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Eglise Protestante Unie de Narbonne

predications

Mon âme, bénis l'Éternel ! Psaume 103 Prédication de G Catelnau au culte du dimanche 16/10/2016 à Narbonne.

16 Octobre 2016, 18:13pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Mon âme, bénis l'Éternel !

Psaume 103

 

Gilles Castelnau
prédication

 

3 juillet 2016

Psaume 103
Mon âme, bénis l'Eternel ! Que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom  !
Mon âme, bénis l'Eternel, et n'oublie aucun de ses bienfaits !
C'est lui qui pardonne toutes tes fautes, qui guérit tous tes maux ;
C'est lui qui délivre ta vie de la destruction, qui te couronne de bonté et de compassion ; 
C'est lui qui rassasie de biens ta vieillesse, qui te fait rajeunir comme l'aigle.
L'Eternel fait justice, il fait droit à tous les opprimés.
Il a manifesté ses voies à Moïse, ses hauts-faits aux enfants d'Israël.
L'Eternel est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté ;
Il ne conteste pas sans cesse, il ne garde pas sa colère à toujours ;
Il ne nous traite pas selon nos péchés, il ne nous punit pas selon nos fautes.
Mais autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre,
Autant sa bonté est grande pour ceux qui le craignent ; 
Autant l'orient est éloigné de l'occident,
Autant il éloigne de nous nos offenses.
Comme un père est tendre pour ses enfants, l'Eternel est tendre pour ceux qui le craignent.
Car il sait de quoi nous sommes faits, il se souvient que nous sommes poussière.
[...]

 

Mon âme, bénis l'Eternel, et n'oublie aucun de ses bienfaits !
On chante parfois cette phrase en se mettant à table. Mais que penser de ceux qui n’ont pas à manger ? l’Éternel aurait-il oublié certains de ses bienfaits ? Pourquoi y a-t-il des comblés de bienfaits et des laissés pour compte, des nantis et des défavorisés ?

Mais lisons bien, le psalmiste ne rend pas grâces à l’Éternel pour tout et n’importe quoi. Voici ce qui compte dans son existence :

Toutes mes fautes sont pardonnées
Tous mes maux sont guéris
Je suis délivré de la « destruction »
Je suis couronné de bonté et de compassion
Je rajeunis comme l’aigle
Si je suis opprimé j’ai un libérateur qui me fait droit
Je vis une existence de miséricorde et de compassion.
On ne conteste pas toujours avec moi.

L'auteur du Psaue est sensible à la Présence intérieure dynamisante et apaisante de l’Éternel. L’Éternel est le Dieu de sa vie.

• Le psalmiste n’imagine pas Dieu dans un ciel d’où il interviendrait de l’extérieur dans le monde des hommes.
• Ni comme un Dieu focalisé sur les fautes et les péchés et menaçant d’un Jugement dernier.
• Ni comme « le tout-puissant créateur du ciel et de la terre » maître des tsunamis, des maladies, des guerres.
• Ni des inégalités entre les hommes qui font qu’il y a des riches et des pauvres, des nantis et des défavorisés, des grands et des petits, des beaux et des laids.
• Pour lui, Dieu n’est même pas le « Dieu d’amour » un peu sucré tournant nos regards vers l’autre monde où nous irons après la mort et auquel nous pouvons penser appartenir dès maintenant, en une sorte de consolation.
Pour ce psalmiste, Dieu est le Dieu de la vie qui renaît, qui ressuscite toujours à nouveau. 

 

.

 

Vous me direz que pourtant certains pensent autrement que ce psalmiste

Que peut dire, par exemple de la situation navrante de tant de pauvres ?

La pensée catholique traditionnelle dit que, sans intervenir dans la situation sociale du monde, Dieu a une préférence pour les pauvres et leur propose la consolation de la spiritualité religieuse. 
Les ordres mendiants, comme les Franciscains, valorisent la pauvreté. François d’Assise avait tout vendu pour annoncer librement l’Évangile de la pauvreté. Il avait même refusé à un frère de posséder un psautier de crainte que celui-ci ne finisse par dire : « mon » psautier.
Dans ses apparitions, la Vierge de Lourdes ne s’est pas montrée sensible à la terrible misère de Bernadette, de sa famille et des autres pauvres paysans du Second Empire, elle n’a rien dit du gouvernement très anti-social de Napoléon III, mais elle a promis de rendre Bernadette « heureuse non dans ce monde mais dans l’autre » et elle lui a demandé de « baiser la terre en pénitence pour les pécheurs », qu’on fasse pénitence et qu’on construise une chapelle !

Pourtant le psalmiste disait bien

quand on a en soi un esprit pardonné
qu’on rajeunit comme l’aigle
qu’on sent l’esprit de guérison et de libération de la destruction qui monte 
qu’on se croit couronné de bonté, et de compassion,

c'est bien dans ce monde-ci et sans construire de chapelle qu'on vit du bonheur de la présence vivante de Dieu.
Dieu n’a pas de préférence pour les pauvres : il veut qu’on soit tous debout, majeurs et responsables.

Mon âme, bénis l’Éternel ! 
Que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom !

La pensée protestante me semble s’inspirer davantage de l’esprit du Ps 103 lorsqu’elle interdit de gaspiller l’argent pour plutôt l’investir de manière créatrice et dans une société juste. 
Les pays catholiques ont bâti de magnifiques églises donnant une idée du ciel, les pays protestants ont suscité un esprit plus social produisant des sociétés plus prospères et équitables.

 

.

 

Vous me direz que la 2e partie de ce Psaume 103 est bien différente de la première quenous venons de lire. Elle relève d'une tout autre conception religieuse, que l'on appelle « deutéronomiste », car inspirée par le livre biblique du Déutéronome (écrit à la fin du 7e siècle av. JC). Cette théologie deutéronomiste est celle de l'Alliance de Dieu avec les hommes, selon laquelle Dieu ne protège que les fidèles.

Deutéronomisme 30.19
J'en prends aujourd'hui à témoin le ciel et la terre.
J'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction.
Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité,
pour aimer l'Éternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t'attacher à lui
Car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours,
et c'est ainsi que tu pourras demeurer dans le pays
que l'Éternel a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob.

Et justement la 2e partie du Ps 103 est bien centrée sur cette théologie de l’Alliance :

Ps 103. 17 
La bonté de l'Eternel dure à toujours pour ceux qui le craignent,
Et sa compassion pour les enfants de leurs enfants,
Pour ceux qui gardent son alliance,
Et se souviennent de ses commandements afin de les accomplir.
Bénissez l'Eternel, vous ses anges,
Qui êtes puissants et qui exécutez ses ordres,
En obéissant à la voix de sa parole !
Bénissez l'Eternel, vous toutes ses armées,
Qui êtes ses serviteurs, et qui faites sa volonté !
Mon âme, bénis l'Eternel !


Mais l’Ecclésiaste qui a écrit un peu après montre qu’on n’est pas obligé d’attribuer à Dieu la rétribution des fidèles et la punition des coupables :

Eccl.9.2 
Tout arrive également à tous ; 
même sort pour le juste et pour le méchant, 
pour celui qui est bon et pur et pour celui qui est impur, 
pour celui qui offre des sacrifices et pour celui qui n’en offre pas,
il en est du bon comme du pécheur.

 

Et dans le livre de Job ses visiteurs – deutéronomistes – cherchent à lui démontrer que s’il a tout perdu c’est que Dieu l’a jugé coupable. Mais Job refuse une telle affirmation et Dieu lui donne raison à la fin du livre :

Job 4.7
Eliphaz de Théman prit la parole et dit:

Cherche dans ton souvenir: quel est l'innocent qui a péri
Quels sont les justes qui ont été exterminés
Pour moi, je l'ai vu, ceux qui pratiquent l'iniquité
Et qui sèment l'injustice en moissonnent les fruits;
Ils périssent par le souffle de Dieu,
Ils sont consumés par le vent de sa colère,

Job 9. 21 Job répondit : 
Innocent je le suis ; mais qu'importe après tout
Car, j'ose le dire, il en est de l'innocent comme du coupable.

 

Alors restons-en au Psaume 103 qui affirme tout uniment le Dieu dont le Souffle de vie monte en chacun et renouvelle la force d’affronter la vie telle qu’elle est avec courage, avec paix intérieure et fraternité heureuse.

Toutes mes fautes sont pardonnées
Tous mes maux sont guéris
Je suis délivré de la “destruction”
Je suis couronné de bonté et de compassion
Je rajeunis comme l’aigle
Si je suis opprimé j’ai un libérateur qui me fait droit
Je vis une existence de miséricorde et de compassion.
On ne conteste pas toujours avec moi.

 

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"Lève-toi; ta foi t'a sauvé!" - Prédication du dimanche 09 octobre 2016.

9 Octobre 2016, 18:43pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

Texte biblique : Luc 17: 11-19

 

 

« Lève-toi, va ; ta foi t'a sauvé. »

 

Frères et sœurs, voici une belle histoire de guérison mais surtout une belle histoire de rencontre que l’évangéliste Luc est le seul à rapporter : les dix lépreux.

Tout cela se passe sur le chemin vers Jérusalem et c’est sur ce parcours que va se produire la rencontre entre Jésus et les dix lépreux.

 

Il ne serait pas peut-être inutile de rappeler qu’il y a une diversité de récits de miracles, et notamment de guérisons dans les Évangiles. Ils ne nous sont pas  racontés seulement pour dire que Jésus était formidable et qu'il pouvait faire des choses extraordinaires ! Jésus lui-même se méfiait de ceux qui le suivaient juste pour ses signes. Ces récits sont toujours l'occasion d'une rencontre, avec des gens qui souffrent, qui sont en détresse, et qui trouvent en Jésus une libération. En général, ces rencontres se transforment en leçon de vie, en leçon de foi.

 

Dans le présent récit, les dix lépreux se tiennent à distance de Jésus et lui crient : « Jésus, maître, aie pitié de nous » (verset 13). En le nommant, les dix lépreux semblent avoir attendu parlé de Jésus et de ses actions.

Et ils l’appellent « maître » : en fait, le mot utilisé ici dans le texte grec signifie uniquement « responsable » et non pas enseignant, savant, prêtre, rabbi ou seigneur. Les dix lépreux discernent donc Jésus seulement comme un responsable dans la société. Mais leur cri « aie pitié de nous » est celui du désespoir et du dernier recours ; c'est le cri à la fois du malade, de l'exclu et du maudit.

 

Jésus réagit, de façon curieuse, à ce cri de désespoir. Il ne bouge pas, il ne s'approche pas d'eux, il ne leur tend pas la main, il ne les touche pas, il ne pratique pas de geste d'imposition des mains. Il leur répond littéralement dans le texte « allez vous montrer vous-mêmes aux prêtres » (verset 14).

Les dix lépreux obéissent à cette parole surprenante de Jésus, ils se mettent en route. Et c'est sur le chemin qu'ils se trouvent guéris et purifiés. Cette fois-ci, la guérison s'accomplit à distance de Jésus, sans aucun contact avec lui.

