’imposent ou veulent le faire…Vous vous rappelez que dans l’Evangile selon Jean lorsque Pilate demande à Jésus « qu’est-ce que la vérité ? » Jésus ne répond pas…Mais certains encore aujourd’hui répondent…Ne rions pas, ce faisant, le savent-ils seulement, c’est de leur faiblesse dont-ils ont peur, de leurs doutes…alors ils énoncent des vérités qui les rassurent…

 

Et nous ici ne sommes-nous pas tentés parfois de le faire ?

 

Paul lui refuse clairement la gloire et la vantardise au profit d’une théologie qui s’exprime à travers la faiblesse. Or, la faiblesse est, selon Paul, le lieu où le divin s’exprime par excellence. « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort » car la « puissance [de Dieu] s’accomplit dans la faiblesse » : Quels propos surprenants !!

 

Mais, frères et sœurs, vous le savez, Dieu vient à nous sous les traits d’un nouveau-né qui n’a même pas de place pour naître convenablement. Dieu vient à nous sous les traits de prophètes qui, comme Jean Le Baptiste, devaient faire peur, vêtu de peux de bêtes et mangeant des insectes. On refuse aujourd’hui à des bateaux portant des gens habillés simplement d’accoster sur nos côtes alors imaginez Jean sur un bateau en Méditerranée... !! Mais nous sommes-nous posés la question, Dieu ne viendrait-il pas à nous sur une barque issue de Lybie et un bateau que nous empêchons d’accoster ?

 

« Dieu vient à nous par Moïse le bègue, par Jacob le fourbe, par Jonas le trouillard, par ces traitres de disciples de Jésus. Le salut entre par ce voleur de Zachée. Le paradis est promis au brigand condamné à mort avec Jésus.

Les explorateurs du Pays de Canaan pénétrèrent dans le pays en passant par la maison de la prostituée.

Faiblesse, oui faiblesse, oui Dieu vient à l’homme dans le clair obscur de sa faiblesse.

 

Ce ne sont pas des surhommes qui manifestent le divin, mais ce que notre monde compte de moins glorieux. Des théologiens le disent, les textes bibliques développent une option préférentielle pour les faibles ». 

 

Suis-je en train de vous dire heureuses les prostituées, heureux les trouillards, heureux les traitres, heureux les voleurs ?

Non je voudrais simplement vous dire heureuse l’humanité, heureux êtes-vous si vous tremblez, si vous doutez.

 

L’option préférentielle pour les faibles, c’est l’attention portée à l’humain, à l’humain véritable et non à celui qui se prétend invulnérable, au-dessus de tout, pensant bénéficier d’une impunité absolue, et qui lui, répond à la question de Pilate car lui il sait ou il croit savoir ce qu’est la vérité, mais même à cet humain là qui nous ressemble tant, Dieu vient à lui…

L’option préférentielle pour les faibles, c’est le soin pour tous, c’est la grâce pour tous, tous partageant cette même condition : « va tel que tu es avec tes doutes » et non « va avec ta vérité et ta puissance » ce qui ne serait que le fruit d’un mensonge.

La grâce pour tous n’a pas les mêmes effets pour tous. Nous n’en sommes pas tous au même point de notre cheminement spirituel, de notre humanisation de notre histoire avec l’Eglise. La grâce est un soin personnalisé, donné à chacun…La grâce, c’est fournir à quelqu’un ce dont il a profondément besoin et non ce qui nous fait plaisir d’offrir. Nous avançons avec nos pauvres certitudes, nos déceptions, nos amours, nos craintes, nos plaisirs et nos doutes.

Biens aimés sœurs et frères notre petite Eglise Protestante unie narbonnaise, ne sera jamais aussi forte que lorsqu’elle saura se reconnaître dans sa faiblesse. Oui nous sommes moins nombreux maintenant dans certaines de nos rencontres, dans nos réunions, qu’avant. Oui, nous n’étions que 30 l’autre soir à la grillade, et alors ? Ils étaient heureux ces 30 là dans la faiblesse de leur petite paroisse !

Oui, l’Evangile aujourd’hui nous dit simplement que l’écharde dans notre chair peut devenir une promesse. Et que c’est alors que nous doutons de notre avenir en tant que communauté que nous pouvons rencontrer Dieu vraiment. C’est précisément là, dans notre doute et notre faiblesse, que nous sommes à même d’entendre sa parole pour nous : pas dans le succès, pas quand tout va bien, mais justement quand nous sommes dans l’interrogation et l’angoisse du chemin devant…

« Car cette épine nous rappelle notre humanité profonde, ses manques, ses craintes, ses fêlures, et le fait que Dieu les comprenne car il les a vécues, jusqu’au bout, sur la croix. Certes ce discours risque bien d’apparaître incompréhensible à nos contemporains. Mais en connaissez vous un autre ?

Car c’est précisément cela que Paul nous demande de devenir : des fous, des fous de Dieu, des fous pour Dieu ! Des fous ou plutôt, si vous préférez, des excentriques. Oui, nous sommes des excentriques parce que, justement, Dieu ne cesse de nous dé-centrer, de nous ex-centrer par rapport à nous-mêmes et à nos préoccupations pour nous tourner vers autre chose, mais vers quoi ? »

Le théologien Elian Cuvillier commentant Paul rappelle l’incarnation du verbe, ce centre de la réflexion d’où tout rayonne, et questionne, ce verbe dès lors « qu’il n’est pas une parole théorique mais lorsqu’il vient s’inscrire à même la chair meurtrie de nos mémoires et de nos vies singulières à chacun d’entre nous. »

 

Ne pas assener une vérité en laquelle il faudrait croire. C’est cela notre risque, notre angoisse. Nous refusons le doute…qui nous fait mal, et nous formulons des « pourquoi ? » qui n’appellent que des réponses fermées et satisfaites d’elles-mêmes.

 

Simplement désigner une parole à écouter, à laisser résonner en nous.

 

« La parole c’est un don, un don qui n’a pas de sens, qui est « hors sens »  hors de l’histoire, de la théologie, de la morale, de tout ce qui nous enferme dans un système clôturé quand nous cherchons justement à y mettre du sens.

 

Une parole qui n’a aucun souci d’elle-même, aucun souci du regard que l’on porte  sur elle. Une parole hors sens qui ouvre devant nous un chemin où chacun est invité à tracer son propre sillon, forcément tortueux, chaotique, difficile, fragile, faible, au risque de nombreuses échardes en cours de route. Oui, mais c’est notre sillon … »

 

Et il est précédé d’une histoire singulière : celle qui n’appartient qu’à nous, et avec laquelle nous ne cessons de débattre…

 

« Mais aussi précédé d’un Autre, du nom mystérieux et imprononçable d’un Autre, qui a lui-même fait le pari du hors-sens. Un Autre qui s’est laissé tuer, pour n’être selon la tradition qui était celle par laquelle nous sommes précédés, que celle d’un verbe fait chair ».

 

 

Non pas une parole saturante sure d’elle-même, mais une parole fragile, qui échappe à toute capture du fait même de cette fragilité surprenante et déconcertante : c’est là la seule puissance de cette parole. Elle nous échappe et nous échappera toujours. N’oublions pas Frères et sœurs, quand nous lisons ici les Evangiles, nous commençons par « selon Jean », « selon Mathieu », « selon Marc », « selon Luc »…pas un mais quatre chemins…quatre chemins « selon »…ouverts à tous les possibles des rencontres…

 

Frères et sœurs, la vie véritable ne surgit pas des théories, des systèmes, des dogmes, des savoirs qui enferment dans des certitudes, certitudes dont on se passe difficilement, mais elles ne sont que scléroses…

 

La vie véritable, la puissance d’être, trouve sa source dans ce qui ne se prévoit pas, ne s’édicte pas, échappe à toute règle préétablie, à des rencontres…y compris des rencontres avec soi même.