Ainsi, la façon dont s'est réalisée cette guérison montre que la parole de Jésus est non seulement une parole d'envoi sous le regard de Dieu, mais aussi une parole agissante sur ceux qui place leur confiance en Dieu. Voilà une nouvelle façon de guérir !

 

D'ordinaire Jésus invitait les malades à venir auprès de lui, les prenait par la main et les conduisait à l'écart, les touchait, leur imposait les mains et prononçait quelque parole qui avait le pouvoir de les guérir. Ici, rien de tout cela. Pas même une promesse de guérison, mais simplement l'ordre d'aller trouver les sacrificateurs dans le temple de Jérusalem.

 

Certaines guérisons ne laissent pas d’ambiguïté : les paroles et les gestes de Jésus sont explicites. Pas ici... et c'est en chemin qu'ils sont guéris. Et il n'y a pas de doute : c'est bien Jésus qui les a guéris. Il ne leur dit pas « Allez voir les prêtres ! » mais « Allez vous montrer aux prêtres ! » Ce n'est pas la même chose.

 

Dans la Bible, on ne distinguait pas vraiment la lèpre d'autres maladies de peau plus ou moins graves. Deux chapitres entiers du livre du Lévitique sont consacrés au sujet, avec la description des maladies (Lévitique chapitre 13) et les rites de purification à accomplir une fois guéri (Lévitique chapitre 14).

La lèpre était considérée non seulement comme une maladie mais aussi comme une malédiction, un signe d'impureté, une image du péché. Ce qui faisait des lépreux des parias. Obligés de vivre en marge de la société, ils ne devaient avoir aucun contact avec les gens, sous risque de les rendre impurs à leur contact. On le voit dans notre récit : les lépreux se tiennent à distance de Jésus, ce qui les oblige à crier : « Aie pitié de nous ! »

 

Selon la tradition dans le Premier Testament et au temps de Jésus donc, un lépreux allait se montrer aux prêtres au début de sa maladie, pour être déclaré impur, mais aussi lorsqu'il était guéri, pour que les prêtres constatent la guérison. L'authentification de leur guérison leur permettait de retrouver une vie sociale. C'est évidemment le deuxième cas qui concernait les lépreux de notre récit. A l'exception près qu'ils n'étaient pas encore guéris !

 

En fait, Jésus fait appel à leur foi. En leur disant d'aller se montrer aux prêtres, Jésus les envoie avec une promesse de guérison. Il met leur foi à l'épreuve. Et ils le font ! Tous les dix ! En cela, les dix lépreux font preuve de foi. Et ils y vont, sans demander d'autre explication, car ils ont compris qu'à cet ordre était liée une promesse inexprimée, celle que les sacrificateurs constateraient leur guérison. Et ils sont bel et bien guéris en chemin. La guérison était indéniable, les prêtres n'avaient plus qu'à la constater.

 

Frères et sœurs, les dix lépreux illustrent de façon impressionnante ce qu'est fondamentalement la foi : une confiance placée dans la parole du Christ. Une confiance qui s'exprime alors même qu'on ne possède pas encore ce qu'on espère, qu'on ne voit pas encore ce qui nous est promis. La foi ne se démontre pas, elle n'est fondée ni sur la perception ni sur la raison. Elle est, fondamentalement, un choix, une décision de placer sa confiance en Dieu.

La foi met en marche, et c'est cette mise en marche qui nous permet d'entrer dans les promesses de Dieu.

 

Mais le récit ne s'arrête pas là... il y a quelque chose qui cloche. Les dix lépreux ont eu confiance dans la parole du Christ, et les dix ont été guéris... Chose imprévue, l'un des dix lépreux, guéri et purifié, désobéit et ne suit pas l'ordre de Jésus. Il ne va pas immédiatement se montrer aux prêtres pour faire reconnaître sa guérison et faire attester sa pureté retrouvée. Au contraire, ce samaritain fait demi-tour en glorifiant Dieu, en lui rendant gloire. Il retourne vers Jésus pour le remercier, lui rendre grâce.

Jésus s'indigne que les neuf autres lépreux, qui ont eux-aussi été guéris et purifiés, n'aient pas fait de même. Le Samaritain fait un retour sur lui-même : " se voyant guéri " nous dit le texte.

En fait, il constate l'œuvre du Christ dans son existence, ce qu'il était avant et ce qu'il est maintenant grâce à l'intervention de Jésus ; il considère le moment décisif de cette rencontre avec Jésus, l'efficacité de sa parole, l'extraordinaire de son amour et c'est le début de sa conversion.

Oui, frères et sœurs, c'est bien cela, une conversion : il fait demi-tour, change de direction, s'extrait du mouvement de vie qui éloigne ses compagnons loin de Jésus et il retourne là où les choses ont changé pour lui, là où se tient celui qui les a changées ; il revient et glorifie Dieu à haute voix.

En effet, le demi-tour accompli par ce samaritain guéri et purifié est primordial, car c'est le signe d'un retournement qui s'opère en lui et d'une conversion dans sa croyance religieuse.

Cette conversion est même le point central de ce récit.

Certes, la guérison est importante car c'est l'accomplissement d'un signe, la manifestation visible d'un signe divin. Mais aux yeux de Jésus, la conversion est plus importante encore, elle constitue le vrai miracle, car elle touche à l'intériorité de la personne et à sa relation à Dieu. En effet, cette rencontre avec Jésus a bouleversé la vie de ce samaritain :

- Il était malade, Jésus lui a adressé une parole de guérison.

- Il était exclu, Jésus lui a adressé une parole d'envoi.

- Il était maudit, Jésus lui a adressé une parole de libération.

A présent, ce samaritain n'est plus malade, ni exclu, ni maudit. Il est guéri, il peut profiter de sa famille et de ses amis, il peut de nouveau vivre sa foi dans une communauté, il est libre et peut retrouver sa place dans la société, et il est sauvé au regard de Dieu. C'est ce que résume parfaitement Jésus à travers son ultime parole : «  ta foi t’a sauvé ».

 

Est-ce de l'ingratitude de la part des neuf autres qui ne sont pas revenus vers Jésus?

Peut-être...Peut-être pas ! Cependant, ils ont, sans aucun doute, privilégié l'obéissance aux rites à la rencontre personnelle de celui qui les a guéris. En tout cas, Jésus s'en étonne : « Les neufs autres, où sont-ils ? ».

Celui qui est revenu n'est pas allé voir les prêtres... On ne sait pas s'il est allé les voir après être revenu auprès de Jésus. Mais il a considéré comme une priorité d'interrompre cet acte rituel pour une vraie rencontre avec le Christ.

Les dix lépreux ont fait preuve de foi. Mais un seul a fait preuve d'attachement au Christ. C'est cette foi-là que Jésus montre en exemple : « Lève-toi, va, ta foi t'a sauvé ! ».

Frères te sœurs, la différence est là, dans l'attachement au Christ. La foi ne peut pas se contenter d'une mise en marche dans la confiance, elle doit s'enraciner dans un attachement au Christ. Un attachement au-delà de la religion ou du rite.

Il y a une spontanéité chez le lépreux de notre récit qui est l'expression même d'une foi vivante et authentique ! Il ne respecte pas scrupuleusement ce qui était commandé par la loi de Moïse, ni même ce que Jésus avait dit... et c'est pourtant bien ce qui plaît à Jésus. Parce qu'il témoigne d'une foi authentique et vraie.

Il ne s'agit pas de mettre en cause la réalité de la foi des neufs autres lépreux guéris mais de souligner l'exemple de foi vivante du dixième.

Frères et sœurs, la foi vivante que le Christ attend de nous n'est pas un attachement à un rite ou une doctrine mais un attachement à sa personne. Mieux vaut une foi spontanée et vivante, quitte à sortir un peu du cadre prévu, qu'une foi réduite à une stricte observance de rites et de croyances.

 

 « Lève-toi, va ; ta foi t'a sauvé. »

Frères et sœurs, ce face à face avec Jésus dans l'élan de la reconnaissance et le don de la foi, vient ôter l'ambiguïté d'une foi bien temporelle en un Dieu bien impersonnel. Ici, au contraire, s'établit avec le Seigneur une relation vraiment authentique, éclairant à la fois la condition de l’être humain  faible et la personne de Jésus-Christ.

En revenant sur ses pas, en glorifiant Dieu à haute voix, en se jetant aux pieds de Jésus et en lui rendant grâce, le samaritain a honoré Dieu et est devenu un enfant de Dieu. Il entre dans une relation de la grâce, de la gratuité et c’est cela la vraie guérison, la vraie libération.

 

Un détail mérite d'être mis en évidence dans notre récit. Jésus le fait lui-même et cela lui tient à cœur. L'homme qui est donné en exemple par sa foi était Samaritain !

 

Jésus précise bien ‘un étranger !’ : « Parmi eux tous, personne n'est revenu pour dire 'Gloire à Dieu'. Il n'y a que cet étranger ! » (v.18). Le mot « étranger » souligne ici la piètre opinion que les Juifs du temps de Jésus avaient des Samaritains. Véritables frères ennemis, les Samaritains et les Juifs ne s'appréciaient guère. Pourtant, devant ses disciples, Jésus donne en exemple cet « étranger » ! D'ailleurs, quand on considère les Evangiles surtout chez Luc, il faut bien reconnaître que ceux que Jésus donne en exemple quant à leur foi sont rarement de bons Juifs pieux.  Ici, un Samaritain. Ailleurs, un collecteur d'impôts. Ou une femme païenne. Jésus dira même aux Pharisiens que les collecteurs d'impôts et les prostituées les devanceront dans le Royaume de Dieu ! On lui a d'ailleurs suffisamment reproché de fréquenter des gens de mauvaise vie !

Jésus est du côté des plus faibles et des rejetés, non pas parce qu'il exalterait la faiblesse ou le fait d'être marginal en tant que tels. Mais parce qu'il est auprès de ceux qui savent reconnaître leur fragilité et leur besoin de Dieu.

Il n'y a rien de pire, frères et sœurs que le confort pour croire qu'on n'a pas vraiment besoin de Dieu...

Ce sont là des verrous que Jésus fait sauter, des barrières qu'il renverse. Etre hériter ou se prendre pour héritier de la ‘pure foi’, de la ‘pure tradition’ et le revendiquer de façon exclusive, peuvent nous conduire à l’enfermement, frères et sœurs. C'est pour cela que chaque jour, Jésus-Christ nous adresse cette même parole de guérison, d'envoi, de libération, de salut: « Lève-toi ; va ; ta foi t'a sauvé » (verset 19). Nous la recevons comme une véritable parole de vie et d'espérance, qui nous accompagne à tout moment de notre existence : -

Lève-toi, car tu es guéri ! Va et avances dans ta vie, car tu es libre !  Sois sauvé, car tu as la foi qui passe par la rencontre! Amen.

 

Charles KLAGBA

 

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Pour une théologie non réaliste. Conférence du pasteur G. Castelnau

9 Octobre 2016, 08:01am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Conférence: Samedi 15 octobre à 15h au temple. 

(Ouverte à tous, venez nombreux!)

 

 

Dans le cadre des activités du Cercle Evangile et Liberté de l'Aude, le pasteur G. Castelnau donnera une conférence sur le thème "Pour une théologie non réaliste" au temple réformé , bd Condorcet de 15 à 17h.

 

Il faut aussi noter que G. Castelnau présidera le culte du dimanche 16 octobre à 10h30.

 

Le réseau Sea of Faith a pris naissance dans les années 1980 en Angleterre. Il concerne ceux qui se sentent exclus par les positions trop conservatrices ou même fondamentalistes de leurs pasteurs ou de leurs prêtres. Au lieu de jeter le bébé avec l'eau du bain, ils recherchent une attitude théologique nouvelle.
Les membres du réseau Sea of Faith se nomment eux-mêmes « non réalistes » dans la mesure où ils ne croient pas à l’existence « réelle » des images véhiculées par le langage religieux. Elles n’ont pas de « réalité » en elles-mêmes. Dieu, le diable, le ciel, l’enfer, le bien, le mal, la vérité, la beauté … n’ont pas d’existence métaphysique « réelle » mais sont des constructions de l’esprit humain.

 

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Prédication du culte du dimanche 2 Octobre 2016: Ph 4, 8-9

7 Octobre 2016, 14:41pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

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  • Nombres 6 : 22-26
  • Lettre aux Philippiens 4 : 8 et 9

 

Il rentrait toujours à la fin d’un culte, donc en retard, ce médecin qui travaillait dans la maison de retraite où j’étais aumônier. Et sur mon remarque pourquoi jamais à l’heure Il répondait avec humour : «  Mais oui, madame le pasteur,  je suis à l’heure : à l’heure pour la bénédiction et c'est le principal.

  • Que l’Eternel te bénisse, 
    et qu’il te garde!
  • Que l’Eternel fasse luire sa face sur toi, 
    et qu’il t’accorde sa grâce!
  •  Que l’Eternel tourne sa face vers toi, 
    et qu’il te donne la paix!

Nous recevons la bénédiction  seulement à la fin d’une cérémonie religieuse. Chez les  juifs c’est le contraire: La bénédiction fait part de la vie quotidienne. Et c’est une belle tradition de bénir quelqu’un au moment on quitte  la maison pour faire des études, ou pour faire un long voyage, ou pour être hospitalisé…. Cela exprime :  Ecoute : n’aie pas peur, tu ne vas pas seul, Quelqu’un t’accompagne…

Demain débutera le nouvel an pour les juifs : Rosh Hasjana. Ça signifie : tête de l’année.  Et pour commencer un nouvel an : on  bénit…pour aller en route ! Pour nous le nouvel an débute le 1er janvier. Mais on pourrait comparer la rentrée en France avec le nouvel an des juifs. Avec la rentrée nous recommençons. Certes, la bénédiction de Dieu n’est pas un acte magique ; elle ne change pas mystérieusement ce qui nous arrive. Bénir, benedicere en latin, c’est dire à notre proche quelque chose de bien. Ça donne de la confiance. Une illustration :

« Vas-y, saute, je te rattraperai dans mes bras ». Nous devons retourner à notre enfance mais cette phrase d’un parent vous a sûrement été dite quand vous étiez par exemple sur un mur. « Saute, je te rattrape ! » Et vous vous souvenez certainement aussi que vous hésitiez : je saute, ou je ne saute pas… Parce que c’est une question de confiance, de savoir se lâcher. Est-ce que tu as vraiment confiance en l’autre qui dit te rattraper ?

« Je te rattrape, saute dans mes bras. » Quand Moïse donne la bénédiction de Dieu au peuple d’ Israël, il dit quelque chose de semblable, quand tu restes proche de la langue hébraïque : le logis de Dieu est sous le bras de la pérennité”. Les bras de Dieu seront toujours là, pour te rattraper. C’est une image remarquable de la bénédiction.

Je ne sais pas comment vous percevez le geste de la bénédiction mais je trouve c’est une manière qui exprime beaucoup. Ça ressemble à un mouvement d’embrassement. Des bras qui te tiennent, qui t’accueillent. Quelqu’un, Dieu, qui vient auprès de toi.

Cette confiance est donnée au peuple, quand Moïse donne la bénédiction. Ça ne veut pas dire que le peuple ne rencontrera plus de problèmes, qu’il y aura que du bonheur et de la prospérité. Non, pas du tout. Une bénédiction n’est pas une garantie que ta vie sera à l’eau de rose. Mais bénir veut dire que Dieu est là, avec tout ce qui pourra arriver à une personne. Tu peux en être sûr(e). Dieu ne te laisseras pas tomber, il ouvre ses bras. Mais, c’est à nous d’avoir confiance en lui. Osons-nous nous donner à Dieu, osons-nous sauter dans ses bras ? Répondons-nous ‘oui’ à sa bénédiction?  

Egalement il y a une relation entre bénir et saluer. En Hébreu le même mot est employé pour les deux significations : puisque une salutation est, comme une bénédiction, un souhait. Je te souhait une belle journée, bon voyage….En dehors du fait d’exprimer un désir ou d’espoir, un salut exprime également une attitude, une attitude de bienveillance envers celui que te salut, ou une attitude de solidarité d’humain en humain. C’est ce que nous voyons avec le salut hébreux Shalom. Salam en arabe. Nous verrons que le salut de paix lors de la Sainte Cène contient également cette intention, ainsi que l’expression d’une attitude paisible envers celui que tu salues. Ensuite, il y a une rélation entre bénir et saluer, lorsque Dieu y est inclus dedans. Dans la salutation ‘Adieu’ vous entendez le mot Dieu. … Grüss Gott en Allemand…Puisse Dieu vous accueillir. Et nos voisins d’Espagne disent ‘Vaya con Dios’: va avec Dieu.  De cette manière est saluer près de bénir se référant  au nom de Dieu dont la signification est ‘ je suis’.  

Mais peut être vous vous demandez comment vous pourriez bénir l’autre, comment vous pourriez le saluer en bénissant. Mais nous sommes déjà en train de le faire : nous nous sommes salués à l’entrée, nous avons prêté attention à l’autre, nous nous sommes embrassés, nous avons rigolés. Bref : ainsi nous sommes une bénédiction pour l’autre ! Et nous sentons que ça nous fait du bien. Et ainsi Dieu est parmi nous ! La bénédiction nous fait grandir, nous donne confiance et de courage. 

 

Pour les juifs un nouvel an commence. Ici nous pourrions dire : Ce dimanche est un commencement…un nouveau départ…Grâce à la bénédiction on ose  sauter, sauter dans les bras de Dieu. Que nous puissions être les bras de Dieu.

Amen

 

Ruth Van Der Waall

 

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Philémon - Prédication du dimanche 25/09/2016

27 Septembre 2016, 16:53pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Voici la lettre de paul à Philémon revisitée par Jean-Pierre Pairou pendant sa prédication au culte du 25/09 à Narbonne.

Paul actualisé à l'aune de notre langage et de notre vie.

 

 

Lettre à Philémon 1995

 

Paul, éducateur au foyer l’Espérance pour sortants de prison à Philémon, directeur de l’association intermédiaire pour jeunes chômeurs La Lumière et à tous ses collègues de la paroisse qui soutiennent son action, que Dieu vous aide dans votre service des plus démunis !

 

Je remercie Dieu, sans cesse, pour votre action et nous vous portons dans la prière car j’ai entendu dire beaucoup de bien de tout ce que vous avez fait au nom de votre foi en Jésus-Christ pour ces jeunes des quartiers si démunis face aux problèmes actuels. Que l’esprit du Seigneur Jésus vous anime et vous éclaire sur l’immense tâche qui est à accomplir dans ces banlieues afin d’offrir à chacun travail et reconnaissance sociale ? J’ai eu de grandes joies en apprenant vos réussites, tant auprès des gens de la paroisse qu’auprès des jeunes des HLM

 

Cher Philémon, tu me connais assez et connais mon autorité naturelle d’autant que tu as été sous mes ordres durant tant d’années …

 

Mais c’est le vieux copain, bientôt au chômage qui va te parler et faire appel à ton sens de la solidarité. Tu sais que notre centre va bientôt fermer ses portes, faute de moyens, et beaucoup de gens vont se retrouver à la rue. Ma demande est pour le jeune Toni qui a beaucoup changé, parle de demander le baptême, mais que tu ne peux avoir oublié parce que la dernière fois que tu l’as aidé, il s’est enfui en volant ta voiture.

Je te le renvoie car il est désormais mon aide le plus fidèle, et je l’aurais bien gardé si le foyer ne fermait pas. Je n’ai toutefois pas voulu te l’envoyer sans t’en parler, mais je suis sûr que tu auras à cœur de l’aider Bien sûr je conçois qu’après sa dernière visite il ait du te manquer mais tu ne peux mesure combien il a changé !

 

Je crois que votre association est à la recherche d’un trésorier. Je pense que c’est un poste qui lui conviendrait car il connaît bien les finances et il a grand besoin qu’on lui témoigne de la confiance. Tu peux te reposer sur lui comme tu l’aurais fait sur moi.

 

Je comprends qu’il t’a fait beaucoup de tort en démolissant ta voiture, mais en raison des services qu’il m’a rendus, je te rembourserai  les dégâts. J’attends de toi la sollicitude que tu as toujours eu à l’égard de tous. Que ce service rendu soit pour nous un témoignage de notre foi commune ! Mais je te connais, tu en feras encore plus que je n’ai demandé !

Comme je vais être bientôt au chômage, je vais avoir le temps de venir vous voir et peut-être de travailler avec vous dans l’association.

Tous les copains du centre te saluent

Merci encore pour ta solidarité si chrétienne. Que Dieu te garde ! Fraternellement en Christ.

Paul

Jean-Pierre Pairou  

 

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Prédication du culte du dimanche 11 septembre 2016

12 Septembre 2016, 15:12pm

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com


LUC 15, 11-32

 

On a beaucoup hésité sur le titre qu’on pouvait donner à cette parabole.

Traditionnellement, on l'appelle "parabole du fils prodigue", ou "du fils perdu", en mettant l'accent sur ce cadet qui s'en va et qui dilapide son argent, avant de revenir à la maison familiale. On a vu en lui soit l'image de l'humanité qui pèche et se repent, qui s'éloigne de Dieu et retourne à lui, qui chute avec Adam et se relève avec le Christ, soit l'image des païens, éloignés de la maison d'Israël et que l'évangile y fait entrer. Cette interprétation oublie ce que Jésus ne cesse de proclamer, à savoir que Dieu n'a pas attendu que les égarés se repentent pour sortir de leurs malheurs et se convertissent pour échapper à leur misère, mais que, comme le berger et la femme des deux paraboles qui précèdent, il est parti à leur recherche.

D'autres préfèrent comme titre : "la parabole des deux fils", voulant éviter que le commentateur ne ressemble au père de la parabole qui a tranquillement ignoré et oublié son aîné. Pour certains gnostiques des premiers siècles, ce fils aîné correspondrait aux anges, jalousant les êtres humains et la place qu'ils tiennent dans l'action de Dieu. Pour d'autres commentateurs, plus nombreux, le fils aîné représenterait les courants rigoristes et légalistes du judaïsme qui n'admettent pas que les païens puissent être admis dans la maison de Dieu sans suivre toutes les prescriptions de la loi, sans se mettre en règle avec elle.