 

Alors oui, ça fait mal, oui ça réveille la nuit parfois, oui nous subissons la douleur de cette écharde…Mais cette parole c’est ce qui fait entrevoir, à chacun de nous, une possibilité d’exister qui n’avait pas été envisagée jusque là. Alors oui, ça peut faire peur, et cette écharde peut ressembler à la peur devant l’inconnu à parcourir…

 

Voilà ce que la parole originelle cette parole incarnée qui nous fonde en notre commencement, permet toujours: que pour chacun rien ne soit jamais écrit, qu’aucun destin ne nous entrave définitivement jusqu’au bout de notre chemin, jusqu’à la dernière seconde, laissons nous envahir par ce souffle nouveau…

 

Oui c’est difficile, car oui nous sommes bien faibles, et pourtant bien forts nés de cette parole là.

« Qui l’eut pensé ? Des ténèbres vient la lumière, la Vie vient de la mort et ce qui est… du rien » (Silésius)

Car c’est dans notre faiblesse que nous sommes forts…Amen

 

Patrick Duprez

 

 

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Prédication du dimanche 10 juin 2018 - Marc 3 : 20-35

15 Juin 2018, 10:05am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

 

Marc 3 : 20-35

 

 

« Il a perdu la tête. »

 

Frères et sœurs, c'est la vérité toute crue que Marc nous laisse voir dès le début de son évangile et qui persistera jusqu'à la fin de son livre. Il nous montre un Jésus déconcertant, au comportement tellement déraisonnable, dérangeant que même ses proches ne peuvent accepter cela. Leur regard s'arrête sur le fils de Joseph et de Marie. Mais celui qui prend la parole dans la synagogue, on ne le reconnait pas. On ne le comprend pas non plus.

 

Il faut être un peu dérangé, avoir perdu la tête que de dire aujourd'hui s'accomplit ce que vous venez d'entendre (Luc 4, 21). On ne percevait pas que Jésus était l'accomplissement de la promesse attendue.

 

Marc, seul évangéliste à affirmer que Jésus a perdu la tête, décrit ainsi tout le  paradoxe de l'Incarnation. Tout son évangile fait resurgir un Jésus tellement proche de nous qu'il est trop proche, pour bien le comprendre avec nos lunettes, nos perceptions humaines. On connaît ses origines mais on ignore son identité.

 

Tellement libre qu'il semble avoir perdu la tête même en regard des conventions familiales…

Oui, il a perdu la tête ce Dieu en devenant l'un de nous, en entrant dans la maison des Zachée et Lévi. En entrant dans la ville «dangereuse» de la Samarie.

Il a perdu la tête ce Dieu dont le souci d'authenticité, de transparence et d'honnêteté, le poussera à contester la pratique de la religion de son temps.

Il a perdu la tête ce Jésus qui, par sa naissance, est entré dans l'arène des conflits humains, s'est heurté à de vives et permanentes oppositions qu'il a vécu dans la sérénité, sans perdre la tête.

Non seulement il a perdu la tête, mais son agir lui a fait perdre la tête. La folie de son amour sera toujours déroutante pour nous.

 

« Il a perdu la tête ».

Frères et sœurs, ce qui résonne comme une insulte, une incompréhension pour ses proches peut aussi être entendu comme un compliment, un beau cri de reconnaissance pour tout ce que Dieu en Jésus a accepté de vivre pour redorer notre image jusqu'à la rendre à sa ressemblance originale.

Dans son village de Nazareth, Jésus faisait partie d'une famille... Grâce à elle, Jésus a pu se nourrir, grandir, apprendre un métier,..., tout en écoutant la Parole de Dieu. Jésus a donc été porté, accompagné pendant de nombreuses années par une famille aimante. Puis, il est parti sur les routes pour annoncer le Royaume de Dieu, famille des enfants de Dieu en aimant à la manière du Père!

Jésus entre dans une maison, où de nouveau la foule se rassemble, si bien qu'il n'était pas possible de manger. Sa famille, l'apprenant, vient pour se saisir de lui, car ils affirmaient: «Il a perdu la tête.»

Des proches, des amis, des gens qui aiment Jésus peuvent s'inquiéter de son style de vie.

A-t-il vraiment le droit de pardonner les péchés? N'est-ce pas insulter Dieu?

Pourquoi côtoie-t-il les gens impurs (les malades, les publicains, les gens de mauvaise vie)?

Lui-même ne devient-il pas impur? Pourquoi ne jeûne-t-il pas comme les autres?

Pourquoi ne respecte-t-il pas strictement les interdits du jour du sabbat?

Pourquoi s'oublie-t-il, pourquoi fait-il passer les autres avant son confort personnel?

En agissant comme il le fait, Jésus risque de se faire de nombreux ennemis, de déplaire à Dieu, de se laisser "dévorer" par la foule et de nuire à sa santé, à sa vie...Peut-être, a-t-il perdu la tête et faut-il le freiner, lui parler, le ramener à la raison, l'aider à revenir dans le "bon" chemin?

La famille de Jésus, inquiète, se met en route...Elle a de bonnes raisons de l’être….Puisque déjà les scribes de Jérusalem (siège des autorités religieuses), disent: « Il est possédé par Belzébul.. » Belzébul: un autre nom pour Satan.

D'après les scribes de Jérusalem, c'est Satan qui agit en Jésus. C'est de lui que viennent tous ses pouvoirs. Alors, Jésus invite les scribes à réfléchir… Pour l'instant, qu'a-t-il fait? A la synagogue par exemple, il a aidé un homme à se débarrasser d'un esprit mauvais.

Si Satan le dirigeait, aurait-il agi contre un esprit mauvais? Satan aurait-il voulu détruire Satan? Satan aurait-il voulu la fin de Satan?

Depuis qu'il est parti sur les routes, Jésus a semé le bien, il a guéri des malades, remis des hommes et des femmes debout,...        5

Satan, semeur du mal, aurait-il voulu semer le bien?

Jésus, lui, ne marche pas pour le mal. Toujours, il cherche à le combattre…Mais Jésus sait aussi que le mal est fort (comme l'homme fort de la parabole de notre passage), il est en chacun de nous et se nomme égoïsme, orgueil, jalousie, mensonge, haine, vengeance,... Parfois, il est difficile de lui résister. Pour le combattre, Jésus nous invite à le ligoter, c'est à dire à le reconnaître en nous, à le nommer ("Je suis égoïste"...).Connaître le nom d'un mal, c'est déjà être au-dessus de lui.

 

Aujourd'hui, la famille de Jésus est là, à la porte de la maison; elle cherche à le rencontrer, à le ramener "à la raison".

"Alors arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font demander. Beaucoup de gens étaient assis autour de lui; et on lui dit: «Ta mère et tes frères sont là dehors, qui te cherchent.»

Marc souligne par deux fois (versets 31 et 32) que sa mère et ses frères sont dehors, non pas au sens extérieur, mais au sens qu’à leurs yeux, « Jésus est fou» (verset 21). Les gens de chez lui ne reconnaissent plus Jésus tant il déroge à l’éducation qu’il a reçue. Son comportement est déraisonnable, inconcevable, anormal. Pour ses parents, Jésus a tellement changé qu’il a besoin d’être saisi, d’être ramené à l’ordre.

Voilà le message central de ce passage. Jésus est tellement hors-norme que sa famille, les gens de chez lui, veulent le ramener à la raison.