On a également suggéré d'intituler notre parabole "le père miséricordieux" ou "le père admirable", en insistant sur l'amour et la générosité du père qui fait contraste avec l'ingratitude des deux fils, aussi bien de celui qui part que de celui qui reste. Cette dernière appellation a aujourd'hui beaucoup de succès et elle est la plus répandue. Mais peut-être y a –t-il une autre interprétation possible.

A la suite du professeur et théologien André Gounelle, je vous propose une lecture aventureuse qui pourra paraître  choquante, et qui l'est peut-être? On peut  contester l'explication ou l'interprétation que je vais vous exposer, je le sais et je ne la donne évidemment pas pour certaine. J'aimerais simplement partager avec vous ce que cette parabole me dit aujourd’hui, le message surprenant que j’en  reçois, tout en reconnaissant qu'on peut la comprendre tout à fait autrement et sans prétendre en donner la seule bonne interprétation. Après tout, une parabole peut bien avoir plusieurs sens.

*   *   *

Depuis toujours, on a assimilé le Père de la parabole avec Dieu, puisque c'est le cas pour d'autres pères dans le Nouveau Testament et puisque Jésus nous apprend à appeler Dieu Père.

Or, il me semble que dans notre parabole, cette assimilation ne va pas du tout de soi, et qu'il faut, au contraire, dissocier le Père et Dieu, ce que suggère la supplique du cadet, deux fois répétée dans le récit : "j'ai péché contre le Ciel et envers toi". Le Ciel, on le sait, désigne Dieu dans le langage de l'époque et le cadet, loin de les identifier, par deux fois, comme pour y insister et le souligner, distingue le Ciel et le père. Or dès qu'on ne voit plus en lui l'image de Dieu, on se rend immédiatement compte que le Père de cette histoire n'est pas admirable, mais lamentable, qu'il n'arrive ni à communiquer avec ses deux enfants, ni à entrer en relation avec eux.

Avez-vous remarqué qu'il ne parle jamais au cadet? Il ne lui dit rien avant son départ; il ne cherche pas à s'entretenir avec lui. Quand son fils revient et lui adresse sa requête, il l'interrompt, il ne le laisse pas aller jusqu'au bout, il lui coupe la parole, il l'empêche d'exprimer ce qu'il a délibéré et décidé de dire. Le Père arrête le discours du cadet. Il l'habille, le pare, le nourrit et lui ferme la bouche. Les musiciens et les danseurs du banquet font trop de bruit pour qu'il puisse dire quoi que ce soit. Le Père s'empare de la parole, et cette parole qu'il enlève à son fils et qu'il prend, il l'adresse aux serviteurs et non au cadet. Il ne parle pas à son fils, il parle à d'autres de son fils, en utilisant la troisième personne, en disposant de lui, en organisant ce qu'on doit faire de lui, sans se soucier de ce que son fils pense, éprouve, désire. Le cadet demandait d'être traité comme l'un des employés, le Père ne le lui accorde pas. Il ne lui fait pas l'aumône d'une de ces paroles que reçoivent les domestiques. Le cadet se trouve dépouillé de sa personnalité, réduit à l'état d'objet familier qui n'a d'autre rôle, d'autre fonction que de réjouir le Père, semblable à la drachme ou la brebis des deux paraboles précédentes.

Le Père donne beaucoup à son cadet, mais il ne lui parle pas. À l'aîné, il parle, mais il ne lui donne rien, pas même un chevreau pour se réjouir avec ses amis et encore moins la compréhension et l'affection qui manquent visiblement à ce fils et qu'il n'a apparemment pas reçues. Le Père récuse ses reproches, sans percevoir ce qu'ils ont de fondé, ni ce qu'a de blessant et d'injuste son attitude. Comment l'aîné n'éprouverait-il pas du ressentiment et de l'amertume envers cette fête que son Père organise sans l'en prévenir, alors qu'ils vivent ensemble, sous le même toit, et travaillent dans la même propriété? Pas une seconde, le Père ne se met en question ni avoue qu'il a eu tort. Il rabroue son ainé au lieu de l’écouter. Le cadet qui demande à être traité en serviteur est traité en objet, l'aîné qui voudrait qu'on le traite en Fils est traité en serviteur. La parabole nous parle d'un double échec de communication, d'une double faillite dans la relation, d'un Père qui a perdu ses deux fils ("il les avait", il ne les a plus) et de deux fils à qui il manque un père.

Ne croyez pas que j'en veuille à ce père. Je n'entends nullement instruire son procès ni l'accabler. Je ne doute pas de ses bonnes intentions. Il est plein de compassion pour ses enfants et veut leur bien, mais il s'y prend mal. Il est malhabile, malheureux et malchanceux. J'éprouve, au fond, beaucoup de sympathie et une grande tendresse pour lui. À bien des égards, il me semble plus facile de se reconnaître en lui que dans l'un ou l'autre des fils. Lequel d'entre nous n'a pas eu des difficultés de relations avec ses enfants ou avec ses proches? Lequel d'entre nous n'a-t-il pas été déchiré voire torturé par des tensions familiales qu'il ne sait pas gérer, où sa bonne volonté maladroite envenime au lieu d'arranger les relations? Nous nous débrouillons souvent mieux avec des étrangers, avec des personnes qui nous sont indifférentes qu'avec ceux qui nous tiennent à cœur et que nous aimons. L’affection ne rend ni lucide, ni habile, ni objectif. Ce père, je le disais à l'instant lamentable; il est aussi, peut-être surtout pitoyable. (Pitoyable au sens premier du mot, c’est-à-dire digne de pitié).

*   *   *

Où conduit cette autre lecture de notre parabole qui peut sembler aventureuse, voire provoquante? Quand on voit dans le père non pas l'image de Dieu, mais l'image de ce que nous sommes et de ce que nous vivons, que nous apporte-t-elle? Sur quoi débouche-t-elle? Ce n'est pas simple de répondre. Malgré tout, en lisant en relisant cette parabole, en la méditant et en y réfléchissant, il me semble entrevoir quelques pistes. J’en signale trois:

1. Si on compare cette parabole à d'autres, par exemple aux deux qui la précèdent, ou bien encore à celle du « semeur » dans Luc 8, on constate qu'elle donne beaucoup de place à la personnalité des différents acteurs. Elle parle de leurs réflexions, de leurs sentiments. Elle explique les motifs très pesés et calculés du cadet; quand il se décide à retourner chez son père, ce n'est ni l'affection ni le repentir qui le font revenir, mais la misère et la faim. Son retour n'a rien de désintéressé et ne s'apparente que de loin à une conversion. Elle mentionne l'émotion et le comportement du Père quand son cadet revient. Elle souligne la colère de l'aîné.

La parole ne circule pas, les relations se nouent mal parce que chacun donne trop de place et d'importance à ce qu'il pense et à ce qu'il sent. La parole vivifie quand elle s'accompagne d'une sorte de mort du soi, de mort à soi. Lorsque le souci de soi prédomine et encombre, la parole se fige, nous immobilise, elle entrave communication et mouvement. Pour dire les choses autrement, nous sommes invités à exister. Exister vient de deux mots latins ex - sistere, se tenir hors de soi, le contraire d'insister, in-sistere, se tenir en soi, rentrer en soi-même. "Rentrer en lui-même", c'est ce que fait le cadet, quand la misère l'atteint. La foi nous fait ex-sister, sortir de nous-mêmes, non pas in-sister, entrer et nous enfermer en nous-mêmes.

2. La deuxième piste est  liée aux comportements du Père avec chacun de ses fils. Le cas du fils cadet montre qu'on ne donne rien ou, du moins, que ce qu'on donne ne sert à rien, si, en même temps, on ne parle pas, si la parole ne vient pas accompagner le geste et en faire non seulement le cadeau de quelque chose, mais une offre de soi. À l'inverse, le cas du fils aîné montre qu'il ne sert à rien de parler, si en même temps on ne donne rien, si on se réserve et s'économise, si on ne se livre pas. Ceci  nous concerne, bien sûr, dans notre vie familiale, ecclésiale, sociale, mais surtout ceci  nous oriente vers Jésus qui à la fois parle et se donne, qui prêche, enseigne, explique et nous apporte vie et salut. On peut y voir aussi un symbolisme possible pour la Cène, où aux mots de la prédication se joignent et s'ajoutent du pain et du vin pour indiquer que la véritable parole est un don. Lorsque Dieu nous parle, il nous nourrit en nous parlant et non pas autrement.

3. Notre récit ne serait pas, comme on le prétend souvent, une parabole de la grâce, mais de la disgrâce. Disgrâce du Père, disgrâce du cadet, disgrâce de l'aîné, disgrâce dont personne ne sait comment sortir. À la différence des histoires de la drachme et de la brebis perdues, il n'y a pas de joie finale. Il manque à notre parabole une conclusion, une chute. Elle reste en suspens. Le récit s'arrête, parce qu'on ne peut plus avancer, qu'il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre. La situation est bloquée, figée tant que ne se produira pas un événement, qui viendra faire changer les gens et bouger les choses. Ce qu'il faut, c'est l'émergence d'une vie nouvelle, autre, celle du Royaume. Ce surgissement de quelqu'un ou de quelque chose de différent ; les récits de Noël le suggèrent, ceux de Pâques l'annoncent (car la résurrection est le jaillissement de la grâce à travers la mort), ceux de Pentecôte le figurent, avec la mise en route de la parole. Seule, l’arrivée de l'évangile, d'une bonne nouvelle, viendra débloquer la situation de ce Père et de ces deux fils ainsi que notre histoire personnelle ou collective.

 

De cette parabole, je reçois deux choses :

 

  • Une interpellation qui s'adresse d’abord à celles et ceux qui exercent des responsabilités et aussi à chacun d’entre nous dans nos familles, nos vies professionnelles, nos engagements. Elle nous met en garde contre la tentation de confisquer la parole et le pouvoir, de nous  donner trop d'importance, et avec les meilleures intentions du monde de nous conduire comme le Père de la parabole qui ne sait ni accueillir ni écouter ceux qui l'entourent.

  • Ensuite, une parole d'espérance qui nous dit que nos échecs, nos erreurs, nos impasses ne nous enferment pas définitivement. La parabole ne se finit pas, et donc ne se ferme pas comme un piège d'où personne ne s'échappera. De même, notre vie reste ouverte à la venue de celui qui fait toutes choses nouvelles. L'évangile nous annonce que rien n'est irrémédiable, parce que Dieu, alors même qu'il paraît absent, ne cesse de venir. Amen !

GH

 

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LUC 14, 25-33 "Conditions impossibles pour suivre Jésus"

6 Septembre 2016, 09:09am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Luc 14 : 25-33

 

Jésus pose des conditions impossibles pour le suivre. On dirait une dérive sectaire d’un gourou de notre époque.

 

Nous voyons ici qu’une grande foule faisait chemin avec Jésus sur les routes de Palestine. Plusieurs avaient entendu qu’il faisait des miracles. D’autres l’avaient vu argumenter brillamment contre les autorités religieuses. Peu importe les raisons qui les motivaient à suivre Jésus, sa présence suscitait manifestement de l’intérêt.

 

Jésus a laissé les foules le suivre sans se poser la moindre question, mais arrive le moment où, de ces foules, il veut faire des disciples. Ces hommes et ces femmes sont venus à lui sans trop savoir pourquoi.

Aujourd’hui, il les oblige à s’arrêter. Pour ne pas s’en tenir à la spontanéité ou à l’enthousiasme du départ, il les oblige à se poser des questions. Jésus invite les foules à s’asseoir avant de passer à l’action. Pas de précipitation !

 

Avant de passer à l’action, pesez, jugez, évaluez où tout cela peut vous mener, sinon vous risquez d’être ridicules comme celui qui se met trop vite à la tâche et « n’a pas les moyens d’achever. »

 

Le Seigneur se tourna alors vers eux et fit une déclaration qui aurait pu faire fuir tous ses auditeurs, même les plus enthousiastes.

Il leur dit, « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple… ». Il peut se mêler à la foule, mais je ne pourrai pas l’accepter comme disciple.

Ces paroles ont sûrement eu l’effet d’une bombe lâchée parmi la multitude.

 

Le caractère absolu de cette déclaration ne laisse aucun doute sur la volonté du Seigneur : choisir de suivre le Christ ne doit souffrir d’aucune ambiguïté du genre : « oui …mais… »

 

Cela aurait pu ouvrir la voie à une attaque de la part des ennemis de Jésus. Rien n’indique cependant qu’ils profitèrent de l’occasion. Ils auraient très bien pu dire, ‘Jésus, ce que tu viens de déclarer contredit carrément la loi. Car le cinquième commandement nous demande d’honorer notre père et notre mère. Or tu réclames de tes disciples qu’ils te préférer à leur père et leur mère.’ Certaines traductions utilisent le verbe haïr

Les chefs religieux cherchaient constamment à miner, à ternir la crédibilité de Jésus. Pourquoi ne se sont-ils pas servis de cette situation? Pour la simple raison que tous pouvaient deviner à quoi le Seigneur voulait en venir.

 

Jésus ne préconisait pas l’abandon des responsabilités familiales. L’emploi du terme ‘préférer’ avait pour but d’aborder une question importante en marquant l’esprit des gens, en provoquant un électrochoc. Tous savaient que Jésus utilisait une expression qui amplifie et exagère dans laquelle ‘préférer’ signifie aimer Dieu par-dessus tout, au point que toutes les autres personnes ou autres choses deviendraient secondaires.

 

Votre amour pour Dieu doit être si grand que vous ne lui préférez personne, même ceux à qui vous devez naturellement le plus d’amour. Ainsi l’affection naturelle de la famille passe au second plan, tant le lien qui vous unit à Dieu surpasse toute expression de sentiments humains, si élevés soient-ils.

 

Frères et sœurs, aujourd’hui Jésus s’adresse aux foules qui font route avec lui vers Jérusalem, et à travers elles il nous laisse trois consignes, les trois renoncements auxquels doivent se préparer tous ceux et toutes celles qui veulent devenir ses disciples :

  • replacer tous les liens affectifs, quels qu’ils soient, sur l’axe de la réponse au Christ ;
  • accepter de porter sa croix personnelle, c’est-à-dire le réel de sa vie ;
  • être prêt à lâcher tout ce qui est de l’ordre de l’avoir.

 

Chacune de ces consignes se retrouve ailleurs dans l’Évangile de Luc. En revanche, ce qui est tout à fait inédit, ce sont les deux courtes paraboles qui sont enchâssées dans le texte comme pour piquer notre attention.

Le Seigneur Jésus ne veut pas de disciples qui s’engagent avec l’enthousiasme éphémère d’une première émotion religieuse. Il ne veut pas d’individus qui répondent ‘oui’ sans savoir ce qu’ils disent. Il y a un prix à payer pour suivre Christ. Chacun doit le savoir et y réfléchir mûrement avant de décider quoi que ce soit. Pour souligner ce point, Jésus donne deux paraboles. Il cite d’abord le cas d’un homme qui construit une tour. La deuxième parabole est celle d’un roi qui se prépare pour la guerre.

 

‘Supposons,’ dit Jésus, ‘qu’un homme décide de bâtir une tour sur sa terre. Sans même considérer les dépenses de son entreprise, il fait débuter les travaux. Quelque temps plus tard, il est à court d’argent et doit abandonner en entier le projet. Il se retrouve ainsi avec une tour inachevée et complètement inutile. Quel embarras pour cet homme qui n’a pas su calculer le coût de sa démarche. Il aurait pourtant dû savoir qu’on n’entreprend pas une construction sans s’assurer d’avoir les moyens de la compléter.’

Il en est de même pour le disciple. Avant de faire hautement profession d’être un disciple de Jésus, il doit voir s’il aura les moyens d’abandonner entièrement sa vie à Christ. Autrement, sa vie de disciple risque fort de se terminer en queue de poisson.

 

Encore plus sérieuse est la situation d’un roi qui doit décider s’il fera la guerre à un autre roi. Son armée est numériquement inférieure à celle de son adversaire. En fait, il n’en a que la moitié : dix mille contre vingt mille. Il doit donc soupeser la force de ses troupes et évaluer consciencieusement ses chances de remporter la bataille. S’il est clair qu’il ne peut gagner, il vaudrait mieux rester en paix avec l’ennemi plutôt que de s’exposer à un honteux massacre.

 

Il en est de même de celui qui désire suivre Jésus. Il doit en considérer attentivement les conséquences. Autrement, il risque de s’enrôler dans une course qu’il ne pourra probablement pas soutenir.

 

 

Voilà frères et sœurs, Jésus nous dit que pour être ses disciples, il faut d’abord s’asseoir, réfléchir aux conséquences et se dire qu’on va en assumer clairement toutes les conséquences ; et ce n’est qu’après cela qu’on doit s’engager.

Jésus choisit donc d’avoir - non pas une foule qui continue à faire route dans tous les sens - mais un groupe moindre. Un groupe qui prend le temps de s’asseoir de temps en temps et de se dire : en quoi est-ce que je crois ? Qu’est-ce qui est le plus important pour moi ? Qu’est-ce que je suis prêt à changer de mon mode de vie ? Comment je m’engage dans le monde ? Et je crois qu’il est là, le caractère pertinent de ce texte pour nous aujourd’hui, frères et sœurs.

 

Après que Jésus ait prononcé ce discours très dur, le texte ne dit rien sur le nombre de personnes qui ont continué à le suivre. On ne dit pas que tout le monde l’abandonne. Difficile de croire pour autant qu’ils se soient tous mis à haïr leurs parents, ou ont abandonné toutes leurs richesses.

 

Frères et sœurs, ainsi, dans toute démarche de croyant, vient le moment où il nous faudra prendre le temps de nous poser la question : « Suis-je prêt à suivre Jésus jusqu’au bout ? Suis-je prêt à tout quitter pour le suivre ? Suis-je prêt à le préférer à tout, même « à mes proches, même à ma propre vie ? »

 

Devenir disciple de Jésus Christ c’est avoir pris le temps de répondre « oui » à ces questions.

 

En fait, Jésus ne veut prendre personne de court. Il prévient. Il nous prévient que, passé l’enthousiasme du départ, vouloir être son disciple c’est aller comme lui jusqu’au bout.

 

Parmi les foules qui suivent Jésus ce jour-là, beaucoup refuseront la condition. D’autres ne décideront rien. Ils ne prendront pas même le temps de dire « non ». Et, toute leur vie durant, ils demeureront d’éternels indécis. Ils seront des hommes d’action qui prendront la fuite dès la première difficulté.

 

Devenir disciple de Jésus Christ c’est, après être passé par l’enthousiasme du départ, avoir un jour pris le temps de lui signer un chèque en blanc, se mettre une attitude d’abandon total. Ce « oui » est indispensable pour l’emporter sur tous les « non » que nous risquons de poser dans les tempêtes de la vie. Ce « oui » prononcé un jour, nous permet de découvrir jour après jour que nous sommes tout-à-fait incapables par nous-mêmes de suivre Jésus jusqu’au bout, malgré le désir qu’un jour nous avons eu de le faire. Ce « oui » nous permet de découvrir notre fragilité sans pour autant nous y arrêter. Il nous permet de devenir véritablement disciples de Jésus-Christ : acculés à compter sur Dieu et non sur nous-mêmes pour nous tenir fidèlement. Nous pouvons alors progressivement apprendre à devenir fidèles, non par notre propre force mais… grâce à Dieu… par grâce !

 

Dans cette apostrophe « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer… », Jésus demande à ceux qui le suivent de situer l’attachement naissant à son égard. Il leur propose de rapprocher cet attachement naissant, - ils le suivent sur le chemin -, avec les autres attachements qui contribuent à la consistance de leurs existences.

Ce questionnement ne peut que produire, chez son interlocuteur, une crise, un malaise, une incapacité à répondre. De prime abord, je ne puis, au mieux, que constater l’existence de ces différents attachements… Comment puis-je alors les concilier, les situer ?…Pour cela, Jésus leur demande de quitter cette facilité qui va de soi, produite par la marche en groupe.

 

Cette facilité réconforte, chacun est avec les autres, il peut se fondre dans cette ambiance chaleureuse, se laisser porter par elle, sans chercher à en découvrir la signification, l’appel…

Jésus cherche à les amener à prendre du recul, à se poser… Il leur propose, pour cela, d’activer cette dimension en eux de la prévoyance, du calcul, de la comparaison qui donne de considérer autrement sa vie…

 

Frères et sœurs, Jésus veut, en nous, la liberté d’aimer et, pour cela, il nous demande d’user de manières différentes de notre intelligence… de considérer nos affections, de les comparer, de voir où chacune prend sa source…

Faire posément ce travail intérieur de comparaison, peut nous donner de suivre, dans la paix et avec douce résolution, la source la plus haute, la relation la plus profonde… celle, à partir de laquelle, je me découvre et je peux alors vraiment renoncer à un attachement pour un autre attachement… je peux me décider.

 

Jésus, veut que ceux qui entendent son message, hier/aujourd’hui, prennent au sérieux ce qu’il nous dit sur les modes de vie, sur les relations entre les personnes, sur l’engagement face aux injustices du monde.

Ce texte nous invite donc, frères et sœurs, à arrêter de temps en temps de faire route. À se demander quelles sont nos attaches, ce qui est plus important pour nous : Jésus ? Notre famille ? Notre travail ? Notre petit confort ?

 

Préférer Jésus à notre propre vie, ne serait-ce pas nous demander si nous sommes prêt à tout pour conserver notre vie, notre façon de vivre, même si il est contradictoire avec les appels de Jésus à respecter le plus petit, le plus faible, à être à l’écoute de la nature ?

Être prêt à porter sa propre croix pour suivre Jésus, n’est-ce pas nous demander si parfois, nous ne la faisons pas porter par d’autres ?