Au terme de ce passage, frères et sœurs, un renversement complet de situation se produit. Les siens, la famille de sang de Jésus, ont été saisis par Jésus, eux qui voulaient pourtant le saisir. Ils ont entendu Jésus les inviter à entrer dans sa famille et ils ont réalisé que Jésus ne retournait pas dans la sienne. Au lieu de saisir Jésus de l’extérieur, eux qui étaient dehors, ils l’ont saisi de l’intérieur. Au lieu de s’emparer du Jésus physique, ses proches ont été saisis, impressionnés, par Jésus, « projet nouveau », Parole neuve…

Jésus ramène « à l’ordre » les gens de sa famille. Celle-ci observe que Jésus refuse de replâtrer le message religieux de son temps ; elle perçoit, comme la foule assise à ses pieds, qu’il n’est pas si désorienté qu’il en a l’air. Les gens commencent à réaliser que le langage nouveau de Jésus comble leur soif de bonheur, une fraîcheur nouvelle souffle sur leur vie. Devant la foule, Jésus tient un langage plein de sens. Qui fait sens. La foule s’ouvre avec fébrilité à la parole faite chair. Elle pressent que la bonne nouvelle de celui qui a perdu la tête ne se trouve pas dans la mémorisation de toutes les lois, dans la récitation d’un rigoureux catéchisme au langage incompréhensible ou encore dans la défense d’une institution…

Oui, c’est dans la désinstallation de ses sécurités, c’est dans la déconstruction des fausses certitudes qui naît d’une rencontre vraie assise aux pieds de Jésus, que se trouve la bonne nouvelle.

Jésus ne bouge pas; il reste à l'intérieur de la maison. Cela ne veut pas dire qu'il renie sa famille ou qu'il la repousse, non! Cela veut plutôt dire qu'il l'invite à se déplacer plus loin encore, qu'il l'invite à se dépasser pour entrer dans Sa Maison, qu'il l'invite à s'ouvrir, à grandir vers une autre dimension plus spirituelle, plus universelle, pour découvrir ce qui est "raisonnable" dans le Royaume de Dieu.

Frères et sœurs, le raisonnable du Royaume est déraisonnable, démesuré. Le cœur de Dieu est sans mesure, sans frontière... Il aime la création toute entière! Il nous invite à vivre de sa vie, à aimer à sa manière, à être en communion les uns avec les autres comme des frères et sœurs qui s'aiment. Le Père désire une famille aux dimensions du monde! N'est-ce pas merveilleux?

Jésus, l'âme toute tournée vers l'Amour et la Lumière, a répondu à l'appel du Père: il aime sa famille mais aussi la foule, ses disciples, ses amis, et encore, le lépreux, le publicain, le malade, l'exclu, le pécheur,... Jésus fait la volonté du Père et vit sa mission: inviter chaque personne à le suivre sur ce chemin de communion.

 

La famille de Jésus a le choix: elle peut rester à la porte de la maison, attendre que Jésus revienne vers une famille réduite, ou entrer dans la maison, entrer dans la grande famille.

 

Frères et sœurs, Jésus a profité de cet incident pour définir la nouvelle famille spirituelle.
Qui forment cette nouvelle famille spirituelle?
Le Seigneur fait ce geste, nous dit Marc ; « jetant le regard autour de lui » et voyant en ses disciples, les hommes et les femmes qui, malgré leur délimitations, se soumettaient à la volonté de Dieu, pendant que sa famille restait dehors. Par conséquent, la condition requise pour faire partir de sa famille spirituelle c'est faire la volonté de Dieu.

 

C'est seulement en comprenant les priorités du Seigneur que nous pouvons comprendre la réaction de Jésus en cette occasion; si cela n'était pas le cas, son comportement aurait été une grande offense envers sa mère. Bien évidemment, il ne voulait pas déranger sa famille; mais il voulait plutôt montrer à ceux qui écoutaient, les priorités que le message du royaume de Dieu entraine.

Oui, appartenir à une famille implique un lien héréditaire, de sang ou d’adoption. Or, Jésus vient ici bouleverser le mode habituel d’admission.

La famille est ainsi redéfinie non plus en termes de lien et d’avantages reçus à la naissance, mais de conversion du cœur et d’adhésion à la parole et à la volonté de Dieu: c’est la vraie famille à laquelle Jésus invite chacun, chacune de nous pour un nouveau monde fraternel.

 

Frères et sœurs, Jésus nous invite à dépasser les relations humaines telles que les connaissons, les liens du sang, comme les liens de l’amitié, pour découvrir la fraternité à laquelle il nous invite. Il souhaite nous voir quitter nos fraternités et nos filiations pour devenir frères et sœurs universels et entrer pleinement dans sa famille.

 

Par sa question qui est ma mère, Jésus nous fait voir que notre horizon, c’est d’appartenir à Dieu : c’est le cela le choix de la déraison qui est une sagesse devant Dieu.

 

Amen !

 

 

Charles KLAGBA

 

 

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Prédication au culte du dimanche 27 mai 2018. Rm 8 : 14-17; Mt 28 : 16-20.

27 Mai 2018, 14:33pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

 

 

Textes bibliques :  Romains 8 : 14-17; Matthieu 28 : 16-20.

 

 

 

Il y a une semaine, nous fêtions la Pentecôte. Dieu réalise sa promesse en Jésus le Christ. Son souffle de vie, l’Esprit-Saint, le Consolateur, l’avocat est entré en action. Pentecôte, c’est un basculement, c’est la naissance d’une communauté universelle, l’Église, des hommes et des femmes qui répondent à un appel, celui de Dieu. Même si son engendrement, réel et secret, est bien plus ancien, l’Eglise a commencé à exister, dans le sens où elle a commencé à s’exprimer, à se manifester au-dehors, à rayonner.

 

L’évangile de Matthieu que nous venons de lire se termine par la rencontre des disciples avec leur Seigneur ressuscité en Galilée, et par la mission dont il les charge.

 

Frères et sœurs, vous savez, les disciples choisis par le Christ et qui avaient travaillé avec lui durant son ministère terrestre n’étaient pas des surhumains. Ils étaient faibles, craintifs et pleins de doutes comme vous et moi. Mais à ces disciples, Dieu a fait le don suprême du Saint–Esprit, de son Souffle de Vie le jour de Pentecôte pour les rendre courageux et audacieux, pour les réconforter et les affermir. Avec le don de l’Esprit, ils sont maintenant capables de se mettre debout, de faire face aux foules parfois hostiles et de partager avec autorité et foi la Bonne Nouvelle qui présente le nouveau plan d’action de Dieu pour tous les êtres humains.

 

 

Matthieu situe la dernière apparition du Christ qui est aussi le lieu de passage de relai, sur une haute montagne de Galilée, en précisant seulement : là où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Les disciples font un cheminement afin de se rendre en Galilée. Là se produit quelque chose d’étrange. Les disciples se prosternent devant le Christ ressuscité, c’est-à-dire, dans la foi, ils le reconnaissent comme leur maître de vie, mais en même temps ils gardent certains doutes.

L’important pour Matthieu est de montrer que cela se situe, comme au début de son Évangile, dans la Galilée des nations , (mot qui signifie « Cercle des nations »), (4,15), pour bien marquer ainsi l’universalisme du message apporté à tous les peuples de la terre.

Ce qui importe aussi à ses yeux, c’est de bien rappeler l’ultime mission donnée par Jésus qui parle alors en véritable Seigneur. Un Seigneur à qui tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre (28,18). Venu dans la faiblesse de la chair, Jésus est ressuscité dans la gloire. Sa toute-puissance divine s’exprime à présent dans son humanité glorifiée (Col 2,9). Et celle-ci s’étend désormais sans limite d’espace et de temps : aussi bien sur la terre que dans les cieux (Col 1,20) et jusqu’à la consommation des siècles (Mt 18,20).

 

Au nom du Père qui l’a envoyé, au nom du Saint-Esprit que lui-même a promis et en son propre nom de Seigneur de la gloire, les disciples du Christ peuvent à présent entreprendre leur triple mission d’enseigner, de baptiser et de faire des disciples (28,19). Ce Jésus de la terre est bien le Dieu du ciel ; mais il reste avec nous, comme son nom d’Emmanuel l’indique, dans l’éternel présent de sa demeure en nos cœurs.

 

Ce récit de Matthieu ne choisit pas, soulignons-le, le terme d’apôtres, mais de disciples ; la précision n’est pas anodine.