Ne pas faire porter notre croix à d’autres, n’est-ce pas se demander si nos regards sur et nos attitudes envers nos prochains ne sont pas en contradiction avec ce que signifie éthiquement être disciple de Jésus ?

 

L'image de la "croix qu'on porte" ramasse bien tout ce qui vient d'être dit. Notons qu'il ne s'agit pas de crucifixion, mais d'une marche en avant, où on assume tout ce qui constitue notre être et on le porte vers un lieu nouveau.

 

Par ce texte, frères et sœurs, Jésus nous appelle à cet acte de foi par lequel nous nous dépassons.

L'Évangile ne s'adresse pas à quelques surhumains. Oui, c'est bien à nous, à toi, à moi que Jésus parle. Oui c'est bien nous, c'est bien toi que Jésus appelle à cet impossible, à ce dépassement, non pas pour se réaliser mais pour rencontrer cet au-delà de nous, au-dedans de nous, cette présence intérieure, cette liberté intérieure.

La liberté, à laquelle Jésus nous appelle est, Dieu et l'on ne peut être libre, sans communier à la liberté. L'on ne peut pas suivre le Christ sans devenir son frère, son ami à qui Dieu révélera la Vérité.

 

Être chrétien, être disciple du Christ, être fils de Dieu nécessite que nous soyons libres, libres de tout, libres de nos valeurs, libres de nos croyances, libres de nos peurs et de nos convictions.

Oserons-nous cette liberté ? C’est la voix pour suivre le Christ et vivre pour lui. Amen !

 

Charles KLAGBA

 

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Luc 12, 49-53 Prédication du dimanche 14 août 2016

22 Août 2016, 11:09am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

 

Lectures : Jér. 38, 4-10 ; Héb. 12, 1-4 ; Luc 12, 49-53

 

Au cœur de l’été, alors que le soleil brûlant dessèche les garrigues qui menacent de s’embraser, alors que les échos de la guerre contre l’E.I. sont présents dans nos esprits endoloris par une série des drames récents, l’Evangile de ce jour nous parle de feu : « je suis venu apporter le feu » Il nous parle aussi de discorde : « je ne suis pas venu apporter la paix mais la discorde. »

Nous préfèrerions peut être, en ce moment, entendre les paroles rafraichissantes et apaisantes d’un Jésus prêchant la paix et la concorde. Ce Jésus là existe, bien sûr, c’est même son visage premier ; je dirai « sa marque de fabrique » : le roi de paix qui nous révèle un Dieu d’amour, le Père attentif à ses enfants dont nous parlait l’Evangile de Luc, il y a trois semaines. Cependant, l’Evangile n’est pas à confondre avec un livre d’histoires « susucres» pour « bisounours». Non, l’Evangile nous parle aussi d’un Christ crucifié, torturé en raison de son enseignement.

Et voici qu’aujourd’hui il assène des paroles tranchantes invitant à l’engagement sans compromissions. Alors, même au cœur de l’été, alors que la torpeur nous gagne peut-être, et que nous serions tentés de somnoler, doigts des pieds écartés, un verre d’orangina à la main, laissons nous interpeler par les paroles de l’Evangile que la liturgie de ce jour propose à notre méditation.

« Je suis venu apporter un feu sur la terre » Qu’est ce que cela veut dire ? Dans toute la Bible, le feu est le symbole de Dieu. Il vient à la rencontre de Moïse dans un buisson ardent ; dans les éclairs de l’orage au SinaÏ. Les victimes qui lui sont offertes en sacrifice sont passées par le feu.

Jésus lui aussi utilise souvent cette image biblique.

  • Il est celui qui baptisera dans l’Esprit et le feu, selon J.B. Il brûle les impuretés de la moisson dans le feu (Mt 3, 10)
  • Il jette l’ivraie inutile au feu (Mt 13, 40)
  • Il refuse de faire tomber le feu du ciel sur les Samaritains (Lc 9, 54)
  • L’Eglise vit du feu de l’Esprit descendu à la Pentecôte (Ac. 2, 3)
  • Le feu brûlait au cœur des disciples d’Emmaüs quand ils écoutaient le Ressuscité sans le reconnaître (Lc. 24, 32).

L’image du feu c’est donc le signe  de la présence de Dieu dans le monde, une présence purificatrice qui ne saurait s’accommoder des compromissions, qui exige de l’homme un engagement complet.

Voilà pourquoi, après avoir dit qu’il était venu apporter le feu sur la terre, Jésus ajoute : « Et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Il y a dans ces paroles comme une hâte, comme une urgence de voir enfin l’accomplissement de sa mission. C’est très curieux de constater cette impatience chez ce Jésus en qui nous voyons plus souvent l’homme rempli d’indulgence et de compassion pour les pêcheurs. Ces deux visages ne sont pas incompatibles. Certes, le Dieu de Jésus-Christ est plein de miséricorde, mais en même temps,  nous sommes avertis que nous devons rester vigilants. Dans les versets qui précèdent le passage de Luc sur lequel nous réfléchissons, il est dit : Restez en tenue de travail et gardez vos lampes allumées… à qui l’on a beaucoup donné on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié on réclamera davantage.» Tout cela est un appel à nous arracher à la banalité de l’existence, à ne pas nous contenter de médiocrité, car Dieu a des exigences sur nous. Il faut « brûler » au sein même de la banalité du quotidien. Nous sommes invités à participer à la hâte de Jésus : mettre en place ce Monde nouveau pour lequel l’humanité est faite et dont la réalisation dépend de nous.

Ces paroles de Jésus ne sont ni facile à comprendre, ni faciles à recevoir. Elles dérangent vraiment, mais ce n’est pas une raison pour les laisser de côté. L’Evangile est un et il faut le prendre en son entier. Nous n’avons pas le droit de ne retenir que ce qui nous arrange.

« Je dois recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli.» ajoute-t-il encore.

Cela nous rassure : Jésus aussi aurait bien voulu « se débiner » mais il ne l’a pas fait. Il est hanté par sa mission. Il sait que le salut de l’humanité pour lequel il a été envoyé sur terre passe par la souffrance et par la mort. C’est à ce prix que le mal sera vaincu et que le Monde nouveau (autre traduction du Royaume de Dieu) se réalisera. Ce baptême dont il parle et qui l’angoisse c’est celui de sa mort, le nécessaire passage par le feu purificateur. Mais le disciple n’est pas plus grand que le Maître. A nous aussi la vie nous réserve notre part d’épreuves et nous savons qu’il n’y a pas de progrès sans déchirements : « si le grain de blé ne meurt…. » L’épreuve ultime à laquelle nul n’échappera c’est la mort. Mais parce que Jésus est passé devant, parce qu’il a su affronter cette épreuve qu’il craignait (« il m’en coûte que ce baptême soit accompli ») et parce qu’il a vaincu la mort,  nous avons la certitude que nous aussi, à sa suite, nous sommes promis à la Vie. « Baptisés en Jésus-Christ, (déclare Paul dans Rm 6) c’est en sa mort que nous avons été baptisés… Mais si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons (que nous vivons) aussi avec lui. »

Ceci est notre foi de chrétiens, mais elle n’est pas facile à porter nous affirme encore Jésus qui, dans cet Evangile de Luc ne veut décidemment pas que nous nous bercions d’illusions.

 

« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. »

Encore une fois, c’est la douche froide ce matin. L’Evangile serait-il donc venu pour mettre la pagaille ? La paix, c’est l’un des plus grands bienfaits que l’homme puisse désirer, depuis toujours. Sans elle, tout devient illusoire et fragile, il n’y a plus de vie sociale possible. Dans nos civilisations on ne se souhaite plus la paix aujourd’hui, estimant sans doute que les Etats sont chargés de la maintenir (tant bien que mal, on en sait quelque chose) On se souhaite plutôt la santé et dans nos rencontres on interroge : comment ça va ? Pour terminer par : « porte-toi bien ». Ce changement de centre d’intérêt est très significatif de ce qui est important pour nous. Se souhaiter la paix, c’est mettre l’accent sur la relation sociale. Se souhaiter la santé, c’est s’intéresser à l’individuel. Ne se plaint-on pas de cet individualisme qui gagne nos sociétés jusqu’à les gangrener ?

 Dans la Bible, au contraire, la paix apparait comme le premier des bienfaits. Les Hébreux se saluaient en se souhaitant la paix Shalom. Jésus renvoyait ceux qui avaient été pardonnés par ces mots : « Va en paix ». Quant aux disciples ils sont invités à souhaiter la paix dans les maisons où ils rentrent.

En disant à ses disciples : « pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde », il ne dénie pas l’importance de la paix en laquelle il croit lui aussi très fort, mais il veut les avertir : pas d’illusions sur le sens que le monde donne au mot paix. Ailleurs() il leur déclare : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Non pas comme le monde la donne. » Jésus ne se contente pas d’une paix de compromissions qui ne règle rien du tout. Vous savez, après chaque catastrophe, on entend des déclarations péremptoires, des sortes d’incantations : « plus jamais ça ». En réalité on ne prend pas les moyens pour que « ça » n’arrive plus. Trop difficile, trop dangereux politiquement, trop compromettant. Et quelques années, quelques mois plus tard, quelques semaines plus tard, « ça » recommence.

Jésus, lui, offre une paix qui engage, une paix qui bouleverse toute une vie et qui va parfois à l’encontre des certitudes de nos contemporains. Il est dur, en vérité de l’entendre déclarer : « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix ? Non, mais plutôt la division.» Notons qu’il dit la division et non pas la guerre. La guerre, c’est l’affrontement passionné, acharné jusqu’à la victoire pour l’un et l’écrasement pour l’autre. La division vient du refus de  

la compromission. Jésus a appelé ses disciples à cette sorte de radicalité :

« que votre oui soit oui, que votre non soit non. »

 « Si le sel perd sa saveur avec quoi le salera-t-on. Il ne sert plus à rien »

« Qui n’est pas avec moi est contre moi ».

« Laisse les morts enterrer les morts. Toi, viens et suis moi

Une radicalité qui, avec le message d’amour, de compassion, fait partie intégrante du message évangélique, message qu’il faut savoir interpréter avec discernement, bien sûr et ne pas utiliser dans un sens qui peut servir des intérêts douteux, comme on peut être tenté de le faire, mais un message qui existe néanmoins et qu’on ne doit pas mettre de côté.

Jésus prend alors un exemple domestique pour annoncer prophétiquement que le fait de s’engager dans la voie qu’il propose à ses disciples peut introduire des drames « Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois…. Le père contre le fils et le fils contre le père…. La mère contre la fille et la fille contre la mère

Les apôtres qui ont entendu ces paroles ont fait l’expérience personnelle de leur vérité. A la suite de leur Maître qui n’a pas voulu édulcorer son message pour être agréable aux autorités, eux aussi ont tous connu une mort sanglante, (d’après la tradition). C’est un fait bien connu de l’histoire que la fidélité au message chrétien peut aboutir à des tragédies, y compris pour ceux que l’on a parfois qualifiés d’hérétiques et qui étaient sans doute plus proches de la pensée évangélique que ceux qui les persécutaient au nom du Christ.

Aujourd’hui encore le seul fait d’être chrétien peut conduire à des ruptures radicales. Des hommes sont sommés de se convertir à l’islam sous peine d’être exécutés. D’autres sont massacrés sans même qu’on leur demande de renier le Christ. De toutes jeunes filles sont violées uniquement parce qu’elles sont chrétiennes.

Nous n’aurons certainement pas à subir de telles horreurs mais croire et suivre Jésus Christ nous met parfois devant un dilemme. Parce que nous croyons que nous sommes responsables de l’avènement d’un Monde nouveau, il y a des choses que nous ne pouvons pas accepter de faire. Quitte à choquer notre entourage, au risque de subir la critique ou des brimades dans notre vie personnelle ou professionnelle. Je n’entrerai pas dans les détails, chacun est capable de voir à quoi la foi en Christ l’engage.

Etre chrétien c’est parfois, c’est souvent, exigeant. Mais nous avons une promesse. Nous ne sommes pas seuls, nous avons avec nous, en nous, l’Esprit de Jésus, si nous le voulons « Le Père céleste donnera l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent. » (Lc. 11, 13). C’est ce que nous avons lu lors du culte dominical, il y a trois semaines et qui a été commenté dans la prédication.

 

André Bonnery

 

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Un homme creusait, creusait... Luc 11, 1-13 - Prédication de Joëlle Alaméras le 24 juillet 2016

25 Juillet 2016, 08:23am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Genèse 18, 1 - 12

LUC 11, 1 – 13

 

« un homme creusait, creusait, creusait… »

 

Introduction :

 

« Parcourez les rues de Jérusalem, regardez je vous prie, informez-vous, cherchez sur les places ; s’il s’y trouve un seul homme, s’il y en a un seul qui agisse selon l’équité, qui recherche la probité – alors je pardonnerai à la ville[1] » écrit Jérémie. Un célèbre présentateur de télévision aurait pu ajouter en tendant son bras vers la caméra : Abraham, si tu m’entends »… Abraham a intercédé, avec audace semble-t-il mais aussi avec retenue, face au Seigneur qui se demandait ce qu’il allait faire de ces villes d’où montaient jusqu’à Lui des cris de détresse. Intercéder… comment ? pourquoi ? pour qui ? jusqu’où ? Ce sera notre méditation de ce matin. Nous entrerons d’abord dans l’univers d’Abraham et ce sera comme une porte qui s’ouvre sur l’école de l’intercession. Une des portes, car l’intercession c’est le face à face avec le Seigneur en 70 volumes… plus un, inédit, à écrire ! Puis nous ouvrirons l’Evangile où Jésus prolonge, en quelque sorte, la prière d’Abraham, l’agrandit, la transcende. Et enfin, nous ferons quelques pas nous-mêmes sur ce chemin qui ouvre des trouées vers le Seigneur et autrui.

 

1) Abraham :

 

- le Seigneur fait le premier pas : Parlons d’Abraham et avant même de le citer, revenons sur notre texte : « cacherais-je à Abraham ce que je vais faire » ? Le Seigneur s’interroge et tourne les regards vers son serviteur Abraham. Ainsi, c’est Dieu, qui, le premier, pose les bases de la prière à venir d’Abraham. Combien il est rassurant de se dire que lorsque nous prions, dans l’intercession, c’est d’abord en réponse au premier pas que Dieu fait vers nous. Non seulement nous ne sommes pas seuls dans cette action, mais mieux, nous sommes incités, puis accompagnés pour tourner notre cœur vers nos frères et sœurs pour parler d’eux au Père qui nous le demande.

 

- réponse d’Abraham : Dieu donne donc la parole à Abraham. Il connait l’homme jusqu’au tréfonds de son âme. On a le sentiment que le Seigneur a pensé à haute voix devant Abraham et cela enclenche une étonnante discussion comme celle de deux amis discourant à bâtons rompus et à cœur ouvert d’un sujet qui leur tient à cœur et sur lequel, à la base, ils sont sur la même longueur d’onde. « Ni lutte, ni marché, ni ruse pour s’emparer d’un bien de Dieu, la prière est notre réponse à l’invitation que nous adresse le Seigneur à entrer sans calcul ni convoitise dans son plan de salut, à partager son amour pour tous les êtres – justes comme injustes – et à contribuer à faire naître et croître sa joie » écrit un pasteur[2]. Abraham ne le sait pas mais ses relations exceptionnelles avec le Seigneur lui font pressentir ce qui aujourd'hui, pour nous, est une évidence : « un seul juste suffit pour le salut du monde ».

Abraham s’arrête à dix justes. Il ne va pas jusqu’au bout de sa démarche. Mais là nous sommes peut-être dans la pensée du rédacteur du texte, à une époque où, pour qu’un culte soit vécu dans une synagogue, dix hommes au moins devaient être présents ; c’est la règle du Minian.

Il n’empêche que nous sommes en admiration devant cet homme, qui, dans ce temps-là, avec les mœurs de son peuple et les traditions que nous lui connaissons, ne s’attache pas seulement à sauver sa famille. Après tout, il aurait pu demander la vie de Lot et de sa maisonnée et s’en tenir là. Mais non, il demande la vie sauve pour toute la ville, y compris ceux que nous appelons « les méchants » au nom de la présence de quelques justes au milieu d’elle. Il n’approuve pas la conduite scandaleuse des hommes pervers prêts à tout pour un moment de plaisir. En fait, dans sa prière, il ne parle pas du mal qu’ils font. Mais simplement de ces justes, qui sont là, dans la ville, jusqu’à oser insinuer que le Seigneur ne saurait « jamais faire une chose pareille : faire mourir le juste avec le méchant »…

Finalement, Sodome ne sera pas sauvée. Ni même la femme de Lot. Et nous ne savons pas ce qu’Abraham a pu en penser puisqu’il retourne chez lui, dit le texte, sans commentaire particulier. Sa prière a-t-elle été inutile ? un échec cuisant qui serait une espèce de repoussoir à prière pour nous ?

Ce serait faire fi de ce qu’Abraham en a appris. Car si les habitants de Sodome ont campé, droits et entêtés dans les baskets, sur leurs positions, (enfin, quand je dis baskets…). Abraham lui, dans cette intercession a connu un changement intérieur comme seul l’Esprit de Dieu peut en initier. Sa prière n’a pas été exaucée, mais là, apparemment n’était pas le but. Sa prière a fait de lui un homme en symbiose avec la pensée divine, un homme dont le regard se porte vers les justes, mais aussi vers les méchants, un homme qui, s’il a prié pour des justes, savait qu’il priait en même temps pour que les pécheurs aient la vie sauve. Il devient ainsi le reflet,  une espèce de résonnance par anticipation, de « retour vers le futur », de ce qu’il sera : une bénédiction pour toutes les nations.

C’est ce qu’illustrait un père du désert qui écrit : » Celui qui prend de l’huile dans le creux de sa main et en frotte un malade obtient pour lui aussi un avantage de l’onction : car l’huile pénètre sa propre peau. De même, si l’un de nous fait une prière pour un frère, il en partage le profit »[3].

 

2) Jésus : Dans l’Evangile de Luc, le texte proposé à notre méditation, d’une richesse inépuisable, a fait couler tant d’encre, suscité tant de livres de commentaires, que j’ai un peu scrupule à choisir de n’aborder qu’une  millionième de millionième de millionième des trésors qu’il renferme et donc, soyez sans inquiétude, vous déjeunerez à l’heure habituelle. En effet, pour rester dans la continuité de la prière d’Abraham, nous parlerons simplement de la façon dont Jésus a pris la suite dans une compréhension élargie de l’intercession de ce qu’Abraham avait pressenti. Jésus, lui, l’a accompli.

Nous retrouvons d’abord un face à face avec Dieu. Le Notre Père abrégé qui ouvre notre texte est davantage une confession de foi qu’une prière,  la reconnaissance de qui est Dieu pour moi : un Père, fort et bienveillant qui peut à la fois me nourrir et me prendre telle que je suis tout en sollicitant le meilleur qui est en moi pour me conduire sur le chemin de son amour et de l’amour d’autrui. Une invitation de Jésus à prier comme un enfant parle à son père, à voir le monde avec les yeux de son père, à reconnaitre aussi que si les autres ont des péchés à se faire pardonner, nous ne sommes pas meilleurs qu’eux et que c’est ensemble que nous pouvons résoudre les difficultés qui pleuvent dans nos vies.

L’histoire des 3 hommes interdépendants l’un de l’autre, présente une demande en cascade, somme toute assez simple : «du pain ». Cette histoire nous dit combien nous dépendons les uns des autres. Un voyageur fait confiance à un ami chez qui il arrive à l’improviste et où il espère être reçu décemment. Cet ami, lui, fait confiance à une autre personne au point d’aller la réveiller en pleine nuit pour lui exposer le souci qui lui tombe sur le paletot (si je puis le dire ainsi) et il ne lâchera pas la patate tant qu’il n’aura pas obtenu le pain demandé. Quant au dormeur, réveillé en sursaut par des bruits tapageurs, et nous savons tous dans quel état nous sommes quand nous nous levons du pied gauche, il a assez de cœur pour finalement accéder à la demande.

Ici, chaque personne sollicitée aurait pu mettre sur la table des arguments massue du type : « dis-donc, c’est un peu sans gêne d’arriver chez moi en pleine nuit sans crier gare ». Quoique… le téléphone n’avait pas encore été installé dans les maisons à cette époque. Et le dormeur aurait pu renchérir : « eh ! oh ! tu fais quoi avec le pain chez toi ? tu ne pouvais pas en faire faire d’avance au cas où ? »... chaque demande aurait pu susciter des questions embarrassantes qui aurait mis le demandeur en position d’humiliation, un homme incapable d’offrir l’hospitalité dignement, comme il se doit.

Je partage cette précision car lorsque nous nous présentons devant le Seigneur, Il pourrait, lui aussi, nous poser des questions délicates, voire incommodantes ; pour tout dire, elles seraient susceptibles de mettre en lumière notre pain rassie ou pire, la panetière spirituelle vide qui fait tache dans notre vie.  Mais ce matin nous ne parlons pas de nous et de nos manques.

 

3) intercédons : Dans l’intercession, nous déplaçons nos propres manques sur la nécessité qui nous est faite de demander pour autrui. Nous nous effaçons pour laisser le regard du Seigneur ouvrir en nous, comme à livre ouvert, la vie de nos semblables. Et, parce qu’Il a, le premier, amorcé cette démarche, nous pouvons maintenant lui dire notre peine pour ce que vivent nos semblables et notre désir de mettre fin à leurs souffrances, leurs peines, leurs appels au secours ou pire leurs silences.  Et nous voilà embarqués, ainsi, dans un parcours toujours renouvelé d’intercessions pour nos frères et sœurs en humanité même si, pour intercéder nous devons aussi le faire pour ceux dont nous ne pensons aucun bien. Quand nous intercédons pour nos frères et sœurs syriens, ne présentons-nous pas aussi leurs bourreaux ? Quand nous supplions pour les esclaves sexuelles, ne demandons-nous pas aussi le retournement du cœur des hommes qui les torturent ? Quand nous implorons pour un pays tout entier où la guerre ravage les familles, tuent les adultes, transforme les enfants en bêtes sauvages, ne demandons-nous pas, implicitement, que tous les acteurs responsables de ces violences en finissent avec leur inhumanité ?