Au départ, les compagnons de Jésus ne sont pas désignés par un titre, un grade ou une marque de pouvoir ou d’honneur ; ils sont simplement désignés par ce terme humble de disciples : les disciples de Jésus, ceux qui le suivent et se mettent à son école.

Ils sont là, et dès que Jésus apparaît, ils adorent. … ils adorent mais….. certains doutent !

Cette petite remarque souligne discrètement la réalité de la vie chrétienne à laquelle nul ne peut échapper : deux sentiments toujours mêlés : foi et doute, certitude et incrédulité, inébranlable conviction et inévitable hésitation.

Dans le Nouveau Testament, le doute ne se manifeste jamais chez les incroyants mais toujours dans la vie des disciples, comme il se manifeste souvent dans la mienne, et aussi dans la vôtre, probablement. Il ne faut pas en avoir honte ; ce n’est pas une faute, c’est l’inévitable condition du disciple. Mais c’est précisément dans ces moments de grande fragilité où la foi et le doute ensemble, nous saisissent, que le Seigneur nous donne rendez-vous et se tient là, devant nous, non pour nous accuser et dénoncer notre inconstance ou nos errances, mais pour nous rencontrer et nous confier l’annonce de l’Evangile au monde. Oui, l’Evangile est puissance de vie, l’Evangile est présence. « Je suis avec vous » dit Jésus.

 

Ces disciples ne peuvent pas être confondus avec un groupe de fanatiques ou de doctrinaires ou au contraire de gens sans réactions. Confiance, adoration et doute peuvent coexister au sein de leur groupe; la foi comme le doute ont leur place parmi les disciples.

Le Ressuscité n’impose pas sa présence de manière évidente ou fracassante, par la force contraignante. Sa présence est accueillie par le prosternement et l’adoration des disciples; le prosternement révèle une attitude qui exprime la confiance dans la présence vivante du Christ, mais cela n’empêche pas le doute de certains disciples. A l’adoration comme au doute Jésus répond alors en s’approchant des disciples: Jésus s’approcha d’eux.

 

Les disciples l’ont vu de loin et lui s’approche ; Il se fait proche de ses disciples; Il est souvent selon les évangiles Celui qui se fait proche, Celui qui vient. Nous croyons en Dieu qui n’est pas resté loin des humains, mais qui s’est approché de nous. C’est le message, la Bonne Nouvelle du Nouveau Testament : Le royaume de Dieu, la présence de Dieu s’est approchée.

 

La réponse à la confiance comme au doute, c’est Jésus qui s’approche, mais c’est aussi Jésus qui parle : «Tout pouvoir, dit Jésus, m’a été donné au ciel et sur la terre, allez donc, faites de toutes les nations des disciples».

 

"Allez donc" !

Le verbe contient une notion de mouvement. Bien que la traduction française du verbe "aller" soit à l’impératif, le texte grec  induit l’idée de « allant » ou "tout en allant". C’est compris que nous sommes envoyés et sommes toujours en mouvement.

Autrement dit, dans tout ce que vous faites, où que ce soit que vous iriez, où que ce soit que vous habitiez, où que ce soit que vous travailliez - engagez-vous à faire des disciples. Cet ordre est donné dans le contexte d’une vie entière.

C’est une mission large qui se donne d’abord par un mouvement vers l’autre, se quitter, quitter le bien connu pour aller vers l’inconnu pour le rencontrer. Quitter comme lui-même, la Parole faite chair s’est quitté...

 

Rencontrer l’autre en cherchant seulement à transmettre ce mouvement de vie reçue, devenir disciples comme les Onze le sont à travers ce qu’ils ont vécu et vivent dans la relation avec Lui.

 

Frères et sœurs, par cette mission, le Christ ouvre une espérance pour le monde. Il promet que le monde changera quand l’Evangile sera prêché jusqu’aux extrémités de la terre. Cette espérance est l’élément qui nous pousse à espérer d’abord et à croire ensuite. La Bonne Nouvelle est essentiellement cela, ce changement de manière d’être, de manière de vivre, laisser vivre en soi ce mouvement qui vit dans le mystère de Dieu, il s’agit d’être plongé dans ce mouvement, d’en être baptisé... Et ce mouvement qui nous rend libres, capables, il doit chercher à s’entretenir, à se maintenir, à s’approfondir... Veiller à faire vivre, ce qui nous fait vivre...

Il s’agit de demeurer dans sa Parole, de s’aimer les uns, les autres comme il nous a aimés...

Les commandements sont ceux de la vie véritable, l’amour humble et fraternel.

 

Frères et sœurs, avec cet impératif missionnaire, le monde n’est pas voué au fatalisme qui semble peser sur lui, au contraire c’est une nouvelle vision des choses qui nous est proposée.

Cette proposition réclame la participation des disciples de toutes les générations et donc notre participation. Et parce qu’elle nous engage, nous voulons y croire, comme les onze disciples y ont cru et comme  tous les chrétiens qui les ont suivi ont cru après eux.

 

Le monde a besoin de chrétiens qui restent là où ils sont et proclament Jésus - là où ils sont. Il est possible d'aller très loin tout en restant chez soi.

 

Il y a ici, pour nous, chrétiens, un grand défi à relever : ce Jésus qui est parti, et qui est avec nous tous les jours, nous avons à le rendre présent à travers notre foi, dans la cohérence de nos paroles et de nos actes, nourrie par la prière, la louange, le chant, la confession de foi, la lecture et l’écoute de sa Parole.

 

Aujourd’hui, Jésus est présent quand les siens pratiquent sa Parole, gardent ses commandements et le suivent sur le chemin de vie qu’il a balisé. Le chrétien s’investit dans sa façon de dire et de manifester son Seigneur aux autres. Notre parole et notre engagement témoignent d’une présence d’amour à celles et ceux qui aujourd'hui se sentent abandonnés.

 

Notre mission est de rendre l’espérance de Pâques aux crucifiés d’aujourd'hui, à tous ceux qui sont humiliés, délaissés, démunis, souffrants. Personne n’est exclu de l’amour de Dieu.

 

Vous qui peinez dans les contradictions de la vie, qui êtes peut-être découragés, qui vous heurtez à des murs qui vous blessent, sachez que la situation que vous êtes en train d’affronter n’est pas le dernier mot qui est prononcé sur votre vie. Le dernier mot du Christ crucifié et ressuscité c’est : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », avec vous dans les déserts de la vie, où l’amour s’est raréfié, asséché ; avec vous les malades, les mal-aimés, les angoissés, les isolés, les solitaires. Comme Pâques après vendredi-saint, l’histoire de votre vie peut rebondir vers un autre avenir. Au point limite de nos épreuves, c’est là que commencent nos résurrections.

 

C’est le chemin qu’ont suivi les disciples : de Pâques à Pentecôte, c’est le temps et l’espace à parcourir pour renaître à la vie par le don de l’Esprit.

 

 

La mission confiée aux disciples s'apparente bien à une folie ; mais ils ne sont pas seuls, et cela, il ne faut jamais l'oublier.

Dans la mesure où notre engagement n'est pas le nôtre, mais le sien, celui de Dieu, nous n'avons pas de raison de nous inquiéter des résultats : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! »... En d'autres termes, c'est nous qui allons, mais c'est lui qui a tout pouvoir...

Dieu est présent à travers les actes, les gestes, les paroles de son Envoyé. Dieu est présent dans l’amour que porte Jésus aux mal-aimés de son temps. Dieu est présent dans l’engagement qui va jusqu’au don de soi pour ceux que l’on aime.

 

 

Frères et sœurs, soyons rassurés ; notre vocation de dire la Bonne Nouvelle en paroles et en actes, n’est pas assortie d’une obligation de résultat car aucun de nous ne maîtrise les effets de la Parole de Dieu qu’il nous est demandé d’annoncer. Jésus, seul, a le pouvoir de toucher les cœurs. L’apôtre Paul nous le rappelle sans cesse : l’Esprit de Dieu qui nous est donné nous rend libre de toute peur. Dans sa lettre aux Romains, (l’épître du jour) il nous dit ceci : «  En effet, tous ceux qui sont conduits par l’esprit de Dieu sont des enfants de Dieu. Et l’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves qui ont encore peur mais il fait de vous des enfants de Dieu. Et par cet Esprit, nous crions vers Dieu en lui disant ‘Abba ! Père ! » Romains 8 : 14, 15.

Nous, ses disciples avec cette liberté que nous confère l’Esprit, nous disons simplement les paroles et les actes qu’une multitude d’hommes et de femmes ont médités depuis plus de deux mille ans et qu’ils ont reçus comme étant la Parole de Dieu.  Ils l’ont laissé agir en eux pour y discerner l’appel à se mettre en marche, à devenir témoins d’un amour qui les dépassait, à s’aventurer avec leur foi et leurs doutes, leurs forces et leurs faiblesses sur le chemin du service et de l’annonce de l’Evangile.

 

La Parole de Dieu, trace en nous le chemin sur lequel le Ressuscité, le Christ vivant, nous conduit au rendez-vous qu'il nous a donné, ce matin. Pardonnés, libérés de tout ce qui nous écrasait et retenait notre joie, il nous envoie à la rencontre du monde pour manifester son Règne de justice et d’amour.

 

Vivre en disciple, tel est notre appel, (j’allais dire aussi, notre rappel) ce matin. Etre disciple de Jésus, c’est rester toujours des apprenants, ceux qui gardent et transmettent tout ce que Jésus nous a enseigné par sa vie et ses paroles.

 

Chers frères, chères sœurs, gardons bien plantée dans nos cœurs sa promesse certaine : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde. ».

 

Amen !

 

Charles KLAGBA

 

 

 

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Prédication au culte de Pentecôte, le dimanche 20 mai 2018

20 Mai 2018, 18:24pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Jean 15,  26-27 et 16, 12-15 ; Actes 2, 1-11

 

Pour nous qui sommes des gens plutôt raisonnables et cartésiens, comment pouvons-nous recevoir ce texte qui relate la première Pentecôte chrétienne et qui nous parle de « bruit comme celui d’un vent violent », de « langues de feu qui se séparent et se posent sur chacun des douze apôtres », ceux-ci se mettant tout à coup, à parler dans d’autres langues de sorte que les juifs de la diaspora et la foule dont les langues sont diverses et variées arrivent à les comprendre, à leur étonnement et leur admiration ?

Que l’on puisse  s’en tenir à une lecture au premier degré m’a toujours étonné  et laissé perplexe. Et pourtant certains chrétiens s’en tiennent à cette première lecture et vont même jusqu’à parler « en langues ». Bizarre, non ? Parler en langue m’est totalement étranger, obscure, incompréhensible.

Mais que peut-il se cacher derrière les mots et derrière cette singulière histoire ?

D’abord nous allons faire un tour du côté du contexte de la fête. Puis nous chercherons ce que nous pouvons dire de l’Esprit Saint. Comment il se manifeste : « « bruit comme celui d’un vent violent », « langues de feu. » Enfin, nous essaierons de comprendre  leurs effets et que dire de la communication entre les protagonistes : les juifs de la diaspora, dont les langues sont multiples.

Le contexte.

Dans ce passage des Actes, à  Jérusalem, il y a foule. Les juifs viennent célébrer la fête des moissons, sanctifiée par l’offrande à Dieu des premiers fruits. C’est la fête des « semaines », car on comptait sept semaines après que la faucille ait coupé les premiers blés. Aujourd’hui  elle est encore célébrée sous le nom de « Chavouot ».  Hier, chez nos amis juifs, c’était «Erev  Chavouot »,veille de fête, c’est donc fête aujourd’hui et demain. C’est une fête joyeuse pendant laquelle les juifs se  réjouissent devant Dieu « Tu te réjouiras devant l’Eternel ton Dieu », selon Deutéronome 16,11.

Cette fête a lieu tous les ans. Cinquante jours après l’offrande de la première gerbe d’orge. Cinquante  jours après « pessah », Pâques . 50 jours d’où le mot grec « Pentacosté », la fête de Pentecôte.

Voilà pourquoi il y a tant de monde à Jérusalem ce jour-là dans notre récit.  Les douze apôtres, dont le remplaçant de Judas, Matthias, nouvellement élu, sont donc réunis comme les autres juifs qui viennent de tout le bassin méditerranéen et ils sont au milieu d’eux. C’est alors qu’intervient Dieu par l’intermédiaire du Saint Esprit, comme l’avait promis Jésus à l’Ascension en quittant ses disciples. C’était à l’Ascension, le soir de la résurrection pour Luc, quarante  jours après dans le livre des Actes. Jésus dit alors aux apôtres : « vous allez recevoir une puissance, celle du  saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ».

 

Que dire  de l’Esprit Saint /Saint Esprit?

Dans le premier Testament, on rencontre l’’Esprit ,d ès la Genèse : « rouah » mot féminin qui veut dire « souffle, vent, respiration. » Ce souffle, cet esprit peut être mauvais :  esprit de prostitution,(Osée 4, 12), de jalousie (Nombres 5,14), d’impureté (Zacharie 13,2)  ou de mensonge (1 Rois 22,23).

« Rouah »,  peut aussi  être un souffle créateur, une puissance: c’est le souffle de Dieu, origine de toute vie : « Il insuffla un souffle dans ses narines et l’homme devint un être vivant ». Genèse 2,7 :

Ezéchiel dit au chapitre  36, 25-28 : «Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai en sorte que vous suiviez mes prescriptions, que vous observiez mes règles et que vous les mettiez en pratique. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères ; vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu. » Il est ici un Esprit de conseil, d’inspiration.

Mais il est aussi Esprit de libération dans Joël 3, 1-2 : «Je déverserai mon Esprit sur tout être humain : vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des rêves et vos jeunes gens des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes, dans ces jours-là, je déverserai mon Esprit. »

Il ne faut pas confondre Esprit et Esprit saint/Saint Esprit. Dans un premier temps on pourrait donc dire  que « rouah » serait le souffle, force agissante, énergie, puissance vivante. Force négative ou positive au service de Dieu.

Esprit de Dieu et Saint Esprit/Esprit saint sont  synonymes. Ils sont employés une fois dans les Psaumes 51, : « ne me rejette pas loin de ta face, ne me retire pas ton esprit saint » ;  deux fois chez Esaïe.(ch 63 ): « Où est celui qui mettait au milieu d’eux son esprit saint » ; v.11)  Mais il est employé au moins 79 fois dans le Second Testament dont 38 fois dans les Actes des apôtres que l’on pourrait qualifier de livre de l’Esprit Saint.

Dans les évangiles synoptiques: Marie est enceinte par la vertu du Saint Esprit, Jean qui baptise du Saint Esprit,  le saint esprit descend sous la forme d’une colombe qui est symbole d’amour, de simplicité, et aussi  offrande des pauvres dans le rite de purification. Et, nous l’avons vu dans Luc il est « puissance ».

Enfin,  à ceux qui sont désorientés par l’expression « Esprit Saint ou Saint Esprit », je dis : le souffle de Dieu, oui, l’Esprit  de Dieu est saint, puisque seul Dieu est saint et qu’il procède du Père et du Fils. Il est notre « paraclet », notre avocat, il rend témoignage de Jésus.  « Quand sera venu le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père,  il rendra lui-même témoignage de moi. » Nous l’avons lu tout à l’heure dans Jean 15,26.

 

Les Langues de feu.

On imagine le spectacle : ces langues de feu qui se séparent pour se poser sur la tête des apôtres ! L’iconographie est riche qui présente cette scène aussi bien dans le monde orthodoxe que dans la peinture de la Renaissance et les vitraux des églises. .Parfois, on pourrait  se croire dans un film à grand spectacle ! Prenons un peu de champ.