Ce chemin ouvert de l’intercession nous l’empruntons même si nous ne voyons pas la réalisation des paroles de Jésus : « demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez »… Abraham n’a pas vu la réalisation de son intercession, et combien d’entre nous voient la réalisation des leurs ?

Une petite fille disait : j’ai prié Dieu mais il n’a pas exaucé ma prière. Ce n’est pas qu’il n’ait pas entendu, simplement, il ne voulait pas dire oui alors il a répondu non.

 

Conclusion : concluons avec cette histoire que raconte Antoine Nouis.

« Un homme vivait dans un pays où il ne pleut qu’une fois par an. Il en arrive à la conviction qu’il y a de l’eau dans les profondeurs de son jardin.

Il se dit que s’il creuse assez profondément,  il finira bien par la trouver. Il achète une pioche et se met au travail dans le coin le plus bas de son jardin qui a la forme d’une cuvette, car il remarqué que c’est l’endroit où l’humidité reste le plus longtemps après la pluie.

Tous les matins, il se lève avant le soleil, et passe de longues heures à creuser un puits. Il ne s’arrête de travailler que lorsque le soleil devient trop brûlant.

Les semaines, puis les mois passent. Le trou devient de plus en plus profond, et la terre de plus en plus dure. Elle est argileuse et ne laisse pas filtrer la moindre goutte d’eau.

Les habitants du village se moquent de l’apprenti puisatier, mais l’homme est persévérant. Une petite voix intérieure lui dit que le travail qu’il fait n’est pas inutile et qu’il finira bien par trouver de l’eau.

Au bout d’un an, le puits fait plusieurs dizaines de mètres de profondeur, mais il ne laisse pas percer la moindre goutte d’eau.

Lorsqu’arrive enfin le retour de la pluie, il y a fête au village. Les hommes, les femmes, les enfants dansent dans la rue, le visage et les mains  levés vers le ciel pour accueillir l’eau qui tombe des nuages. Cette année, notre homme ne participe pas à la fête. Il préfère rester chez lui. Il a perdu son pari. Pendant un an, il a creusé et son puits est resté sec.

Lorsque la pluie cesse, il sort pour aller voir son trou. Seul face à son ouvrage, son regard devient trouble à cause des larmes qui emplissent ses yeux. Ce sont des larmes de joie car le puits est rempli de toute l’eau qui s’est écoulée de son jardin. Il n’a pas travaillé en vain[4]. » Amen

Joëlle Alméras

 

[1] Jérémie 5, 1

[3] Monique Berry, Ivresse de Dieu, Paris, Albin Michel 1991, p.253.

[4] Antoine Nouis Un catéchisme protestant  page 546

 

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Marthe et Marie. Luc 10, 38-42 - 17-07-2016

18 Juillet 2016, 09:15am

Publié par egliseprotestanteunienarbonne@gmail.com

Prédication de Sylvie Queval au culte du dimanche 17/07/2016 au temple protestant de Narbonne

 

Luc 10, 38-42

Certains récits de notre Bible nous sont si familiers qu’il devient difficile de s’arracher à certaines lectures convenues. C’est bien le cas de cette visite de Jésus chez Marthe et Marie.

Les prénoms de ces deux sœurs sont presque devenus les emblèmes de l’opposition entre action et contemplation et nous avons tendance à psychologiser le texte, c’est-à-dire à imaginer qu’il y a des Marthe et qu’il y a des Marie, que ce sont des caractères différents et quasi naturels. Dans nos paroisses, il y celles et ceux qui veulent « faire » et celles et ceux qui veulent « prier » ou « méditer ». Mais est-on forcément d’un côté ou de l’autre ?

Essayons de revisiter l’épisode avec des yeux neufs. Deux ou trois surprises nous y attendent.

 

Notre récit termine le chapitre 10 de l’évangile de Luc, il suit immédiatement la parabole du Bon Samaritain (le texte de la semaine passée) qui est, elle-même, dans le prolongement des textes que nous lisions il y a deux et trois semaines, textes qui nous expliquaient ce que signifie « être disciple de Jésus ». Cet enchaînement des textes a un sens, chacun prolonge et précise celui qui le précède.

 

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Du dehors au dedans

Depuis le début du chapitre, nous suivons Jésus sur les chemins. Et, chemin faisant, nous avons compris qu’un disciple doit savoir accepter l’hospitalité en toute simplicité.

C’est précisément d’hospitalité qu’il est question ce matin; et c’est Jésus lui-même qui accepte l’hospitalité, il est accueilli dans une maison. Nous passons du dehors au-dedans.

Première surprise : ce sont deux femmes qui le reçoivent !

Imaginez l’effet que pouvait produire un tel récit vers la fin du premier siècle de notre ère, quand il a été composé ! Que ce soit dans la culture juive ou la culture gréco-latine, la place de la femme est en cuisine. Un visiteur ne peut être reçu que par le maître de maison.

Or le texte insiste « Marthe reçoit Jésus dans sa maison », « sa » maison. Marthe porte d’ailleurs un prénom prédestiné puisque, en araméen, Martha signifie « maîtresse de maison ». Il n’y a pas de maître de maison dans cette histoire. Jésus est accueilli par deux femmes et on ne sait pas ce que sont devenus ceux qui l’accompagnent, ni où peut être Lazare qu’on sait par ailleurs être frère de Marthe et Marie.

Il nous faut mesurer le caractère étonnant – à la limite du scandale -  qu’a cette scène si on veut la comprendre comme le récit d’un épisode réel de la vie de Jésus. L’intention de Luc est clairement de créer une situation intime - il réduit au minimum le nombre de personnes en présence -  et de nous faire réfléchir à ce que signifie « accueillir Jésus ».

Rappelons-nous que nous sommes dans la suite des versets qui définissent ce que c’est que d’être « disciple de Jésus » ; Luc en donne ici une nouvelle formulation imagée : le disciple est celui qui accueille Jésus en lui-même, qui lui ouvre les portes de sa vie intérieure.

La parabole du bon Samaritain nous avait emmenés sur les grands chemins, l’épisode de Marthe et Marie nous offre une scène de vie domestique. Les deux sont complémentaires, se complètent, se précisent l’un l’autre.

 

La diaconie, oui mais…

En passant du dehors au-dedans, une seconde surprise nous attend.

On découvre Marthe, qui a ouvert sa porte, se comporter d’une façon assez semblable à celle du Samaritain de la parabole. En effet, elle est totalement dévouée à son invité, elle se « décarcasse » pour mettre les petits plats dans les grands. Le texte dit :

  • « Marthe s’affairait à un service compliqué » (TOB),
  • « elle était occupée à divers soins domestiques » dit Segond,
  • « elle était absorbée par les multiples soins du service » traduit la Bible de Jérusalem.

La phrase grecque est difficile à traduire exactement, elle contient l’idée d’une dispersion en de multiples tâches et le verbe employé est celui qui a donné le mot « diaconie » en français. Je dirais volontiers que Marthe se noie dans la diaconie. Elle est une espèce de Samaritain au carré. Elle fait certes preuve d’hospitalité envers Jésus mais elle en fait trop.

Du coup, cette attitude de dévouement à autrui que Jésus vient de valoriser quelques versets plus haut en racontant l’histoire du Samaritain, va valoir à Marthe, une ferme avertissement de Jésus : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses » (v. 41). Marthe est comme ces hommes que Jésus avait rencontrés à la fin du chapitre 9 et dont l’un voulait enterrer son père avant de le suivre, tandis que l’autre voulait saluer sa maisonnée. Jésus leur avait reproché de n’avoir pas le sens des priorités. Il en va de même ici : Jésus ne reproche pas à Marthe de faire le service mais de ne pas le faire au bon moment.

Après la parabole du Samaritain, Jésus semble donc vouloir rééquilibrer les choses : le service d’autrui, oui mais en son temps et pas au détriment de l’écoute de la parole. L’action, oui, pas l’activisme.

 

Dispersion, concentration

Il y a encore un point à souligner dans ce bref épisode : non seulement Marthe s’affaire à mille choses, mais de plus elle se plaint de n’être pas secondée par sa sœur. Il est rare que quelqu’un interpelle Jésus de façon aussi vive que le fait Marthe. Elle donne bien du « Seigneur » à Jésus mais c’est pour le houspiller « ça n’a pas d’importance pour toi que ma sœur me laisse seule pour servir ? ».

Qu’est-ce qui a de l’importance pour Jésus ? Qu’est-ce qui compte pour lui ? Marthe croit le savoir, elle prend son évidence à elle pour une certitude générale.

Et, non contente de faire un reproche à Jésus, Marthe lui donne un ordre « dis-lui donc de m’aider ! ». Bien sûr, quand on croit savoir ce qui est juste et bon, on n’hésite pas à régenter le monde selon cette certitude.

Pauvre Marthe qui n’a rien compris à l’ordre des priorités et qui s’enfonce.

Et c’est le troisième motif d’étonnement de ce récit : Jésus ne dit pas à Marthe ce qui compte pour lui mais il insiste sur l’opposition entre beaucoup et peu. Jésus explique à Marthe que son erreur est de se disperser en de trop nombreuses tâches alors que peu sont nécessaires et même une seule. L’erreur de Marthe est la dispersion.

Marie est la figure du disciple tel que Jésus le veut. Marie est concentrée sur le moment présent, elle est toute à l’écoute de Jésus, il sera bien temps de cuisiner et mettre la table plus tard.

Nous qui vivons à l’âge du zapping, nous devrions être particulièrement attentifs à la mise en garde de Jésus. Tous les analystes du temps présent le disent : nos attentions sont dispersées car nous sommes submergées par les informations et les sollicitations venues du dehors, nos ordinateurs, nos téléphones, nos téléviseurs, nos radios ouvrent nos maisons en grand sur le monde.

C’est bien car cela fait de nous des hommes et des femmes attentifs au monde et sensibles aux bruits du monde et, de ce point de vue, ayons le Samaritain comme modèle.

Mais, sachons aussi, entrer en nous, sachons refermer parfois les portes et fenêtres, cela s’appelle le « recueillement » et, alors, c’est Marie qui sera notre modèle. Arrêtons un peu notre course, posons-nous et … écoutons !

Oui, il est un temps pour chaque chose comme nous l’enseigne l’Ecclésiaste. Il est un temps pour courir le monde et y être actif ; il est un temps pour suspendre l’action et laisser résonner en nous les paroles de vie.

 

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Y-a-t-il des Marthe, y-a-t-il des Marie par caractère et nature ?

Je ne le crois pas. Mais il est un temps pour être Marthe et un temps pour être Marie. Après avoir parcouru les chemins comme le Samaritain, sachons entrer en nous-mêmes. Et alors, posons nos soucis, nos affaires. Asseyons-nous « aux pieds du Seigneur" comme dit notre récit. Nous n’en serons que plus fermes pour reprendre notre service ensuite.

 

Sylvie Queval

 

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