L’Esprit se communique ici bruyamment  et sous forme de langue de feu.  Elles peuvent rappeler le buisson ardent qui brûle mais ne se consume pas (Exode 3,2). Elles sont aussi différentes de la colombe dont j’ai déjà parlé qui descendit sur Jésus au moment de son baptême. Nous sommes dans un moment de liesse et d’exaltation, je n’irais pas jusqu’à parler de transe. Ces langues de feu représentent une « théophanie », une manifestation de Dieu. Luc en 3,  16 dit’ : « Lui vous baptisera du Saint Esprit et de feu. » Dans la Bible, par exemple dans le livre des psaumes : le feu dévore Ps 21 ; 50, ;78,consume,Ps 3 ; embrase Ps 83 ; 86 ; éclaire Ps 78,  105 ;épure Ps 66 .

Les apôtres ont entendu Jésus qui avait souvent recours à des images pour leur faire comprendre ses propos. Jésus, les disciples sont des orientaux. Prenons donc ces langues de feu comme une image de la puissance, de l’effusion du souffle de l’Esprit Saint sur les apôtres.

Langues de feu ou langage imagé pour décrire un phénomène qui sort du rationnel, les Douze furent tous remplis d’Esprit Saint, et se mirent à parler « en d’autres langues », nous signale le verset 4 du ch 2 des Actes.

 

Les effets de l’esprit Saint sur les Douze

Voici donc les apôtres remplis de l’Esprit Saint et aussitôt ils parlent, d’un seul et même élan,  ils témoignent de la Bonne Nouvelle. Mais pas n’importe comment : « en d’autres langues ».

Ils communiquent avec des juifs qui viennent des quatre coins de la Galilée et de la diaspora. A Babel, les hommes ne parlaient qu’une seule langue : Dieu avait alors brouillé leur langage avant de les disperser , ainsi ne se comprenaient-ils  plus entre eux. Ici c’est toujours Babel, les langues sont multiples et variées. Sauf que la Bonne Nouvelle annoncée par les apôtres est comprise de tous !  Oui, c’est Babel, mais Babel à l’envers, commente la pasteure Florence Taubmann du Defap dans le journal Réforme de cette semaine  Les apôtres seraient-ils soudain devenus polyglottes ?

Dans le texte, il est dit plus loin, aux versets 11 et 12 : « nous les entendons  annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu. » La foule est  en plein désarroi, ils sont tous déconcertés  et émerveillés selon les versets 6 et 7.

On peut s’interroger, là aussi. Les juifs voyageaient dans tout le monde méditerranéen.  La  koïné, le langage employé couramment  dans le monde des affaires, le monde administratif  était le grec, et l’on sait que les occupants romains utilisaient eux aussi cette langue  tout comme l’anglais est, de nos jours, parlé partout dans le monde pour les échanges, les affaires, la diplomatie et  les voyages.

Alors que penser ? Le miracle de cette compréhension mutuelle ne serait peut-être pas « les langues» , stricto-sensu ; Je pencherais plutôt pour l’intelligence du cœur. Le récit parle de langues maternelles ; nous sommes bien dans l’intime, oui le cœur à cœur . Les apôtres parlent avec leur cœur, simplement ; ils parlent à tous avec un cœur renouvelé et encouragé par l’élan nouveau insufflé par l’Esprit Saint.

Peut-être est-ce cela le vrai miracle. Personnellement, je ne crois pas  que les apôtres  soient  subitement devenus polyglottes. En revanche, je crois qu’ils ont acquis un don spécial  de  communication. La Bonne Nouvelle qu’ils annoncent est intelligible par l’esprit et le cœur. Ils atteignent l’intime de leurs interlocuteurs tous, Parthes, Mèdes, Elamites, etc…, bref tout le monde de l’antiquité du bassin méditerranéen et au-delà.

Et c’est ainsi qu’un nouveau miracle suivra : environ trois mille personnes vont se convertir et se faire baptiser à l’issue de leurs  prédications, notamment celle de Pierre qui nous est d’ailleurs rapportée plus loin dans le texte  à partir du verset 14 du chapitre2.

Le Saint Esprit ? Quelle puissance ! C’est Dieu, c’est Jésus qui, par lui, nous investit, nous pénètre, nous transforme et fait de nous les témoins  de Jésus! Il donne ses fruits selon Galates 5,22 : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, et la maîtrise de soi.

Quelle leçon pouvons-nous tirer de cet épisode imagé?

Je ne résiste pas à l’envie de vous lire un passage d’un éditorial de James Woody dans Evangile et Liberté :

« Faisons quelque chose de cette image (les langues de feu). Reconnaissons que cet épisode biblique enseigne que lorsque nous nous exprimons, nos paroles devraient passer par le feu et non par la tiédeur d’une langue convenue.

L’Esprit se communique par des langues de feu, voilà qui devrait nous encourager à embraser la langue de bois, la consumer intégralement, n’en laisser qu’un tas de cendres sur lequel nous ne verserons aucune larme, car nous valons bien mieux que la langue de bois. Nous valons la langue de feu, celle qui parle avec précision, celle qui se nourrit de mots choisis et d’une rhétorique soignée.

 Par-delà la question de la grammaire, la langue de feu nous débarrasse des jolies formules qui cachent l’absence de pensée personnelle. Elle consume les discours qui ne sont qu’étalage de méthodes, de bonnes intentions, sans contenu, sans conviction. La langue de feu nous prémunit des discours médiocres, transposables en toutes circonstances. La langue de feu est celle qui nous permet de parler des merveilles de Dieu, de ce qui rend notre vie infiniment belle et jouissive. »

*****

Nous ne pouvons qu’invoquer Dieu de nous envoyer son Esprit, Esprit d’amour, de joie, de paix, de patience, de bonté, de bienveillance, de foi et de douceur; Esprit d’intelligence, de discernement, de sagesse, Esprit de feu qui embrase nos cœurs d’amour pour le Père et le Fils et aussi pour le monde. Que serait notre foi, si elle restait enfouie dans nos cœurs, comme dans un jardin secret, sans échange, sans partage ? Notre foi serait stérile, elle serait morte.

Esprit Saint, Esprit de sainteté, Esprit de lumière, Esprit de feu viens nous embraser ! Que nous soyons des disciples qui osent parler en vérité, sans détour, sans langue de bois, qui osent agir du mieux possible et aller vers nos sœurs et nos frères, vers l’Autre, le différent.

Que notre témoignage soit crédible qu’il raconte le salut, qu’il raconte le Père et le Fils grâce à l ’Esprit Saint qui repose sur nous et qui  fait grandir, qui renouvelle, qui attise notre foi,  nous donne souffle, force,  courage et vie.

Que nos actes soient posés simplement et humblement, sans rien chercher d’autre que de transmettre ce simple message de Jésus : que nous sommes tous aimés et sauvés et que nous devons nous aimer les uns et les autres comme il nous a aimés.

Viens Esprit Saint !

Amen !

Georges d’Humières

 

 

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Prédication du dimanche 13 mai 2018

13 Mai 2018, 19:28pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

Textes choisis par Jean-Pierre Pairou:  Luc 24, 50 à 53 ; Actes 1, 6 à 11

 

  

« Ascension », fête ( ?) mal aimée, voire ignorée des protestants. Malgré la nécessité des fêtes évoquée par Laurent Gagnebin (  « Pour un christianisme en fêtes » ).

En réalité que fête-t-on ?

    • Un «  évènement » dont il n’existe que deux versions, sous la plume de Luc, à la fin de son Evangile .
    • « Ensuite il les emmena hors de la ville jusqu’aux environs de Béthanie et là, élevant ses mains, il les bénit. Pendant qu’il les bénissait, il les quitta et fut enlevé au ciel. ».
    •  
    •   « Après avoir dit cela, il fut élevé pendant qu'ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux. »
    •  
    •  Vision simple, rien de grandiose dans tout cela, pourtant nous avons tous dans l’esprit une imagerie extraordinaire qui nous vient des icônes, des peintures etc…
    • S’agit-il d’un évènement au sens où nous l’entendons aujourd’hui ? Pourquoi alors ne le trouve-t-on que chez le seul Luc ?
    •  Pourtant il s’agit d’un fait central dans lequel nous vivons encore aujourd’hui et qui est fondement de l’Eglise : la disparition corporelle de Jésus. Ce temps de l’Eglise sera confirmé par la venue de l’Esprit saint (du souffle de Dieu )
    • Un pasteur disait : « l’Eglise est l’assemblée de ceux qui sont en recherche de Jésus-Christ depuis qu’ils ont trouvé le tombeau vide »
    • En même temps, n’y a-t-il pas une «  théologie de l’absence » ? Une personne qui nous manque, un être cher, n’est-il pas plus présent dans nos vies que celui que nous côtoyons chaque jour ? Le sentiment d’absence de Jésus, celui de l’absence de Dieu de notre monde, n’est-il pas un mode de présence à nous ?
    • Dans le texte des « Actes » une préoccupation bien humaine ( trop humaine ! ) anime les disciples : «  Quand vas-tu rétablir le Royaume ? », sans que l’on sache s’il s’agit du royaume d’Israël en chassant l’occupant romain ou du Royaume de Dieu. Et cette ambiguïté est parfois la nôtre lorsque nous voyons l’état de notre monde et voudrions que cela s’améliore.
    •  
    • Comme souvent, Jésus ne répond pas à cette question : il fait deux annonces :
    •  
    • –La venue de l’Esprit ( souffle ) de Dieu
    • –La tâche pour les disciples ( nous ) d’être des témoins
    •  
    • La question humaine est escamotée au profit du projet divin. « Il ne vous appartient pas de connaitre ». Espérer n’est pas savoir.
    • L’espérance vient de la promesse ( notion Biblique s’il en est ) «  Dieu rappelle ses promesses à toujours » PS.105. La promesse suscite une attente mais sans connaissance du délai. Espérer, c’est attendre sans connaitre.
    • (Cf. en espagnol «esperar » signifie à la fois attendre et espérer )

 

 

 

Espérer, c’est aussi accepter de ne pas savoir, mettre sa confiance en une parole, c’est être dans la foi. (Cf. Paul Ricoeur sur le Mal : accepter de ne pas savoir pourquoi le Mal .)

 

La seconde partie du texte, «  l’ascension », nous offre tous les ingrédients d’une théophanie :

 

-La nuée : Dans l’ancien testament, la nuée conduit le peuple. A travers elle, Dieu se manifeste et se cache à la fois

- Les hommes aux habits blancs ( anges= annonciateur ) déjà présent au tombeau à Pâques

 

-Même question : «  Pourquoi cherchez-vous ( le vivant parmi les morts ) ?

                              «  Pourquoi restez-vous là ? ( le nez en l’air ) ?

 

 Envoi qui est accompagné de la promesse du retour. Il ne s’agit pas d’attendre pieusement le retour du Christ. Pourtant ce retour est essentiel dans notre foi, même si il a été oublié dans nos pratiques et notre histoire. Nos Eglises ne seraient- elles pas surprises si Jésus revenait demain ?. Cette idée de retour qui faisait vivre les premières communautés doit être accompagnée de l’ignorance du temps. Ceci contrairement aux sectes millénaristes qui prétendent savoir. J’ai lu cette semaine une prévision de fin du monde pour le mois prochain ! Je pense en avoir passé une bonne trentaine !

Mais il convient de se rappeler toujours que Jésus-Christ n’est pas une vieille histoire de notre passé, mais la promesse d’un avenir.

«  La perspective eschatologique n’est pas « un » aspect du Christianisme, elle est, à tous égards, le milieu de la foi chrétienne. » J. Moltmann

Elle n’est pas l’espérance d’un monde extérieur à la vie et illusoire. Elle nous invite à porter sur notre monde un regard critique et transformateur.

 La Foi n’est pas la contemplation stérile ou l’attente improductive qui permettrait de ne rien faire. Le Royaume doit être annoncé en actes d’amour.

Le retour du Christ doit être vécu au jour le jour dans l’ignorance

 

Le message de l’ascension est triple ; Promesse-ignorance-envoi.

 

Etre chrétien, c’est sortir des illusions pratiques, tout en sachant que pour être disciples il convient de témoigner de l’Amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Lui qui est devant nous et non derrière

 

Etre chrétien c’est accepter de ne pas savoir, accepter une partie non expliquée de la vie «  Qui augmente son savoir, augmente sa douleur. » Eccl.

 

Etre Chrétien c’est être envoyé pour annoncer le Royaume à travers des signes quotidiens qui sont manifestation de l’Amour, pour peu qu’on sache les reconnaitre.

J’ai, ces temps-ci, été en contact avec de jeunes réfugiés. L’éclat de leurs sourires permanents m’a fait réfléchir sur mon attitude quotidienne de mécontent râleur. Ils ont l’espérance accrochée au cœur et ont été pour moi des étincelles du Royaume qui vient !

Puissions- nous savoir reconnaitre ces signes, sans prétendre connaitre le Royaume et sa venue. Jésus, absent depuis l’ascension, vient à notre rencontre dans notre quotidien.

 

Jean-Pierre Pairou.

 

 

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Prédication du dimanche 29 avril 2018 - 1 Jn 3,18-24 et Jn 15,1-8

29 Avril 2018, 12:44pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

 

1 Jean 3, 18-24 et Jean 15, 1-8

Dans son long discours qui suit la Cène depuis le chapitre 13, voici que Jésus a recours à l’image de la vigne pour enseigner ses disciples. Si cette image ne parle pas beaucoup aux habitants de nos grandes métropoles coupées de la nature ou si elle ne leur  suscite que peu d’intérêt,  pour nous,  en revanche,  elle garde tout son sens car en Languedoc ,  nous la comprenons sans effort .

Nous voici en plein printemps ! Dans ce beau pays de vignes, cet hiver et jusque fin mars, nous promenant dans les vignes, nous avons pu voir les ouvriers tailler les ceps et entendre le bruit des  sécateurs qui coupaient impitoyablement les sarments morts ou épuisés, ceux qui ne porteraient plus de grappes et deviendraient inutiles. Dans le langage du terroir, C’est un clin d’œil que je fais à mes mis vignerons occitanophones, les   « gavels »  coupés sont regroupés en « faissèls », ou, si vous préférez, ces sarments sont regroupés en fagots, pour être ensuite jetés au feu. Leur taille va permettre aux  jeunes sarments, porteurs de vie de se développer. La vigne va reprendre vie…

C’est exactement ce à quoi nous assistons en ce moment avec le beau temps maintenant revenu. Quel beau spectacle que ces rangs de ceps, solides, bien alignés, chaque année émondés, chaque année plus forts,  qui reverdissent et vont s’épanouir en quelques semaines. Oui, qu’elles sont belles nos vignes ! Qu’il est beau le travail de nos vignerons !

Jésus nous offre cette image de la vigne qui fait un parallèle avec l’Eglise. Le cep représente son corps  et n’a d’intérêt que parce que le Christ l’habite, les sarments, ce sont ses disciples, c’est nous. Nous allons essayer de comprendre ce texte en méditant quatre points : I- une théologie plutôt raide, II – La vigne et ses fruits, III- Le travail du vigneron, IV – Le commandement d’aimer.

 

I  Une théologie plutôt raide

On peut trouver l’image de la vigne  dans le Premier Testament au psaume 80 : « La vigne que tu as retirée d’Egypte, tu l’as replantée… la voici  incendiée, coupée…»

Nous pouvons lire en Jean chapitre 15 : «Tout sarment, qui en moi, ne porte pas de fruit, il l’émonde. » (il :le vigneron)   verset2. « Si quelqu’un ne demeure pas en moi,, il est jeté dehors  comme le sarment… » verset  6.

Certes, l’émondage peut nous inquiéter. Quoi ? Il faudrait se séparer de certains  sarments ? Il faudrait éliminer certains d’entre nous ?. Nous pourrions croire que la taille serait une peine, une épreuve qui nous serait infligée.

Au psaume  66,10 : « Tu nous a mis à l’épreuve, ô Dieu,  tu nous a purifiés au creuset comme l’argent. »

Je ne vois pas cet émondage radical comme l’épreuve décrite dans ce psaume. Mais comme un  acte nécessaire et porteur de promesses. Oui, séparé des sarments rendus stériles ou  devenus  inutiles,  le cep va pouvoir se renforcer, et envoyer la sève aux jeunes sarments, aux plus prometteurs, ceux qui pourront donner du fruit en abondance. C’est une première explication.

Voici la deuxième, une autre lecture de cette parabole. Elle est liée au contexte de l’Eglise naissante.

Si nous nous replaçons dans les années 85, les jeunes communautés chrétiennes étaient victimes de persécutions, c’est pourquoi  elles serraient  les rangs, elles  pouvaient se raidir,  renvoyer  les timides, les tièdes en réponse aux exclusions de la  synagogue.

La parabole de la vigne prend alors une autre signification dans ce contexte. Les sarments stériles sont coupés, jetés. Jésus ne dit pas qu’il est le cep il dit qu’il est le vrai cep. Il y a donc rupture d’avec le judaïsme, la communauté chrétienne prend son indépendance et Jésus est le tronc unique auquel la vigne est attachée pour y puiser sa sève, en relation directe avec le Père.

Cette nouvelle Eglise est dite « johannique »  en ce sens que Jean voit une relation fusionnelle avec Jésus. Au verset 9, qui suivra la péricope que nous venons de lire, Jésus va donner ce commandement : ‘ « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». L’Eglise naissante,  les disciples du Fils  qui vivent de l’amour de Jésus , devront  en témoigner par l’amour mutuel. L’Eglise participe à l’avènement du Royaume par cet amour de Jésus, transmis par l’Esprit que l’on peut comparer à la sève qui apporte la vie aux sarments.

 

II La vigne et ses fruits : quatre observations :

Vigne véritable : Nous avons vu que dans le psaume 80 la vigne représente  le peuple d’Israël. Ainsi, quand Jésus dit qu’il est le vrai cep, il affirme que lui et ses disciples forment le nouveau peuple de Dieu, la nouvelle Eglise.

Vie communautaire nécessaire : Dans 1 Co 12, Paul utilise l’image du corps et des membres ;  la vigne et les sarments nous disent la même chose. Le cep n’existe pas sans les sarments et les sarments sans le cep. L’Eglise n’est pas qu’un agrégat d’individus, mais au contraire,  un ensemble de croyants solidaires, menant une vie communautaire, c’est ce dont parle  Luc dans Actes 2,42  après la Pentecôte : « Ils étaient assidus à l’enseignement  des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières ». Christ  et ses disciples sont un seul corps. Cette nouvelle  communauté  a pour mission de porter du fruit et, ainsi , glorifier le Père.

Cette union du cep avec les sarments, c’est aussi l’image de l’unité. Jésus le souligne « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (verset  5).  Sans Jésus, les uns et les autres, nous ne pouvons rien faire, et, sans nous qui témoignons de Christ, il ne peut rien faire non plus  et le monde ne peut le connaître.

Fruits : Jean nous précise dans sa 1ère lettre  au verset 18 qu’il ne faut pas « aimer en paroles mais en actes et en vérité ». Nous les sarments nous donnerons du fruit, c’est-à-dire,  nous serons de vrais témoins  que si nous nous attachons à agir plus qu’à parler et que nos actes soient vrais, posés en vérité, conformes à notre propre façon de vivre.

Dans la lecture continue en 6 ans de la Bible, il  nous est proposé ces derniers jours de suivre la première lettre de Paul aux Corinthiens et l’on peut y lire au chapitre 4, verset 20 : «  Car le Royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en actes ».  En témoignant en  actes et en vérité, nous contribuons à faire advenir le Royaume. C’est le fruit le plus beau de ce que nous puissions offrir au Père avec l’aide de Jésus, le plus beau fruit que nous puissions offrir à nos frères et sœurs.

Persévérance nécessaire : Par 9 fois en 8 versets, Jésus exhorte ses disciples à demeurer en lui. Ceux qui ne demeurent pas en lui, non seulement ne peuvent rien faire, mais aussi, ils sont jetés  au  feu et ils brûlent. Comme du temps des persécutions, il est nécessaire et même vital « d’être et faire communauté » afin de résister aux dangers et aux turpitudes de toutes sortes que nous pouvons connaître dans le monde aujourd’hui. Etre et faire communauté, c’est le thème synodal. Oui, c’est incontournable car on ne peut être chrétien tout seul.

On ne peut être endurants, persévérants dans l’action qu’ensemble, en Eglise,  en communauté. C’est le lieu où le chrétien  peut patiemment  grandir, être écouté, conseillé, accompagné ; c’est le lieu où sa foi peut se renforcer à la source : Jésus, le Fils, le frère , celui  qui est présent au milieu de nous quand nous sommes réunis en son nom, et cela, même si nous nous avons la chance, la grâce personnelle de vivre une intimité privilégiée avec lui.

 

III Le travail de vigneron

Le vigneron travaille sa vigne avec patience, avec amour. C’est ainsi qu’il lui donne force et vie et la rend féconde. Hier elle donnait du fruit, aujourd’hui, rajeunie, à nouveau pleine de force, elle va de nouveau donner du fruit en abondance.

Le travail exigeant du vigneron, nous l’avons vu, est travail parfois sans concession. L’émondage , la taille, est une opération nécessaire et salutaire. Le cep est solide et la sève abondante qui va nourrir des sarments féconds.

S’il n’y avait pas de taille, les ceps se couvriraient de sarments inutiles qui deviendraient des parasites et entraîneraient peu à peu la vigne vers l’épuisement et la mort. Elle ne donnerait plus de fruit.

Nous connaissons bien cette situation. Les sociétés, les communautés, les  Eglises qui ne sont pas émondées, mais c’est aussi vrai pour les églises qui ne se réforment pas, ces églises ne se régénèrent pas et sont condamnées à la mort lente. Que la devise protestante « Ecclesia reformata semper reformanda » est

précieuse et pertinente, et comme nous devrions la méditer et la reprendre chacun de nous à notre propre compte !

IV – Le commandement d’aimer

Dans son discours, Jésus, nous rappelle sans cesse ce devoir de persévérance, de travail sur soi et de travail collectif, mais tout cela n’est rien sans l’amour. Tout est lié à ce seul  commandement  que Jean rappelle dans sa première lettre au chapitre 3, verset 23 : « Et voici quel est son commandement : c’est que nous croyions au nom de son Fils Jésus-Christ, et que nous nous aimions les uns, les autres, comme il nous l’a ordonné ».

Tout se tient : l’amour du Père pour son Fils, l’amour du Fils pour ses disciples, l’amour des disciples pour le Père et le Fils et leur amour entre eux.

*****

« Aimez-vous les uns les autres comme  je vous ai aimé »

Le premier acte et le seul qui vaille et que nous pouvons poser en vérité, c’est donc celui de l’amour les uns pour les autres en imitant Jésus le Christ.  Comment ne pas reprendre certaines des béatitudes pour mieux parler des actes d’amour, des actes vrais:

La douceur ou la bienveillance:« Heureux les doux : ils auront la terre en héritage.» ;

La justice : « Heureux ceux qui ont soif de justice : ils seront rassasiés » ;

Le pardon : « Heureux les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde » ;

L’authenticité et la pureté des actes: « Heureux les cœurs purs :  ils verront Dieu » ;

La paix : « Heureux ce qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu ».

Vraiment, voici de beaux actes pour de beaux fruits !

Amen !

 

Georges d’Humières

 

 

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